Depuis sa courageuse dénonciation des agissements de certains groupes rebelles (signataire de l’accord de paix), et du statut actuel de Kidal (localité occupée par les mêmes groupes), le président nigérien Mahamadou Issouffou est devenu l’homme à abattre pour la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), et ses commanditaires. A coups de manipulation, des groupuscules sont poussés à manifester à Kidal et dans d’autres localités du Nord pour dénoncer leprésident nigérien. Le voleur qui crie au voleur ! Imperturbable, Issouffou est décidé à traquer les terroristes jusque dans leurs derniers retranchements… Il l’a affirmé haut et fort, la semaine dernière, à la tribune des Nations-Unies.
« Le statut de Kidal est une menace pour la sécurité intérieure du Niger. Et en plus, nous constatons, avec beaucoup de regrets, qu’il y a des mouvements signataires des accords de paix d’Alger qui ont une position ambigüe et qu’il y a des mouvements signataires des accords de paix d’Alger qui sont de connivence avec les terroristes. Nous ne pouvons plus l’admettre », a-t-il martelé. Issoufou Mahamadou insiste en indiquant que son pays détient des preuves de la complicité de ces mouvements avec les groupes terroristes. Des actes de terrorisme selon lui sont fomentés et commis en territoire nigérien avec le soutien de certains signataires des accords de paix d’Alger.
« Un sanctuaire pour les terroristes », c’est ainsi que Mahamadou Issoufou a qualifié Kidal. Ce qui intrigue le président Issoufou, c’est qu’il y a des mouvements signataires de l’Accord d’Alger qui ont une position ambiguë. Pire, certains mouvements sont de connivences avec les terroristes. Pour Issoufou il y a un choix à faire : ou on est dans les accords de paix ou on est avec les terroristes.
Le danger est aux portes du Niger
C’est pour circonscrire le mal que le président nigérien, Mahamadou Issoufou a dû parler. Une manière pour lui de rappeler que « quand la case de ton voisin brûle, il faut asperger d’eau, la tienne ». Tels sont les motivations objectives qui ont poussé le président du Niger à parler de Kidal. Hormis cette raison fondamentale, beaucoup de choses rapprochent le Niger du Mali. Notamment, l’histoire, la géographie et la culture. Autant de motifs valables pour le président du Niger de parler de terrorisme au Mali, singulièrement du statut de Kidal. Aussi, le président Issoufou qui est actuellement le président de la conférence des Chefs d’État de la CEDEAO. Cependant, le fait de rester inactif, face à la situation, serait une manière pour lui de fuir ses responsabilités.
Pour le n°1 nigérien, le statut actuel de Kidal est une menace pour son pays et il sied que l’État malien reprenne impérativement ses droits.. La colère du président nigérien est d’autant plus légitime que son pays est en proie à des attaques terroristes liées en partie au statut de Kidal. Cela dit, c’est un courage qu’il faut saluer à sa juste valeur, car le dirigeant nigérien a osé dire tout haut ce que d’aucuns pensent tout bas.
En effet, la lutte contre le terrorisme au Sahel ne saurait être gagnée sans la neutralisation de tous les « sanctuaires des terroristes » tels Kidal et le désert libyen. L’on se rappelle que la question libyenne avait été soulevée par le président en exercice du G5-Sahel, lors du dernier sommet des chefs d’État du G5, tenu à Ouagadougou et récemment au sommet du G7 à Biarritz en France. C’est dire si la capacité de nuisance des groupes terroristes qui écument la bande désertique africaine reste très préoccupante. Sur la question du nord Mali, le président Issoufou est resté constant. Son combat est de parvenir à ce que les pays du Sahel soient débarrassés de toutes ces organisations terroristes et criminelles dont l’objectif reste tout simplement de semer la mort, la haine et la désolation. Quand le chef de l’État soutient que certains terroristes qui attaquent le Niger, se replient dans la région de Kidal, il assène des vérités doivent interpeller. Car, cette situation cause non seulement des torts aux populations de Kidal, à celles du Mali dans son ensemble, mais aussi à d’autres pays comme le Burkina où les attaques terroristes sont récurrentes. Du reste, il faut saluer la décision des présidents burkinabè et nigérien de créer un comité transfrontalier de sécurité contre le terrorisme…
Ces propos du président nigérien n’ont pas laissé indifférentes des groupuscules à manifester à Kidal, le jeudi 26 septembre dernier. Aussi, ces groupuscules appellent au retrait « immédiat » du Niger de la médiation internationale pour l’accord d’Alger. Egalement, ils demandent le retrait du contingent nigérien de la Mission Multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA).
