L’organisation de l’élection présidentielle incombe certes au gouvernement, mais la responsabilité de l’ensemble de la classe politique n’en est pas moins engagée pour la réussite du processus électoral car, majorité et opposition doivent de bonne foi jouer leur partition devant l’histoire et devant le peuple malien.
Déjà, trois grosses écuries se dessinent pour des joutes électorales qui promettent.
PENDANT QUE LES MALIENS SONT PRIS ENTRE SUPPUTATIONS ET INQUIÉTUDES, LES ETATS MAJOR AFFÛTENT LEURS ARMES
La prochaine élection présidentielle est perçue par certains comme celle de tous les dangers ! Les supputations vont bon train quant à sa tenue à la bonne date, provoquant des inquiétudes plus ou moins fondées liées aux reports successifs des élections locales. En effet, la tenue de celles-ci aux échéances annoncées par le gouvernement aurait permis de tester le terrain et la marge laissée aux acteurs avant la présidentielle. La Constitution de 1992 ne prévoyant d’autre alternative que l’élection avant la date butoir, tout doit être mis en œuvre pour éviter le vide juridique et l’aventure qui pourrait en résulter. Outre la tenue de l’élection à la date prévue par la Constitution, la régularité du scrutin est un autre challenge à relever pour sortir des contestations. Pour cela, un accord minimum des parties prenantes est à rechercher sur l’essentiel : listes électorales fiables, sécurisation des lieux et bureaux de vote, traitement transparent des opérations de vote, proclamation rapide des résultats. Les assurances données par le Premier Ministre sont apaisantes sur la tenue et la sécurisation de l’élection.
Trois principaux groupes politiques dont les contours se dessinent progressivement vont se retrouver sur le terrain pour briguer la magistrature suprême même si, comme d’habitude certains tenteront une aventure solitaire dès le 1er tour. Il y a d’abord la majorité présidentielle conduite par le RPM qui se battra pour la défense du bilan et la réélection d’IBK. Ensuite, l’opposition traditionnelle conduite par son chef de file se maintient dans la logique du « Tout sauf IBK ». Enfin, une aile jeune et distante de l’opposition traditionnelle demande une alternance fondée sur la sanction du système et des acteurs en place depuis 1992. Cette aile qui battra campagne pour le renouvellement de la classe politique nourrit le secret espoir de se retrouver au second tour, ce qui lui permettrait déjà de faire la moitié du chemin. Même si elle ne gagne pas l’élection, elle sera perçue comme la nouvelle opposition rajeunie promise à reprendre le flambeau. Moussa Mara apparaît comme le porte étendard de cette aile jeune qui a tout intérêt à s’engager pour la stabilité du pays et la transmission pacifique du pouvoir. Cependant, la volonté de changement de l’opposition l’emportera-t-elle sur le réflexe de regroupement autour d’IBK pour vaincre le terrorisme ambiant ?
QUELLE ÉCURIE FERA
PENCHER LA BALANCE
POUR L’EMPORTER EN
2018 ?
Une candidature unique de l’opposition restera un rêve dans la mare aux caïmans qui grouillent de têtes fortes, d’autant plus que le chef de file légal peine à s’y imposer. Conduire une opposition responsable et efficace en période de crise requiert des qualités particulières faites de critiques certes, mais aussi de contributions et de propositions claires et tranchantes qui accrochent les populations. L’opposition qui n’a jamais pu se placer au-dessus des contingences politiciennes est malheureusement restée dans l’invective et le débat partisan, contribuant à renforcer le sentiment d’une personnalisation à outrance du jeu politique. Comment peut-on se préoccuper de sa couchette quand la case commune brûle ? On peut toujours discuter certains choix d’IBK mais son bilan n’est pas aussi sombre que certains voudraient le faire croire. Le premier constat, c’est qu’il a hérité d’un pays en pleine déconfiture, pays avant lui aux mains des ténors de l’opposition actuelle. Depuis son élection, les institutions et l’administration fonctionnent sans blocage pendant que des réalisations importantes sont enregistrées un peu partout sur le territoire national : bâtiments, routes, ponts, électrification, hydraulique, grandes rencontres internationales, équipement et réarmement moral de l’armée nationale quasiment inexistante à son accession au pouvoir, mise en place et montée en puissance du G5 Sahel. L’annonce de la 1ère place du Mali en Afrique pour la production de l’or blanc, le coton vient comme la cerise sur le gâteau. Soutenir dans ces conditions qu’IBK n’a rien fait, relèverait de la mauvaise foi. Cependant, tout n’est pas rose chez le Maître Tisserand.
En effet, le sursis à toutes les réformes majeures projetées, le report des élections locales, les difficultés apparues dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix d’une part, l’avancée fulgurante de l’insécurité du nord vers le centre du pays d’autre part, constituent des points sombres de son premier mandat. En outre, IBK a fait de nombreux choix qui ont fini par se retourner contre lui, freinant parfois son action : choix d’hommes et de systèmes. Pour toutes ces raisons, sa campagne doit se bâtir autour de thèmes rassurant ses compatriotes sur la pertinence de l’Accord pour la paix, la poursuite de la moralisation de la vie publique et sa volonté d’aller à un pacte républicain après les élections, pour faciliter la reprise en main de la situation sécuritaire du pays.
Dans le contexte actuel, le pays et les populations ont besoin d’une campagne électorale civilisée et d’élections apaisées. Le défi est donc important pour chaque candidat car, il s’agit de montrer tout au long du processus électoral qu’on est un homme d’Etat, que son amour pour le Mali et les Maliens est plus fort que son désir de devenir président.
Mahamadou Camara
Info-matin