Le Nord du Mali est de nouveau en proie aux tensions mêlant différents groupes armés et ethniques. De quoi susciter la crainte d’une plus grande dégradation de la situation sécuritaire.
Alors qu’il s’apprête à célébrer, le 22 septembre, l’anniversaire de son indépendance, le Mali fait face à un regain de tensions plus graves : toutes les parties se font face au nord du pays, d’anciens rebelles du nord contre l’armée malienne, des groupes terroristes entre eux, des groupes armés touareg contre des terroristes. Les rivalités se sont intensifiées ces dernières semaines pour la même raison : le contrôle du territoire. Face à cette montée des tensions, le chef de la junte au pouvoir, le colonel Assimi Goïta, a décidé de surseoir aux activités festives du 22 septembre 2023.
Depuis la semaine dernière, en effet, les combats ont repris entre les Forces armées maliennes (Fama) et les anciens rebelles indépendantistes du nord du Mali à dominante touareg, réunis sous la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA). A savoir que l’Azawad, c’est l’appellation touareg du territoire qu’ils occupent au nord du Mali, mais aussi sur quatre autres pays africains limitrophes. Les combattants touareg de la CMA ont ainsi affirmé, le 11 septembre, « être en temps de guerre » avec la junte au pouvoir et ont attaqué le lendemain les Fama dans la ville-clé de Bourem.
Or, préviennent les analystes, une déclaration de guerre officielle rendrait caduc l’accord de paix d’Alger entre l’Etat central malien et la coalition des mouvements armés indépendantistes, dont l’entrée en rébellion en 2012 avait marqué le début de la guerre au Mali. En même temps, la junte militaire, qui a pris le pouvoir après un coup d’Etat en 2020, craint une reprise des hostilités qui pourrait lui coûter cher. Autre signe inquiétant, il n’y avait pas eu d’affrontements militaires de cette ampleur depuis 2015, date de la signature de l’accord de paix d’Alger.
Après cet accord, il était question que les CMA restent à Kidal, sorte de cité-Etat touareg au nord du Mali, qu’ils conservent leur armement en échange de quoi ils devaient reconnaître de manière formelle le gouvernement central de Bamako. Or, avec le retrait actuel du MINUSMA, qui jouait un rôle d’intermédiaire au cas de désaccord entre la junte et les touareg, la tension est remontée.
Vide sécuritaire
En fait, les dissensions sont montées d’un cran cet été, après que la junte au pouvoir soutenue par les membres de la milice russe Wagner avait demandé le retrait des forces anti-djihadistes étrangères, dont françaises. « Le vide dû au retrait de la Minusma, une mission onusienne de 12 500 hommes déployés dans tout le pays depuis dix années de déploiement, suite à la demande de la junte fin juin devant le Conseil de sécurité de l’Onu, a rendu la situation sécuritaire très dangereuse et a conduit à un regain de la violence », explique Mohamed Abdel-Wahed, expert sécuritaire et spécialiste de l’Afrique. Selon lui, les affrontements vont prendre plus d’ampleur dans les jours à venir. « Le départ progressif de la Minusma d’ici 31 décembre mènera à une confrontation plus élargie entre l’armée et la CMA qui refuse que l’armée malienne récupère les bases de la Minusma », explique-t-il. En effet, La Minusma va remettre ses camps aux autorités maliennes, mais dans cette lutte territoriale en cours entre tous les acteurs armés du nord, les séparatistes estiment que ces emprises onusiennes devraient revenir sous leur contrôle.
Scénario catastrophe
En outre, ce regain d’activité militaire des séparatistes touareg va de pair avec une autre menace sécuritaire : la succession d’attaques attribuées surtout au Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaëda, d’un côté, et de l’autre, aux groupes affiliés à l’organisation Daech, qui ne cessent de gagner du terrain contre les forces armées maliennes. Plusieurs attaques revendiquées par le GSIM contre des positions de l’armée ont tué un certain nombre de soldats récemment, notamment à Bamba, le 7 septembre, et à Gao, le lendemain. Une autre attaque contre un bateau de transport de passagers sur le fleuve Niger, imputée aux djihadistes, a tué des dizaines de civils la semaine passée. A son tour, l’état-major malien a indiqué avoir mené une série de frappes aériennes contre des « terroristes » dans le Nord. Les séparatistes ont assuré, pour leur part, avoir abattu un avion de l’armée malienne à Almoustarat. Mais ces affirmations des uns et des autres sont très difficilement vérifiables.
Sur le plan humanitaire, les combats et les exercices du GSIM, qui a mis la ville de Tombouctou sous blocus et empêche désormais tout ravitaillement de la ville, ont augmenté les maux des habitants et ont rendu la vie encore plus difficile, ce qui a obligé la plupart des habitants à fuir et quitter leurs villes. « Al-Qaëda profite bien de la situation pour étendre son influence, et ensuite annoncer son émirat islamique au nord », prévient Abdel-Wahed. Et de conclure : « Bien que les intentions et les objectifs des groupes armés en conflit soient différents, l’armée fait face à un énorme défi sécuritaire. Le pire des scénarios pour le gouvernement serait que les rebelles touareg s’allient aux groupes terroristes ».
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