Issoffou alerte…
Nullement perturbé par les agitations des responsables de la CMA, le président Issouffou est déterminé à combattre le terrorisme partout où il sévit dans le sahel. Ainsi, lors de la 74ème session de l’Assemblée générale des Nations-Unies, Mahamadou Issoffou a rappelé que c’est désormais une évidence, les pays du Sahel et du bassin du lac Tchad sont devenus le théâtre d’opération des organisations terroristes et criminelles dont la menace fait partie des questions qui relèvent, par excellence, du multilatéralisme : « En effet, la sécurité est un bien public mondial. En mettant en place des coalitions fortes de lutte contre le terrorisme en Afghanistan, en Irak et en Syrie, la communauté internationale l’a bien compris. Nous déplorons qu’il n’en soit pas ainsi au Sahel et dans le bassin du Lac Tchad où les menaces des organisations terroristes et criminelles ont été amplifiées par la crise Libyenne, crise dans le déclenchement de laquelle la communauté internationale a de graves responsabilités. Par conséquent, comme j’ai eu à l’indiquer à maintes reprises, la communauté internationale ne doit pas détourner son regard de ces deux régions dont les populations, notamment les femmes et les enfants, connaissent des souffrances indescriptibles : populations réfugiées ou déplacées, fermeture d’écoles sacrifiant des générations de jeunes qui n’ont plus l’occasion de s’instruire. Pour faire face à la situation la communauté internationale doit : Trouver une solution urgente a la crise Libyenne, notamment en désignant un envoyé spécial conjoint ONU-UA ; aider à renforcer les capacités opérationnelles et de renseignement des forces de défense et de sécurité des Etats membres ; renforcer les capacités opérationnelles et de renseignement de la Force Mixte Multinationale qui opère contre Boko Haram dans le bassin du Lac Tchad et de la Force conjointe du G5 Sahel que nous souhaitons voir placée sous le chapitre 7 de notre charte ».
La nouvelle stratégie des groupes terroristes, poursuit le président nigérien, visant à entrainer des conflits intercommunautaires et l’extension de l’insécurité vers des pays jusque-là épargnés sont autant de raisons qui militent en faveur d’une action concertée de notre part contre les groupes terroristes.
C’est du reste, pourquoi, le 14 septembre dernier, un Sommet extraordinaire des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO, spécialement consacré à la sécurité régionale et à l’examen des voies et moyens d’y faire face de manière collective, s’est tenu à Ouagadougou au Burkina Faso. Et d’ajouter : « Ce Sommet, traduit le fort engagement des dirigeants de notre région face à ce fléau, mais il conforte également l’option de la mutualisation de nos moyens, face à un ennemi commun de plus en plus organisé et qui conserve une capacité militaire avérée… À ces décisions s’ajoutent d’autres mesures non moins fortes : la demande de changement du mandat de la Minusma, y compris son extension au-delà du territoire Malien conformément à la résolution 2480 ; l’adoption du plan d’action 2020-2024 avec une dotation initiale des pays membres de la CEDEAO de 1 milliard de dollars ».
Mohamed Sylla
Encadre
Les vérités de Gamou
Le septentrion malien, consécutivement au retour de soldats libyens d’origine malienne, connaît une brusque montée de tension. Alors que la majorité de ces soldats, dès leur arrivée à Kidal, se sont mis à la disposition des autorités, certains d’entre eux s’agitent autour de cette localité et veulent opter pour l’épreuve de force en vue de se faire entendre. Il semble qu’ils parlent… d’autodétermination pour les régions nord du Mali.
Dépêché à Kidal par le chef de l’Etat pour accueillir les revenants, le colonel major, El Hadj Gamou, chef d’État-major particulier adjoint à la présidence, a sa propre lecture de la situation qui prévaut aujourd’hui à Kidal.
Joint par téléphone, le vendredi dernier, cet officier affirme que l’armée est prête à défendre le pays face à toutes menaces. Gamou rassure.
En 2006, Kidal se réveille, le 23 mai, sous les crépitements d’armes. Le camp militaire et la garnison de la gendarmerie venaient d’être attaqués par un groupe d’hommes armés dirigé par Ibrahim Ag Bahanga et le colonel Hassane Fagaga. Le coup, en réalité, avait été savamment préparé avec l’aide de certains intégrés (soldats) de l’armée régulière.
A l’époque, de lourds soupçons avaient plané sur certaines notabilités de la localité, dont Iyad Ag Ghaly, celui-là même qui, en 1990, avait déclenché la seconde rébellion du septentrion malien.
En 2006, Iyad s’était en réalité servi de Bahanga pour commettre cet acte de forfaiture contre l’intégrité du territoire national. La suite est connue…
Pour gérer cette crise, le chef de l’Etat avait opté pour la voie pacifique. Un dispositif sécuritaire avait immédiatement été mis en place à Gao en vue de sécuriser l’ensemble des régions nord du pays. Dans la chaîne de commandement du PC opérationnel, il y avait un homme, El Hadj Gamou.
De 2006 à 2010, cet officier est resté au front pour juguler la crise.
En 2009, lorsque le chef de l’Etat, après l’attaque d’Abeïbara, a ordonné à l’armée de détruire toutes les bases de Bahanga, Gamou et le colonel Meïdou, commandant de la région militaire de Mopti, et le colonel Abdoulaye Coulibaly, étaient, entre autres, au devant de l’offensive de l’armée qui s’est finalement soldée par la destruction des bases des insurgés et la fuite de leur chef, Ibrahim Ag Bahanga qui s’est réfugié en Libye.
