Le centre du Mali endeuillé par les attaques à répétition. Lundi au moins 38 personnes ont été tuées dans deux localités ciblées par des hommes armés, non loin du Burkina Faso. Une attaque qui n’a toujours pas été revendiquée. Ailleurs dans le centre du pays, d’autres attaques ont été signalées mercredi et ce jeudi 20 juin, notamment sur les axes routiers. Un contexte qui pèse sur le quotidien des habitants.
Ce contexte de violences dans la région alimente les craintes des populations, notamment à Bandiagara, ville située à 1h30 de route de Sévaré où un imam et des habitants ont fui ces derniers jours.
C’est la rumeur d’une attaque ciblée contre une communauté qui les aurait fait fuir, et même si un démenti a été apporté, la crainte d’une attaque est restée alimentée par les incidents à répétition qui ont lieu dans la zone ces derniers temps.
La ville se vide…
« Depuis trois jours, la ville est en train de se vider de ses habitants, témoigne un habitant qui préfère garder l’anonymat. Des familles entières sont parties. Tout le monde a peur, que ça soit des Dogons, Peuls ou autres ethnies vivant à Bandiagara. Personne ne se sent en sécurité. Nous n’avons plus d’espoir ».
Pas d’espoir en l’absence de sécurité. Les seules patrouilles dont parlent les habitants sont celles de la milice dogon « Dan Nan Ambassagou ». Les forces armées maliennes (Fama) et la force des Nations unies (Minusma) ne jouent pas leur rôle, explique cet autre habitant : « La Minusma, non seulement voit les groupes armés, mais souvent elle les dépasse et ne leur dit rien. En cas d’attaque, ils n’interviennent pas. C’est vraiment l’inactivité totale. Quant aux Fama, c’est là aussi quand il y a des attaques, on voit leur convoi passer, trop tard. Souvent, c’est juste le lendemain qu’ils viennent ».
En vain, les habitants de Bandiagara ont plaidé pour l’installation d’un camp de l’armée malienne chez eux. Attendre à chaque fois des renforts de Sévaré à 65 km n’est plus possible, répètent-ils aujourd’hui.
Carence de l’État
L’Association malienne des droits de l’homme (AMDH) interpelle les autorités et leur demande d’agir vite. Le président de l’AMDH, maître Moctar Mariko dénonce l’absence de l’Etat dans la zone et l’impunité des auteurs de ces attaques qui favorise le cycle de violence.
« Chacun s’est armé pour se protéger. Les milices sont en train de suppléer la carence de l’État. En ce sens, je veux parler de l’absence des administrations maliennes, l’absence des forces de sécurité du Mali dans cette zone pour protéger les populations. Et c’est un laisser-aller total. »
Moctar Mariko pointe aussi les problèmes d’amalgame ou d’impunité. « A chaque fois qu’il y a une violence quelque part, quand il y a une communauté, on a aussi tendance à les instrumentaliser les uns contre les autres. Il y a un amalgame et une confusion totale au centre du Mali. Et les gens ont aussi ce sentiment de frustration parce que pour toutes ces violences, il n’y a jamais eu de poursuites. Et comme il n’y a pas d’ouverture sérieuse d’enquête, les gens se sont dit : il faut mieux s’armer et se défendre parce qu’on ne sait pas quand la justice viendra à notre secours ».
Enrayer le cycle de violence
Afin de lutter efficacement contre cette situation, maître Moctar Mariko suggère à la fois de renforcer l’armée malienne, consolider le dialogue intercommunautaire et appliquer la justice pour permettre le retour de la paix.
« L’armée malienne doit monter en puissance. Mais le problème au Mali, c’est que nous sommes un territoire très vaste. Et l’État n’a pas les moyens de faire déployer l’armée malienne sur toute cette zone. Donc il faudrait équiper l’armée malienne et cela doit passer par la coopération soit avec Barkhane, soit avec la Minusma pour aider l’État du Mali à sécuriser les populations au Centre. Il y a deux choses à faire, c’est passer par la sensibilisation et inviter toutes les communautés au dialogue. »
Pour le président de l’AMDH, il est également urgent de faire appliquer la loi et de rendre justice. « Tous ces phénomènes, toute cette barbarie, ces tueries, c’est parce qu’au départ, l’État du Mali a été très laxiste. Il n’y a jamais eu de véritables poursuites. Donc dans ces conditions, nous sommes en train au Mali de faire la promotion à l’impunité. Je pense aussi que le dialogue peut résoudre ce problème, mais tout cela passe d’abord par la justice. Il faudrait que les gens comprennent que chaque acte qui va contre les lois, règlements et contre les conventions internationales signées par le Mali doit être poursuivi ».
RFI