Au Mali, malgré une situation économique et sociale complexe, le retour à la stabilité ne pourra se faire que si le pays est en capacité de se développer. Depuis 2012, le Mali fait face à un conflit multifactoriel qui ne cesse de s’intensifier, qui a eu pour conséquence malheureuse et inévitable, la chute du système éducatif.
Dans le cadre de la stabilisation du pays, encore sous tension, l’éducation des plus jeunes est au cœur des préoccupations pour donner un avenir au pays. En effet, les traumatismes liés à l’occupation des djihadistes et à la violence qui en découle ne sont pas des moindres. Par conséquent, selon Amnesty international, en 2019 plus de 150 000 enfants ont été privés d’une scolarisation normale à cause de la pression et des menaces exercées par les terroristes.
« A ce jour, des dizaines de milliers d’enfants paient le prix fort dans un contexte où la violence et l’insécurité persistent dans le nord et dans le centre du Mali. La privation de leur droit, leur accès à l‘éducation a atteint un seuil critique. Cela doit cesser ! » indique Gaétan Mootoo, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest à Amnesty international.
La connaissance, la formation et l’enseignement représentent ainsi une véritable menace pour les groupes armés terroristes. L’avenir réside dans une jeunesse qui réfléchit et qui est donc moins influençable. Effectivement, dans un pays où plus de 66 % de la population a moins de 24 ans, les groupes terroristes affiliés à Daech ou AQMI, n’ont aucun intérêt à ce que les enfants et les adolescents soient scolarisés et deviennent avertis.
Plus l’ignorance demeure, plus les jeunes seront sensibles et perméables à la propagande, ils seront donc plus facilement malléables par les groupes terroristes. D’ailleurs, entre 2016 et 2019, le Burkina-Faso a enregistré plus de 2 300 établissements fermés, dont 623 endommagés par les terroristes. Au Mali, ce ne sont pas moins de 750 écoles qui ont dû fermer leurs portes en 2019 à causes des attaques djihadistes. Il faut rajouter que ces bandits s’en prennent régulièrement aux enseignants afin que les enfants n’aient pas accès à l’éducation.
Boucliers humains, espions, kamikazes, passeurs, gardes des postes de contrôle, tels sont les rôles attribués à cette jeunesse victime des terroristes. Aux yeux de ces prédateurs, la vie de ces enfants importe peu. L’utilisation d’enfants soldats a pour but de pallier le manque de combattants dans les rangs des groupes terroristes. Sachant que depuis le début de cette année, les groupes terroristes du JNIM et de l’EIGS ont subi de lourdes pertes face aux FAMa et Barkhane.
Ainsi, depuis quelques semaines, une vidéo circule sur Whatsapp mettant en scène des enfants, âgés de 6 ans pour le plus jeune et 12 ans pour le plus grand. En quête de reconnaissance, ces jeunes perdus, arrachés à leurs parents et leurs familles, s’entraînent à imiter le comportement de leurs geôliers. Sous la forme de jeux leur sont enseignés le maniement d’armes, les déplacements et les postures tactiques dans l’objectif de répondre au désir mortifère de ces djihadistes.
Les mathématiques, la langue française ou nos dialectes, l’histoire du pays, la morale civique ou le savoir-être sont loin de faire partie de ce programme d’éducation terroriste.
La Katiba Macina, en ayant souvent recours au recrutement au sein de la jeunesse peule, la prive ainsi d’avenir en échange de rêves illusoires et d’argent mais au prix du sang d’innocents. Cette pratique leur permet d’éviter d’envoyer leurs chefs à la mort. Car oui, selon eux, la vie de ces enfants ne vaut rien et ils ne sont que des pions sur l’échiquier des groupes terroristes.
Si pour ces criminels, la vie de ces enfants n’a aucune importance, il nous faut rappeler, qu’au contraire, elle a un rôle immense à jouer pour l’avenir du pays. Car, comme le dit un célèbre proverbe peul, « il faut creuser les puits d’aujourd’hui pour étancher les soifs de demain » !
Mamadou Bare
Source: Malivox