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Mali, à chacun ses mercenaires

C’est la France qui la première a introduit l’usage de mercenaires en Afrique. Mais les Maliens doivent savoir qu’aucune armée étrangère ne libérera leur territoire du terrorisme

Ainsi le président français est choqué à la perspective que le Mali puisse faire appel au groupe « mercenaire » russe Wagner. Indiquant que la France ne saurait frayer avec des mercenaires. Par principe ! La République française étant respectueuse du droit international et des « règles d’engagement ».

C’est pourtant la France qui la première a introduit l’usage de mercenaires en Afrique ! C’est la France qui en 1960, après la sécession du Katanga par Moise Tchombé, organise l’armée de mercenaires qui encadrera les forces belges et les « gendarmes katangais » pour combattre le gouvernement national de Patrice Lumumba et les soldats des Nations Unies. C’est le président de la République française lui-même, le Général de Gaulle qui est à la manœuvre, à travers son homme de main, Foccart, son Premier ministre Michel Debré et son ministre des Armées, Pierre Messmer.

Les mercenaires français étaient enrôlés en plein Paris à la « mission permanente du Katanga en France » et au « centre de recrutement rue Cambon », le financement des opérations étant assuré par l’Union Minière du Haut Katanga.

Si la troupe comprenait aussi des Belges, des Sud-Africains, des Portugais et des Rhodésiens (de l’actuel Zimbabwe alors sous colonisation britannique), elle était sous commandement de français, tels Trinquier, Roger Faulques et Bob Denard. Ces mercenaires, ces « affreux » comme les désignera la presse occidentale, se chargeront à la fois de la formation et de l’encadrement militaire des « gendarmes katangais » de Tchombé tout en participant directement à la guerre, sur le terrain.

Après le Congo, la France du Général De Gaulle appuiera la sécession du Biafra, en montant une armée mercenaire dite 4e brigade commando ou « légion noire », sous le commandement du colonel Rolf Steiner, « un légionnaire allemand et de Gildas Lebeurrier, un ancien parachutiste en Indochine et en Algérie »

Il faut rappeler aussi les coups d’État successifs que les mercenaires français de Bob Denard perpétreront contre la République Islamique des Comores entre 1975 et 1995 après avoir échoué de renverser le président Kérékou au Bénin 1977.

L’internationalisation du mercenariat

Depuis, la France a fait école. Executive Outcomes (EO), fondé en 1989 en Afrique du Sud est engagé en 1992 par le gouvernement angolais contre l’UNITA pour 80 millions de dollars alors que des forces d’interposition de l’ONU étaient sur le terrain.

En 1994, c’est le gouvernement sierra-léonais, en guerre contre le RUF (Révolutionnary United Front) qui a fait appel à EO, contre paiement en diamants.

Les États-Unis auront recours aussi à des mercenaires pudiquement appelés « private military security contractors (PMSC) » dans le jargon militaire américain.

En Irak à un moment, ils seront trois fois plus nombreux que les troupes de l’armée régulière.

Sous la présidence Trump, il a même été envisagé de retirer l’armée régulière américaine d’Afghanistan, pour laisser l’encadrement des troupes locales et la poursuite de la guerre aux seuls PMSC.

Si en 2019 le président Maduro du Venezuela n’a pas été assassiné et son pays victime d’une intervention militaire organisée par les USA, c’est grâce à la présence de Wagner.

De même pour Bachir El Assad et la Syrie.

Quand en 1989 les Nations Unies ont tenté de contenir un tant soit peu l’utilisation des groupes mercenaires en proclamant la Convention Internationale sur le recrutement, l’utilisation, le financement et la formation de mercenaires (International Convention Under the Recruitment, Use, Financing, and Training of Mercenaries), il n’y a eu que 35 pays (dont le Mali et le Sénégal) pour la signer !

Les puissances militaires comme la France, les États-Unis, la Russie et Israël se sont bien gardés de la signer.

Faire appel à Wagner, où est le problème ?

Si bien que rien n’empêche le Mali de faire appel à Wagner ou à un tout autre groupe armé mercenaire. Ni les imprécations de la France ni une quelconque « loi internationale ».

Mais les Maliens doivent bien se rendre compte que ni Wagner ni aucune armée étrangère ne libérera leur territoire de l’emprise des groupes terroristes et ne fera naître le « Mali Bâ » de leurs vœux ! Seul l’engagement de tout le peuple dans une guerre d’un nouveau genre, de longue haleine le fera.

Mais une telle guerre ne peut être envisagée tant que les jeunes de Bamako à Ségou, de Tombouctou à Kayes continueront à passer leurs journées à papoter dans les « grins » et à se satisfaire de fustiger « la France » et les « politiciens véreux » sur les réseaux sociaux.

Tant que la bourgeoisie de Bamako ne se préoccupera que de voitures, de beaux costumes et de boubous en bazin et geztner et de conquêtes féminines. Pendant que leurs épouses n’auront d’autre souci que de se couvrir d’or pour célébrer mariages et baptêmes en distribuant des liasses de billets de banque aux « griots » et autres laudateurs.

Quand la France a été défaite et occupée par l’armée allemande en 1942, elle n’a été libérée finalement que grâce aux Alliés et aux « Tirailleurs Sénégalais ».

Mais entre-temps, une partie de son peuple s’était quand même soulevée contre l’occupant, incarnant ainsi la Résistance nationale.

Les Colonels de Bamako auront-ils le courage d’appeler le peuple à la mobilisation et à la résistance et de ne promettre aux Maliens que « du sang et des larmes » pour leur libération ? Auront-ils la vision politique et l’intelligence stratégique et militaire d’inventer une nouvelle forme de guerre qui mobilisera les jeunes patriotes avec les mêmes moyens et la même détermination que les djihadistes ?  Le gouvernement de transition aura-t-il le courage de poursuivre, en toute impartialité et avec transparence la lutte contre la corruption qu’il a engagée et qui est indispensable pour l’adhésion du peuple ? Saura-t-on mobiliser l’administration et la déployer partout où c’est possible pour apporter les services de la justice, de la santé et de l’éducation, en même temps que l’eau, l’électricité, la radio et le téléphone ? Cela alors que les sanctions réduiront de plus en plus les ressources de l’État ?

Le gouvernement de transition saura-t-il déployer rapidement une offensive diplomatique en direction à la fois de la CEDEAO pour prévenir les sanctions dont elle le menace, de l’Algérie, garant des Accords de Bamako et puissance régionale incontournable, de l’Union africaine et de son Conseil de Paix et de Sécurité et de tous les pays « de bonne volonté » du monde ?

Le temps presse pour le Mali et tout va s’accélérer dès que la signature de l’accord avec Wagner sera annoncée. Des manœuvres sont déjà en cours pour susciter une insurrection populaire et un coup d’État

Par l’éditorialiste de seneplus alymana bathily

Source : L’Aube

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