L’opération, lancée jeudi matin, a provoqué la colère de la CMA, un groupe signataire des accords de paix, dont huit combattants ont été arrêtés par les Français.
Des moyens très importants et un objectif encore flou. Les militaires français ont lancé une nouvelle opération dans le nord-est du Mali, près de la frontière avec le Niger. Dès jeudi, l’état-major l’a annoncée au cours d’une conférence de presse : 120 parachutistes français venaient d’être largués le matin même sur Ménaka, principale ville de cette zone désertique. L’opération a mobilisé trois avions français, deux Transall et un A400M, utilisé pour la première fois à cette fin. Au sol, une compagnie de militaires français et maliens complétait le dispositif.
Le porte-parole de l’état-major des armées, le colonel Patrik Steiger, n’a pas détaillé les objectifs de cette mission d’ampleur. «On combine différentes capacités pour créer un effet de surprise chez les groupes armés terroristes et pour montrer à la population qu’on est capable de venir rapidement», a-t-il déclaré. Les militaires français n’ont pas fait qu’une démonstration de force, ils ont pris d’assaut le bureau régional de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). Cette coalition de groupes armés, signataire de l’accord de paix signé à Alger en 2015, ne fait pas partie des cibles habituelles de l’opération Barkhane, déployée pour lutter contre les organisations jihadistes.
Double jeu
Le porte-parole de la CMA s’est ému de ce qu’il a qualifié de «descente musclée» dans un communiqué, révélant qu’elle s’était conclue par l’arrestation de huit «combattants». Contacté vendredi, l’état-major nous a confirmé avoir «capturé, en lien avec les autorités maliennes, un certain nombre d’individus», mais a refusé de donner des détails «l’opération [étant] toujours en cours». «La CMA lance un appel pressant aux autorités françaises et aux responsables militaires de l’opération Barkhane, de prendre les dispositions pour observer le respect des populations et leur intégrité», conclut le communiqué des ex-rebelles.
Sans jamais les nommer, les autorités françaises ont accusé des signataires de l’accord d’Alger de jouer double jeu. Devant le Conseil de sécurité des Nations unies, la France a averti les «responsables intermédiaires de groupes armés qui, sur le terrain, nuisent volontairement à la mise en œuvre de l’accord par leurs liens avérés avec des activités criminelles ou terroristes», proposant leur «désignation au titre du régime de sanctions». Dans une interview auJournal du Mali, le général Frédéric Blachon, commandant de la force Barkhane depuis cet été, a lui aussi lancé une mise en garde : «La situation exige un engagement sincère, prouvé par les faits. Ceux qui démontrent le contraire s’excluent de la solution pour appartenir au problème […] Il arrive toujours un moment où l’ambiguïté n’est plus possible. Ceux qui auront joué risquent fort de tout perdre. J’invite donc ces joueurs éventuels à bien réfléchir et à prendre rapidement des décisions qui préserveront leurs intérêts sur la durée.»
Règlements de compte intercommunautaires
La région de Ménaka est au cœur d’une offensive lancée par les Françaisil y a presque un an. Proche du Niger, elle est une zone de repli de l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS), qui a prêté allégeance à Abou Bakr al-Baghdadi en 2015. Le groupe jihadiste est devenu une cible prioritaire depuis l’embuscade de Tongo Tongo, le 4 octobre 2017, au cours de laquelle quatre soldats nigériens et quatre membres des forces spéciales américaines ont été tués. Il y a un peu plus d’un mois, l’armée française a annoncé avoir abattu l’un des cadres de l’organisation, Mohamed «Tinka» Ag Almouner, qui aurait supervisé l’attaque. Deux civils sont également morts lors de cette frappe française, dans des circonstances encore inconnues. «Nos procédures strictes, visant à épargner les populations, [avaient] bien été appliquées», a assuré le général Blachon.
La zone de Ménaka a par ailleurs été le théâtre de plusieurs tueries la semaine dernière, sur fond de règlements de comptes intercommunautaires. Mardi, le ministère malien de la Sécurité avait annoncé que des affrontements avaient fait 27 morts dans la localité touareg d’Inékar. Quatre jours plus tard, une nouvelle attaque est survenue près de la frontière nigérienne, dans le village d’Amalaoualou. Selon un communiqué du Mouvement pour le salut de l’Azawad (issu de l’ex-rébellion touareg, mais qui collabore étroitement avec l’armée française), sept civils ont été tués. Les assaillants n’ont pas été identifiés. Dimanche, enfin, un détachement de l’armée malienne est tombé dans une embuscade «tendue par une vingtaine de personnes à moto», selon une source de sécurité malienne. Un soldat a trouvé la mort.
Source: liberation