Une chaleur de four, un enfer de poussière et de roche noire acérée, un ennemi invisible mais que l’on sait tout proche : dans l’Adrar des Ifoghas, aux confins du Mali et de l’Algérie, les soldats français traquent les combattants islamistes.
Une chaleur de four, un enfer de poussière et de roche noire acérée, un ennemi invisible mais que l’on sait tout proche : dans l’Adrar des Ifoghas, aux confins du Mali et de l’Algérie, les soldats français traquent les combattants islamistes.
Quelque 1.200 militaires français, appuyés par un contingent tchadien, sont engagés dans cette contrée de l’extrême Nord-Est malien, l’une des plus inhospitalières au monde. Ils ont établi leur camp à Tessalit, sur une ancienne base de l’armée malienne. Il y a là des légionnaires, des parachutistes, des hommes du génie.
Ce jour-là, nouvelle opération de « nettoyage ». Départ de Tessalit en pleine nuit, plusieurs heures de voyage harassant en véhicule de l’avant-blindé sur une piste défoncée. Deux groupes tactiques sont à l’oeuvre: chacun s’emparera d’une colline de façon à contrôler la vallée en contrebas.
Le ratissage de la vallée se fait à pied, méticuleusement, trois jours et deux nuits durant. Il n’y aura aucun coup de feu, aucun contact direct avec l’ennemi qui, inférieur en nombre et en moyens, évite le corps-à-corps.
Dans un paysage lunaire, sans la moindre parcelle d’ombre, les soldats avancent méthodiquement. La température sur le coup de midi dépasse les cinquante degrés. Chacun transpire en silence sous son casque lourd et son gilet pare-balles, tout en portant son armement pesant et ses cinq litres d’eau.
Les troupes de choc mangent peu, parlent peu, boivent le moins possible. Ces hommes affrontent pendant des heures des chaleurs extrêmes, les mouches, la poussière qui s’immisce partout, enraye les armes qu’il faut sans arrêt nettoyer, les marches sans fin ou les longues heures d’observation en plein soleil sur les hauteurs. Ils dorment à même le sol, à la belle étoile. La nuit, dans l’Adrar des Ifoghas, la température reste douce, de l’ordre de 15 degrés. Mais l’écart avec la journée est tellement violent que l’on grelotte sous son duvet.
Les otages dans toutes les têtes
Si l’ennemi est invisible, ce qu’il a abandonné derrière lui rappelle qu’il se trouvait là il y a quelques instants: ici un tas de vêtements de combat laissés à la hâte, là un châssis de canon anti-aérien…
Un silence accablant règne sur les Ifoghas, mais chacun sait qu’un affrontement peut éclater n’importe quand. Les islamistes sont passés maîtres dans l’art du camouflage. Ils se terrent dans des réduits rocheux, si bien cachés qu’il est arrivé qu’une patrouille française passe à quelques centimètres d’eux sans les découvrir, racontent des soldats.
La question des otages français, aux mains des groupes islamistes quelque part dans le désert malien, est dans tous les esprits et alimente les conversations, le soir au bivouac. Impossible de savoir s’ils sont là, tout près, ou bien à des centaines de kilomètres. Ce n’est que plusieurs jours plus tard que l’exécution de l’un d’eux, Philippe Verdon, sera revendiquée par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), sans être confirmée mercredi par Paris.
Plusieurs fois, des explosions retentissent. Ce sont les Français qui font sauter une cache d’armes, ou bien un pick-up suspect est détruit par un avion Mirage. Une colonne de fumée brune s’élève au loin.
Les pertes françaises restent faibles depuis le début de l’intervention au Mali en janvier, mais le danger est toujours présent. Le 16 mars, nouvelle explosion. Cette fois, le bruit est différent, et la radio n’a annoncé aucun tir « ami ». L’officier présent demande des précisions.
Pour la première fois, les islamistes ont fait sauter un char. Un engin explosif improvisé a coûté la vie à un caporal de 24 ans, Alexandre Van Dooren, cinquième militaire français à tomber au Mali, et a blessé trois autres soldats.
A Tessalit, une centaine de soldats seulement, visage fermé, participent à la cérémonie funéraire: la plupart des hommes sont loin, sur le terrain. Le général Bernard Barrera, chef des forces terrestres françaises au Mali, prononce l’hommage funèbre. Les moyens sont rudimentaires, pas de fanfare, pas même un clairon. Un soldat entame une Marseillaise a capella, bientôt suivi par le reste de la troupe.
tempsreel.nouvelobs.com/ 20-03-2013 à 15h15