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Mali-France : la rupture en 7 actes !

De la déclaration du Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, à la tribune des Nations-Unies, le 25 septembre 2021, à rupture des Accords de défense entre la France et Mali, en passant par le retrait des forces françaises de l’opération Barkhane, à l’expulsion de l’ambassadeur français au Mali… Les relations entre Paris et Bamako n’ont cessé de se dégrader au fil des mois. Voici sept actes majeurs qui ont conduit à la rupture entre les deux pays.

En effet, il faut remonter au mois septembre 2021 pour mieux cerner cette tension entre notre pays et la France. A cette date, l’agence de presse Reuters annonce, le 13 septembre 2021, l’arrivée dans notre pays du groupe Wagner pour combler le vide laissé par le retrait des forces françaises de l’opération Barkhane.

Quelques jours après, le Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, prononce un discours historique à la tribune des Nations-Unies, le 25 septembre 2021. Il dénonce le comportement de l’ex colonie dans notre pays. Le PM est sans équivoque : le retrait de l’opération Barkhane est un «un abandon du Mali en plein vol ! ».

Choguel K Maïga a également indiqué que le Mali a été placé devant le fait accompli. Il précise : « cette situation nous conduit à explorer les voies et moyens pour mieux assurer la sécurité de nos populations de manière autonome avec d’autres partenaires ».

Aussi, le Chef du Gouvernement a déclaré qu’en dépit du soutien international dont il bénéficie, « de mars 2012 à ce 25 septembre 2021 où je m’adresse à vous du haut de cette auguste tribune, la situation de mon pays ne s’est guère améliorée ». L’extension de la menace djihadiste bien au-delà du Nord du Mali et les violences intercommunautaires qui s’y sont greffées ne peuvent que confirmer ce constat d’échec.

Après ce discours révolutionnaire du Premier malien, la colère du gouvernement français s’est exprimée par la voix de la Ministre des Armées, Mme florence Parly : « Il n’y a pas de désengagement français, je tiens à commencer par rétablir des contre-vérités (…). Quand on a 5000 soldats et qu’on se désengage de trois emprises et qu’on a l’intention d’en laisser encore plusieurs milliers, lorsqu’on déploie au sahel des blindes du dernier cri (…), ce n’est pas l’attitude normale d’un pays qui a l’intention de s’en aller».

Après elle, le président Emmanuel Macron, lui-même, est monté au créneau pour réagir au discours de Choguel K Maïga. Sans aucune retenue le président français a qualifié de « honte » les propos du PM malien. Dans sa lancée Macron dira qu’il a été choqué par les propos du chef du gouvernement de la transition. En outre, le chef de l’Etat français a estimé que les propos (tenus par Choguel) sont « inacceptables »« C’est une honte et ça déshonore de ce qui n’est même pas un gouvernement issu de deux coups d’Etat », a déclaré le président français. Selon lui, la France s’est engagée à lutter contre le terrorisme et pour la sécurité au Mali. Et si elle est au Mali c’est « parce que l’Etat malien l’a demandé. Et sans la France, le Mali serait entre les mains des djihadistes », a-t-il ajouté.

Au fil des jours, le Président Macron multiplie des déclarations incendiaires à l’endroit du Mali et des autorités de la transition qualifiées de putschistes par certains responsables français. Ainsi, il déclare, entre autres, sur les antennes de Rfi, que « l’Armée française n’a pas à se substituer au « non travail », si je puis dire, de l’Etat malien ». Soulignant « qu’on ne peut pas demander à nos soldats de remplacer ce qui est le travail de votre Etat ».

Réponse du berger à la bergère. Le ministre, Abdoulaye Diop convoque l’Ambassadeur de France au Mali, le mardi 5 octobre 2021, pour lui exprimer le mécontentement des Autorités maliennes suite aux  “propos inamicaux et désobligeants”  tenus par Emmanuel Macron. Aussi, le chef de la diplomatie malienne a invité “les Autorités françaises à la retenue, en évitant des jugements de valeur ».

En outre, le Ministre Diop a élevé une “vive protestation contre ces propos regrettables”.

Enfin, il a  appelé la France à “se concentrer sur l’essentiel, notamment la lutte contre le terrorisme au Sahel”, indique un communiqué du département AE.

