Bien qu’un Accord politique de gouvernance ait été négocié et signé le 2 mai 2019, donnant lieu à la formation d’un gouvernement de large ouverture le 5 mai 2019, le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK), n’arrive pas, à présent, à retenir sa colère à l’endroit de ses détracteurs et même des plus anciens. Dans une interview accordée à nos confrères de « Jeune Afrique » dans sa parution n°3051 du 30 juin 2019, IBK pète les plombs, en montrant de lui l’image d’un président tout sauf pacifiste et rassembleur.
En des termes justes, clairs et précis, il s’agit là d’une rancune extrême de longue date dont le président IBK n’est pas encore parvenu à se débarrasser. Les manifestations à Bamako et à l’intérieur du pays contre certains comportements et décisions dans la gestion de la crise actuelle, lui ont toujours brûlé le cœur. Du coup, s’opposer à ses décisions ou ses propositions, signifie tout simplement pour lui, l’apatridie ou l’heimatlosat.
Au moment où le peuple malien prenait de l’espoir sur une gestion consensuelle de la situation actuelle du pays, à travers cet Accord politique de gouvernance qui engage chacun des signataires (Majorité comme Opposition) à mettre le Mali au-dessus de tout, le président de la République met les pieds dans le plat en qualifiant de xénophobes, tous ceux qui interpellent les amis du pays, particulièrement la France, pour qu’ils soient sincères dans leur accompagnement à l’endroit du peuple malien, dans le cadre de la gestion de la crise qui sévit dans le pays.
Dans ladite interview, parlant des slogans hostiles contre la France, IBK a martelé : « Un pays ami comme la France envoie ses enfants au cœur de l’Adrar qui est tout sauf un club de vacances, pour défendre nos valeurs communes, il n’est pas admissible de les vilipender. Les politiciens qui manipulent et exacerbent ce genre de sentiments xénophobes ne rendent service ni au Mali, ni à la paix. Ils sont les complices objectifs de ceux qui veulent notre perte. »
Autoritaire et monarque, il l’est !
Le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, dans sa démarche qu’il a lui-même toujours appelée républicaine et démocratique, a tout le temps pris ses propres défenseurs comme des sujets auxquels il faut toujours instruire et fermer les oreilles à leurs conseils. Ses adversaires politiques et ceux de la société civile ne sont, pour lui, que des ennemis de la nation. Ce comportement n’est ni plus ni moins qu’une démarche autoritaire et monarchique.
Dans la même interview, IBK accuse des politiciens bamakois d’être manipulateurs des discours des terroristes. « Dans le cadre de leur projet expansionniste et hégémonique, les terroristes jihadistes ont mis à profit les failles et les faiblesses du maillage administratif pour insinuer et propager un discours exclusif de haine, le tout sous le couvert de la religion», a-t-il déclaré. A la question de savoir qui manipule ce discours, IBK cite Iyag Ag Ghali, Amadou Kouffa, « mais aussi certains politiciens bamakois sans grands scrupules, ceux-là qui, pendant l’élection présidentielle de 2018, ont joué avec le feu en prétendant que j’étais anti-peul, alors que j’ai remporté largement autant de suffrages peuls que de suffrages dogons », a-t-il ajouté.
Ces déclarations contredisent son message de paix livré au cours de son adresse à la nation du 16 avril 2019, après le massacre de Ogossagou, le 23 mars 2019, faisant plus de 160 morts et plusieurs blessés. Dans cette adresse, IBK a d’abord réclamé la mise en œuvre effective de l’Accord pour la paix et la réconciliation, gage de la paix et de la cohésion sociale, avant d’ajouter : « Que tout le monde prenne sa part dans cette œuvre : l’Etat malien, ses partenaires ainsi que les groupes signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation ! Mais que tout le monde prenne sa part sincèrement, rapidement et effectivement, car chaque seconde perdue pour la paix est gagnée par la guerre ! »
Ce message qui avait été jugé pacifiste et rassembleur, perd tout son sens et son utilité après cette interview. IBK doit savoir que la part de l’Etat malien n’incombe pas seulement au Gouvernement ou à sa personne. Il s’agit plutôt là des aspirations de l’ensemble du peuple malien à l’intérieur comme à l’extérieur, traduites en action en faveur de la paix durable. Ce pari ne peut pas être gagné dans la division, dans la rancune, dans le mépris de l’autre, mais au contraire, dans l’écoute, dans le respect et l’acceptation de l’autre, malgré la différence et la vision.
Ousmane BALLO
Source: Ziré-Hebdo