Au cours d’une rencontre sur le développement, ils ont soutenu qu’il urge d’extraire les dépenses sécuritaires et militaires du calcul du déficit budgétaire. Ils ont souligné aussi la nécessité de repenser le mécanisme de la dette et des critères de convergence.
La réunion de haut niveau sur la dette et le développement s’est tenue hier à Dakar en présence de plusieurs chefs d’État et de gouvernement de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), dont le Premier ministre Dr Boubou Cissé.
La rencontre consistait à faire comprendre aux partenaires les difficultés financières auxquelles nos pays sont confrontés pour faire face au défi sécuritaire, à la dette, à la lutte contre le terrorisme. Comme un seul homme, les chefs d’État et de gouvernement de l’Union ont, à cet effet, invité à un changement de stratégie de la part des partenaires techniques et financiers, toute chose qui est nécessaire pour un développement harmonieux de nos pays.
Le Premier ministre, ministre de l’Économie et des Finances, Dr Boubou Cissé, intervenant lors de la session inaugurale de la Conférence internationale sur le thème : «Développement et dette soutenable : trouver le juste milieu», a réitéré auprès des partenaires techniques et financiers sa demande visant à extraire les dépenses sécuritaires et militaires du calcul du déficit budgétaire, fixé à 3% du Produit intérieur brut (PIB).
Dr Boubou Cissé, qui représentait le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, à cette réunion de haut niveau, a plaidé pour la possibilité de garantir par exemple la dette contractée sur le marché financier régional afin de ramener le taux d’intérêt estimé à 7 ou 8% à 6% voire 3%. L’objectif est de permettre aux pays du Sahel, notamment le Mali, de dégager des marges nécessaires aux investissements dans les infrastructures et autres secteurs sociaux porteurs de croissance et de développement.
Ce plaidoyer est, a soutenu le chef du gouvernement, légitime et justifié. Un pays comme le Mali consacre aujourd’hui 4% de sa richesse nationale, soit 24% du budget national, aux dépenses de sécurité et de défense, a rappelé Dr Boubou Cissé, ajoutant que ces dépenses ont augmenté de 20% les quatre dernières années. « Nous sommes dans une situation où, à cause du respect des critères de convergence et des critères que nous avons acceptés de signer avec des PTF, nous finançons ces dépenses-là au détriment des investissements sociaux : santé, éducation», a-t-il argumenté.
DIFFICULTÉS DE REMBOURSEMENT- Pour éviter le scénario catastrophe et trouver le juste milieu entre développement et dette soutenable, il urge d’extraire les dépenses sécuritaires et militaires du calcul du déficit budgétaire, a proposé le Premier ministre, interviewé à la fin de cette session inaugurale. «Si nous y arrivons, cela dégagera une marge de manœuvre que nous pourrons consacrer à l’investissement public, à la formation du capital humain, des questions d’éducation et de santé. Des facteurs contributifs à la croissance», a dit Dr Boubou Cissé. Une autre solution, selon lui, est l’endettement. En la matière, la dette du Mali est estimée à 35% du PIB, loin des pays à risque. La dette intérieure (l’émission de bon du trésor) représente 47% de cette dette. Or, leur maturité est très courte (trois à cinq ans), contre des taux d’intérêt élevés estimés à 7 ou 8%. À ce rythme, nos pays seront confrontés à des difficultés de remboursement de cette dette, dans les années à venir. «Nos partenaires techniques et financiers doivent accepter d’utiliser des instruments dont ils disposent, permettant de garantir les prêts contractés sur le marché régional à travers la dette intérieure. Cela permettra d’avoir accès à des dettes à durée un peu longue (plus de dix ans) et à faible taux d’intérêt (3 à 4%)», a plaidé le ministre de l’Économie et des Finances.
Introduisant les débats, le président sénégalais a rappelé : «il n’y a ni État, ni démocratie, ni liberté… sans sécurité». Au regard de la situation au Sahel, le réflexe de tout pays est de se défendre. C’est pourquoi, l’investissement dans les forces de défense devient un impératif de survie, a déclaré Macky Sall. Pour lui, il convient alors de trouver les mécanismes pour prendre en compte la situation exceptionnelle de certains pays dont les fonds devant être alloués au développement sont injectés dans «l’effort de guerre». Aussi, conviendrait-il de déconstruire les clichés de pays à risque que certains s’évertuent à coller aux pays africains, surtout au sud du Sahara, a plaidé celui qui s’est mu depuis un certain temps en défenseur attiré du Sahel, notamment du Mali. Macky Sall a invité aussi à «défaire les chaînes qui nous empêchent de décoller économiquement».
Présents à cette rencontre, les présidents du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Togo ont tous reconnu la nécessité de repenser le mécanisme de la dette et des critères de convergence qui ne semblent pas adapter aux réalités et aux ambitions de nos pays. Ils ont aussi invité les PTF à éviter de commettre l’erreur d’administrer les mêmes remèdes pour tous les problèmes.
GESTION TRANSPARENTE- Intervenant à ce propos, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) a, tout en reconnaissant que l’endettement est nécessaire pour espérer atteindre les Objectifs de développement durable, souligné que les pays ne peuvent pas agir selon leur bon vouloir. Kristalina Georgieva a par ailleurs rassuré : «Notre institution sera à vos côtés, à condition que la gestion de la dette soit transparente et efficiente».
Cette rencontre-débat s’est tenue à l’initiative du président de la République du Sénégal. Macky Sall a été soutenu, à cet effet, par le Fonds monétaires international (FMI), l’Organisation des Nations unies et le Cercle des économistes, une association visant à nourrir le débat économique, créée en 1992.
Construite autour de six tables rondes thématiques, le Forum entend couvrir un large spectre de réflexion et d’actions collectives à envisager visant à répondre aux problématiques de soutenabilité de la dette africaine vis-à-vis du développement du continent. Pour ce faire, le Cercle des économistes a identifié six secteurs vitaux : l’eau, l’énergie, l’agriculture, la formation, le numérique et la mobilité, sur lesquels doivent reposer le développement à long terme de l’Afrique. Domaines prioritaires prometteurs et porteurs de croissance qui, selon ses experts, peinent à obtenir les fonds nécessaires à cet effet. Seulement plus de 50 milliards de dollars (environ 27.500 milliards de Fcfa) sont accordés à ces secteurs pour toute l’Afrique subsaharienne.
Envoyé spécial
Cheick M. TRAORÉ
Source: Journal l’Essor-Mali