Le torchon brûle

Dans cette escalade verbale entre Bamako et Paris, le ministre français des Affaires Etrangères, Jean-Yves Le Drian se signale, le  jeudi  27 janvier 2022, après  la décision des Autorités de la Transition malienne d’expulser le contingent danois de Takuba. Propos de Le Drian à l’adresse des autorités maliennes : c’est « une junte illégitime », qui prend des « mesures irresponsables »« Elle porte l’entière responsabilité du retrait des forces danoises et s’isole davantage encore de ses partenaires internationaux ».

Cette déclaration de Jean-Yves Le Drian a été fermement condamnée par son homologue malien,  Abdoulaye  Diop : « Ce sont des propos emprunts de mépris. Ce sont des propos que je condamne qui sont inacceptables. Et je crois que les insultes ne sont pas une preuve de grandeur. Nous sommes disposés à discuter avec la France ou d’autres sur des questions de substances. Il ne s’agit pas de questions irresponsables. Ce que nous essayons de faire, c’est de défendre les intérêts de notre pays. Toute présence étrangère au niveau du Mali doit répondre aux règles maliennes, doit aussi aller dans le sens des intérêts supérieurs du Mali, surtout pour la présence des forces étrangères».

Autre réplique du gouvernement malienne ? Elle a été  enregistrée, le mercredi 26 janvier 2022,  par la voix du Colonel  Abdoulaye Maïga, Ministre de l’Administration Territoriale  et porte-parole du Gouvernement. Le colonel Maïga a indiqué que c’est la France qui cherche à diviser les Maliens, « d’instrumentaliser » les organisations sous-régionales et de conserver ses « réflexes coloniaux ». S’adressant directement à la ministre français de la Défense, le porte-parole du gouvernement déclare : « Nous invitons également Mme Parly à plus de retenue et également à respecter le principe élémentaire de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un État », a déclaré le Colonel Maïga. « Nous l’invitons également, c’est un conseil, à faire sienne cette phrase d’Alfred de Vigny sur la grandeur du silence ».

L’ambassadeur Joël Meyer renvoyé

Autre acte de la rupture entre les deux pays ? L’Ambassadeur de France au Mali, Joël Meyer, n’a eu que 72 petites heures pour faire ses valises et quitté le Mali. Cette décision du gouvernement malien a été notifiée au diplomate français le lundi 31 janvier 2022. Elle (l’expulsion) est consécutive aux propos tenus par Ministre français des Affaires Etrangères, Jean-Yves Le Drian, le jeudi 27 janvier 2022. Dans une attaque verbale en règle et dont il était coutumier, il avait traité les Autorités maliennes d’« une junte illégitime », qui prend des « mesures irresponsables ».

Après  ces propos trop forts et très peu diplomatiques de Jean-Yves Le Drian, les Autorités de Bamako ont décidé d’expulser l’Ambassadeur de France, le lundi 31 janvier 2022 : «(…) l’Ambassadeur de France à Bamako, Joël Meyer, a été convoqué par le Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale [et] qu’il lui a été notifié la décision du Gouvernement qui l’invite à quitter le territoire malien dans un délai de soixante-douze heures », selon les termes d’un communiqué du gouvernement. Précision : cette expulsion, précise le même communiqué, « fait suite aux propos hostiles et outragés du ministre français de l’Europe et des affaires étrangères tenus récemment, à la récurrence de tels propos par les autorités françaises à l’égard des autorités maliennes en dépit des protestations maintes fois élevées ».

Pour sa part, le ministre des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop a indiqué que certaines déclarations émanant de Paris ont conduit les autorités maliennes à prendre leurs responsabilités. « Ces déclarations tendent à remettre en cause et la légalité et la légitimité des autorités auprès desquelles l’ambassadeur de France est accrédité (…) Vous ne pouvez pas être accrédité auprès d’autorités que vous-mêmes vous ne reconnaissez pas », a indiqué M. Diop, avant d’avertir : notre pays n’exclue désormais « rien » dans ses relations avec la France !

RFI et France 24 sanctionnées

Avant la dénonciation de l’Accord de défense, les relations entre les deux pays s’étaient encore détériorées avec la suspension  des médias français RFI et France 24. Et pour cause : Accusés de campagne pour propagande sur les FAMA, les autorités de la transition ont annoncé leur décision de suspendre les médias français RFI et France 24 le 16 mars 2022. L’information avait été rendue publique par un communiqué du gouvernement. « Le gouvernement rejette catégoriquement ces fausses allégations contre les vaillantes FAMA et engage une procédure (…) pour suspendre jusqu’à nouvel ordre la diffusion de RFI (…) et France 24 », avait indiqué un communiqué signé du colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement.

