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Mali : le système politique en question

Au commencement était la vertu et, au moment où le pays va entamer les réformes majeures pour sortir de la crise par le haut en ouvrant la voie à la réconciliation, au développement économique, social et politique, il semble opportun de rappeler certaines tares de notre système politique qui expliquent pourquoi le pouvoir est si difficile à exercer dans ce Mali dit démocratique. Le déficit de légitimité semble à l’origine du mal.

Le problème de la légitimité est une donnée constante dans les régimes politiques africains en général, au Mali en particulier, et il le demeure depuis plus d’un quart de siècle en dépit des efforts de démocratisation. En effet, les maliens ne votent pas beaucoup et pas suffisamment pour donner du crédit à leurs choix politiques.

LA QUESTION DE LA LEGITIMITE

La légitimité est une question qui ne peut pas être réduite à la légalité ou à la « légitimité formelle » des dirigeants et de leurs actes. Elle suppose, entre autres, l’acceptation des élites et de la population. C’est ainsi que la légitimité renvoie à la question du droit de commander et du devoir d’obéissance qui suppose le consentement. Il faut distinguer quatre niveaux de légitimité dont l’existence est indispensable pour rallier le consentement des populations : la légitimité de la relation de pouvoir elle-même, la légitimité accordée à l’appareil spécialisé exerçant la domination, la légitimité des règles et procédures de prise et d’exercice du pouvoir, la légitimité des individus qui exercent effectivement le pouvoir. Autrement dit, les populations adhèrent-elles à la façon dont le pouvoir politique est mis en place, se reconnaissent-elles dans les institutions et ceux qui les animent, dans la Constitution et les lois votées, jugent-elles moralement aptes les élus et les grands Commis de l’Etat qui sont censés les servir ? On ne saurait s’abriter derrière la légalité des actes pour régler ce type de problème dont la résolution conditionne pourtant le bon fonctionnement de l’Etat. Sur ce chapitre, avec les stratégies d’exercice du pouvoir qu’on observe depuis 1992, c’est la politique de l’autruche.

LA QUESTION DES STRATÉGIES D’EXERCICE DU POUVOIR

On le sait clairement depuis Machiavel, la politique est orientée essentiellement vers l’élaboration de stratégies de conquête et de conservation du pouvoir. En termes plus simples, les hommes politiques ont deux préoccupations : comment arriver au pouvoir et comment s’y maintenir ? On sait qu’en démocratie, le pouvoir est idéalement conquis et exercé en vue d’appliquer un programme politique, mais on sait aussi qu’il n’en est pas toujours ainsi, notamment au Mali où l’activité politique est totalement accaparée par le souci de demeurer au pouvoir en raison de l’ampleur du déficit de légitimité. Les leaders doivent de ce fait penser constamment à élaborer des stratégies pour conserver le pouvoir, leur pouvoir, face à une opposition mal inspirée cultivant les mêmes velléités de conquête et de conservation, devant une société civile certes profondément dépitée, mais non totalement désarmée.

LA QUESTION DE LA SOCIÉTÉ FACE AU POUVOIR

Quand on fait une analyse des différents régimes politiques de l’ère dite démocratique, on s’aperçoit qu’ils sont structurés de façon néo-patrimoniale avec une vue de la politique par le haut, c’est-à-dire une approche qui met en exergue les institutions, les élites et le pouvoir. Ils laissent de côté les logiques sociales pendant qu’ils manifestent une grande volonté de contrôler la société, mais cette entreprise n’est jamais totalement effective. En effet, dans un pays où vivent côte à côte des diplômés pauvres et des criminels riches, comment faire passer à la jeunesse des messages sur la valeur de l’éducation ou le sens de l’honnêteté ? C’est ainsi que la politique par le bas, l’action des activistes et l’interactionnisme qui en découle ont mis en évidence au Mali de nombreuses manifestations de la vitalité de la société. Parmi la diversité des manifestations possibles de cette vitalité, on a pu observer trois types : le phénomène d’« escapisme », le phénomène de résistance et la dérision politique. À ces types s’ajoute un quatrième, la revendication démocratique. L’« escapisme » diffère de l’opposition, en ce qu’il se caractérise par un repli plutôt passif hors de l’atteinte de l’État, alors que les stratégies d’opposition ne fuient pas l’affrontement avec l’État.
Malgré les apparences, le Mali souffre en réalité d’un grand déficit démocratique créé par le manque de légitimité à différents niveaux. À elles seules, les réformes envisagées suffiront-elles pour corriger le tir ? La classe politique actuelle est-elle en mesure de relever le défi ? Pas si sûr.
Mahamadou CamaraEmail : camara.mc.camara@gmail.com

Source: Canard Déchainé

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