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Ma vie de terroriste – 1ère partie/3

Après de nombreuses interactions, Hammoudi (nom d’emprunt pour garantir sa sécurité), un jeune peul, aujourd’hui repenti, a souhaité partager son vécu, son parcours  comme  ancien combattant au sein du JNIM puis de l’EIGS.

 

« Cet après-midi-là, mes choix et mes envies de vies ont changé. Avec ma famille, nous avons installé notre campement près d’un village où de nombreuses familles peules s’installent tous les ans lors des périodes de transhumance. Nous sommes donc une vingtaine de familles avec des centaines de bêtes. Le soleil commencait à baisser quand des motos arrivent dans notre campement.  A ce moment la tout va tellement vite, pris de panique, je cours, ça crie beaucoup, je vois floue, j’ai du mal à savoir ce qu’il m’arrive. Lorsque je reprends mes esprits, je suis effrayé par ce que je vois, je vois du sang celui des amis, et de notre betail. Oui,des hommes et des femmes ont été fusillés, certains sont morts, d’autres blessés et font semblant d’être mort pour échapper à ces hommes, les enfants sont terrorisés et une partie de notre bétail est mort lui aussi et l’autre a disparu.

 

Avec ma mère et certains de mes frères et sœurs nous réussissons à nous enfuir et à nous cacher dans la brousse. Ceux qui ont commis ces crimes inhumains viennent du village voisin. Ils se sont vengés contre des Peuls parce que leur village a été attaqué la veille par des groupes terroristes. Cette attaque absolument injuste et ignoble est pour eux justifiée. Pendant toute notre période de transhumance, je peux constater que pour beaucoup, Peul est synonyme de terroriste.

Je ne pourrais jamais oublier ça ! Ces images, ces bruits résonnent dans mon esprit. Plus jamais ma famille ou ma communauté ne serait attaquée. Je voulais la protéger mais je ne savais pas comment.

A la suite de cette attaque, nous nous sommes réfugiés dans la région de Ménaka, avant de poursuivre notre transhumance plus au sud.  Alors que nous sommes installés dans un nouveau campement, je vois passer deux garçons sur une mobylette, je commence à être mal. Ils ont l’air d’avoir à peu près mon âge et ont tous les deux une arme dans le dos.

C’est là que je comprends que si je veux aider et protéger ma famille, il me faut une arme et être comme eux, je veux alors moi aussi avoir une mobylette, pour pouvoir aller où je veux, quand je veux mais surtout avoir une arme. Tout cela me permettrait de protéger ma famille.

Les semaines ont passé et je garde dans un coin de ma tête les images de ces deux 2 adolescents. Je vous voulais en parler a mon frère mais j’avais trop peur qu’on m’empêche d’aller à leur rencontre. Je sais très bien que ces deux jeunes que j’ai vus sont ceux qui attaquent les militaires maliens. Mais cela ne me dissuade en rien. Jamais j’ai vue les FAMa nous porter secours ou cherché à retrouver ceux qui nous massacrent.

Un jour, un membre de ma famille se rend au marché d’In Delimane et je l’ai accompagné. J’avais un objectif bien précis,  je savais que des combattants se rendent à ce marché et je  voulais les rencontrer.
Je rencontre un homme, nous échangeons. L’homme me donne son numéro et m’invite à retrouver un autre homme. [Pour la sécurité de Hammoudi  ne  sera pas revelé les détails  de son recrutement].

Pas longtemps après, je finis par intégrer un groupe de combattants qui est sous les ordres d’un touareg (nda – il s’agit certainement d’Iyad Ag Ghali ou d’un de ses lieutenants). Malgré mes nombreux mois au sein de ce groupe, je ne l’ai jamais rencontré, il n’est jamais venu à la rencontre de ceux qui combattent pour lui, il y avait que les chefs qui nous disaient qu’ils allaient à sa rencontre, mais aujourd’hui j’ai des doutes.

Rapidement on me donne une arme, une kalachnikov ; une arme rien que pour moi ! Je trop suis fier de la tenir et de m’entrainer avec, je repense toujours à ceux qui ont marqué ma mémoire. Je me sens alors indestructible, fort. Et surtout convaincu de pouvoir enfin protéger les miens.

Ma fierté de faire partie d’un groupe de combattants ou l’ethnie de chacun n’a pas vraiment d’importance, n’a finalement pas duré très longtemps. Je pensais que nous allions mener des opérations et des actions régulières contre ceux qui tuaient ma famille, mon village. Ma déception fut si grande. Nous restions cachés, dans des grottes, sous des arbres pendant des jours et des jours. Je devais aussi apprendre par cœur le Coran, une tâche extrêmement difficile car je ne parle pas l’arabe ! Alors je répète bêtement ce que dit mon frère d’arme, un Touareg originaire de Telataï, sans rien y comprendre. Mon integration etait pas simple, car tout est haram ! Chanter, danser c’est haram ! Regarder une femme c’est haram ! Dire qu’on aime telle nourriture, alors que j’aime beaucoup manger, et repenser à la cuisine de ma mère, c’est haram parce qu’on est censé n’adorer qu’Allah. Je me torture l’esprit sans cesse pour savoir si oui ou non je suis un bon musulman. Finalement je n’ai jamais réussi à répondre à cette question et je n’ai jamais trop compris comment ils vivent l’islam. Une nuit, je vois notre chef, caché derrière un arbre, fumer une cigarette et écouter de la musique avec une de ces petites radios portatives. Les coups qu’il me portait lorsque je pêchais étaient d’autant plus insupportables après ça. Je me questionne sans cesse : qui décide que telle chose est haram ? Et pourquoi certaines choses ne sont haram que pour certaines personnes et pas d’autres ? Leur obsession pour ces règles que je ne comprends pas me pèse.

Finalement je trouve que le prix à payer pour avoir une arme est trop important et que les raisons de mon engagement ne vont pas. Pendant de longs mois je ne vois ma famille qu’une seule fois, je passe mon temps à vivre caché et à apprendre par cœur un livre sacré que personne ne m’a expliqué. Ce groupe n’est pas ce que je recherche, je suis trop déçu. » A suivre…

Mamadou Bare

Malivox

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