Le gouvernement malien avait également « interdit à toutes les radios et télévisions nationales, ainsi qu’aux sites d’information et journaux maliens, la rediffusion et/ou la publication des émissions et articles de presse de RFI et de France 24 ».

Selon le gouvernement, RFI et France 24 participent à une campagne médiatique visant à déstabiliser la transition; « la synchronisation de ce matraquage médiatique, le gouvernement en déduit une stratégie savamment préméditée visant à déstabiliser la transition, démoraliser le peuple malien et discréditer les vaillants FAMA ».

RFI et France 24, interdites de diffusion au Mali depuis le 17 mars, ont été définitivement suspendues dans le pays. Le groupe France Médias Monde a reçu, le mercredi 27 avril 2022, la notification de cette décision par la Haute autorité de la communication du Mali qu’elle “conteste avec force”, entendant faire appel, indique son directeur de la communication Thomas Legrand.

La décision de sanctionner RFI et France 24 est intervenue alors que les autorités de la transition malienne avaient, par ailleurs, accusé, le 26  mai 2022, l’armée française d’“espionnage” et de “subversion” après la diffusion par l’état-major français de vidéos tournées par un drone à proximité de la garnison militaire de Gossi.

Les Accords de défense déchirés

Le dernier épisode de ce feuilleton entre Paris et Bamako aura été l’annonce de la rupture des Accords de défense entre les deux pays. En effet, les autorités maliennes ont déclaré « dénoncer » les Accords de statut des forces (Status of Force Agreements, ou Sofa) fixant le cadre juridique de la présence au Mali des forces française Barkhane et européenne Takuba, ainsi que le traité de coopération en matière de défense conclu en 2014 entre le Mali et la France.

Dans un communiqué lu à la télévision nationale, le 2 mai 2022, le porte-parole du gouvernement, le colonel Abdoulaye Maïga, avait invoqué les « atteintes flagrantes » de la part de la France, engagée militairement dans le pays depuis 2013, à la souveraineté nationale.

Il a cité, entre autres, « l’attitude unilatérale » de la France lorsqu’elle a suspendu en juin 2021 les opérations conjointes entre les forces françaises et maliennes, l’annonce en février 2022, « encore sans aucune consultation de la partie malienne », du retrait des forces Barkhane et Takuba,  et les « multiples violations » de l’espace aérien par les appareils français malgré l’instauration par les autorités d’une zone d’interdiction aérienne au-dessus d’une vaste partie du territoire : « Eu égard à ces insuffisances graves ainsi qu’aux atteintes flagrantes à la souveraineté nationale du Mali, le gouvernement de la République du Mali décide de dénoncer le traité de coopération en matière de défense du 16 juillet 2014 », a-t-il déclaré. Les autorités maliennes ont notifié cette dénonciation lundi après-midi aux autorités françaises et elle prendra effet six mois après cette notification.

« Informée, le 2 mai, de la décision unilatérale des autorités de transition maliennes de dénoncer» ces accords, la France « considère cette décision injustifiée et conteste formellement toute violation du cadre juridique bilatéral qui serait imputable à la force Barkhane », a indiqué la porte-parole du Quai d’Orsay dans une déclaration…

En plus de l’affaire Wagner, toute cette agitation des autorités françaises est intervenue au moment où les autorités maliennes avaient manifesté leur intention de procéder à une relecture de l’accord de défense entre les deux pays. A ce sujet, le Colonel Assimi Goïta, dans son discours à l’occasion de la fête de l’armée, le 20 janvier 2022, a été on peut claire : « Par une analyse objective du contexte actuel et en tenant compte des intérêts vitaux de notre pays, nous avons demandé la relecture de certains accords de coopération militaire. Dans le même temps, de nouveaux accords ont été signés, toujours avec comme objectif essentiel, la sécurisation des Maliens et de leurs Biens  ».

C’est ainsi qu’en fin décembre 2021, le Mali a officiellement demandé à la France la révision des Accords de défense qui lient les deux pays… Dès lors, l’on assista à un Acharnement polico-diplomatico-médiatique des autorités françaises sur le Mali. Cependant, malgré les pressions les autorités maliennes affichent leur détermination à réécrire une nouvelle page des relations entre la France et le Mali.

Mohamed Sylla

Source : L’Aube

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