De Kidal à Koulouba
Après cette crise, le colonel Gamou est nommé à la présidence de la République, en qualité de chef d’Etat-major particulier adjoint. Il est nommé au grade de colonel-major, à la suite des dernières promotions (en grade) intervenues au sein de l’armée.
Cet officier de la tribu des Igmaden, qui a aussi servi au Liberia dans le contingent malien, a toujours fait preuve d’un engagement sans faille à défendre le drapeau national et à honorer son serment d’officier.
Cependant, Gamou fait aussi l’objet de critiques. Certains l’accusent d’entretenir une milice à Kidal, d’autres affirment qu’il n’a jamais accompli une mission d’éclat, lorsqu’il était sur le terrain. Il balaie du revers de la main ces accusations, et bénéficie de la confiance de ses chefs, précisément du chef suprême des armées.
Il était alors l’officier le mieux indiqué pour cette nouvelle mission (le retour des soldats de la Libye) qui s’avère délicate. A Kidal, Gamou est en terrain connu. Il a l’avantage de connaître aussi beaucoup d’acteurs (locaux et revenants) de la scène.
Pour El Hadj Gamou, la situation est simple : « En réalité tous ceux qui sont venus n’étaient pas retournés dans l’intention de créer des problèmes. Ils ont été suffisamment traumatisés par ce qu’ils ont vécu en Libye pour vouloir tenter une aventure au Mali. Parmi eux, certains sont encore sous le choc. Ils ont tout abandonné en Libye : familles, femmes, enfants et biens. Croyez-vous qu’ils sont prêts à se créer d’autres problèmes ici? ».
Et parmi ces soldats, il y a même des Libyens qui ont suivi ceux d’origine malienne. Les Libyens ont fui leur pays et les combats pour se retrouver au Mali. Certains d’entre eux veulent même repartir en Libye, mais seraient habités par la peur.
Comprendre le piège
Mais pourquoi toute cette agitation au sein des revenants ? «C’est vrai que beaucoup de soldats sont revenus avec des armes. Mais la réalité est que leur retour constitue une aubaine pour les membres d’un réseau qui a toujours œuvré à la déstabilisation des régions nord du pays. Ces gens profitent de chaque occasion pour déstabiliser. Cela pour des intérêts personnels et non dans l’intérêt des populations. Ils veulent se servir des arrivants qui ont intérêt à comprendre le piège», révèle Gamou dans un langage de vérité qu’on lui connaît.
A en croire l’officier, avec l’approche des élections, c’est le moment idéal pour les membres de ce réseau, de faire de la « surenchère et de monter la pression sur l’Etat ». Gamou estime, par ailleurs, que tout ce qui se passe avec le retour de ces soldats, est digne d’un scénario hollywoodien. C’est un film dont l’opinion ne tardera pas à découvrir l’épilogue. «L’on saura finalement toute la vérité autour de cette affaire », promet le colonel major.
Ils sont avec AQMI
Par ailleurs, certains médias français et algériens ont entrepris une véritable campagne d’intoxication autour de la présence de ces soldats au nord. Dans cette campagne, un homme a refait brusquement surface à Paris. Il se fait passer comme étant le porte parole de l’Alliance du 23 mai. Depuis la fuite de Bahanga cet homme avait perdu la voix. Marié à une Française, et loin des réalités de Kidal, il s’agite (à nouveau) à coup de mensonges et de menaces. C’est lui qui promet, au nom des soldats rentrés, une guerre contre Aqmi (branche Al-Qaïda pour le Maghreb islamique) et contre l’Etat malien.
El Hadj Gamou rétorque : « C’est une stratégie pour ce monsieur et ses acolytes de bénéficier de soutiens extérieurs. C’était la même stratégie qu’ils avaient adopté il y a de cela quelques années. Mais, l’on a vu la suite. Quand ces gens affirment qu’ils vont faire la guerre à Aqmi, c’est de la rigolade. Ils sont ensembles et ils se côtoient tous les jours. Mais c’est une manière pour eux de tromper l’occident et d’être soutenus par l’extérieur. Mais comment peut-on être aussi cynique jusqu’à vouloir quémander de l’aide pour déstabiliser son propre pays ? ».
El Hadj Gamou conseille au « porte parole » de venir à Kidal pour aider les populations au lieu de tenir des discours creux à des milliers de kilomètres de là.
«Nous demandons aux populations, de garder leur sérénité et leur calme, face à tout ce qui se dit à travers certains medias. Il faut que les Maliens comprennent aussi que toute cette agitation n’est que l’œuvre d’un groupuscule. Les populations du nord n’aspirent qu’à la paix. Et l’armée est là pour assurer cette paix et défendre l’intégrité du territoire national. Nous sommes prêts à assumer notre mission conformément aux orientations et instructions des autorités du pays. Et nous sommes prêts à défendre ce pays contre toutes formes de menace».
L’Aube 400 du lundi 30 janvier 2012