Pour contribuer à sa manière à la lutte contre les violences faites aux femmes et plus précisément aux jeunes filles, Souleymane Cissé, cette icône du cinéma qui n’est plus à présenter, en partenariat avec les 6 Communes du District de Bamako et la Minusma, a initié une série de projections de son film «Den Mouso». Le lancement de l’opération, qui vise à sensibiliser sur la persistance des viols dans nos villes, a eu lieu le samedi 1er décembre 2018, à Sabalibougou.
«À cœur vaillant rien d’impossible». Tout porte à croire que cette citation est devenue le leitmotiv du célèbre cinéaste malien Souleymane Cissé. Jugez-en vous-même. Loin des salles luxueuses de projection qu’il a l’habitude de fréquenter à la faveur des grands festivals dédiés au cinéma dans le monde et qui réservent une place de choix à ses films, Souleymane Cissé a décidé de faire du cinéma ambulant. Mais, avec la ferme conviction que cela pourra contribuer à provoquer un changement dans sa société.
Le 1er décembre 2018, au moment où la communauté internationale faisait une halte pour rappeler aux uns et aux autres qu’il faut beaucoup plus d’engagement pour bouter le Sida hors de nos villes et de nos vies, Souleymane Cissé, pas qu’il soit indifférent à ce combat, a décidé de lancer une autre bataille, qui n’est pas du tout loin de la lutte contre le Sida. Et mieux, qui a même des similitudes avec la lutte contre le Sida, parce que pouvant éviter la transmission de cette maladie.
Souleymane Cissé a décidé de sensibiliser ses concitoyens sur les viols récurrents dans nos villes et surtout sur les conséquences désastreuses de cette violence faite aux jeunes filles. Et, comme il est cinéaste, il s’est souvenu qu’il y a 43 ans, c’est-à-dire en 1975, il avait émerveillé le Mali et le monde avec la sortie de son film «Den Musso». «Nous avons fait le film ‘’Den Musso’’ en 1975, parce qu’à cette époque Bamako était confrontée à un phénomène que les Maliens n’avait jamais connu : les grosses hors mariage des jeunes filles», nous a indiqué Souleymane Cissé, après la projection de Sabalibougou. «Il était pratiquement impossible de trouver une famille à Bamako qui ne ruminait pas son chagrin face à ce fléau», a-t-il ajouté. Avant de se demander quelle est la situation 43 ans après.
Malheureusement, avec le cinéaste Souleymane Cissé, nous sommes au regret de constater que la problématique posée par le film «Den Musso» est d’actualité dans notre société. Et peut être que la problématique se pose aujourd’hui avec beaucoup plus d’acuité. Pire que des grossesses hors mariage, les jeunes filles sont aujourd’hui victimes de violences sexuelles. Vous vous souvenez, il y a si peu, de ces nombreux cas de viols, souvent en bande et qui mettent en jeu des personnes de différents âges et de statuts divers. Et, comme un signe des temps, ce fléau n’est pas propre qu’au Mali. Il est pratiquement planétaire.
On se souvient qu’en octobre passé, Plan International, une ONG engagée dans la promotion et la protection des droits des enfants, a publié un rapport se basant sur une enquête réalisée auprès d’experts mondiaux dans 22 villes. Il disait clairement que : «Le harcèlement sexuel présente un risque majeur pour la sécurité des filles et des jeunes femmes dans le monde». En attendant que des solutions idoines soient trouvées à ce fléau, Souleymane Cissé a décidé de mettre à contribution le cinéma, à travers une série de projection du film «Den Muso» dans 6 quartiers de 6 communes de Bamako.
«Une soirée très instructive pour nous les jeunes filles»
«Je suis très heureuse de voir ce film dont j’avais entendu parler. Ce fut une soirée très instructive pour nous les jeunes. Et je retiens que nous avons une obligation de nous conduire de telle sorte à ne jamais décevoir nos parents qui nous aiment tant». Cette déclaration a été faite par une jeune fille qui a assisté à la projection, sur le terrain de Sabalibougou, tout juste derrière le Centre de Santé du quartier.
Pour cette projection qui a attiré du grand monde, notamment du côté des jeunes gens (filles et garçons), eu égard à la modicité des ressources, Souleymane Cissé a utilisé les moyens du bord. 200 à 300 chaises métalliques pour recevoir les cinéphiles d’un certain âge, le gros lot constitué d’enfants et de jeunes s’étant offert une place à même le sol ; Un rétroprojecteur ; un ordinateur portable pour la lecture du film et une table de mixage faisant office d’amplificateur pour servir les deux enceintes sonores ; un écran de projection monté sur des trépieds. Le dispositif technique était sommaire pour la qualité de la projection.
«Au nom de la Mairie de la Commune V du District de Bamako, nous sommes venus pour soutenir cette initiative de Souleymane Cissé. Et, au regard de l’engouement de la population, nous avons été renforcés dans notre conviction que la culture est un facteur de mobilisation de nos populations», a indiqué Mahamadou Sawadogo, Maire délégué de Garantiguibougou et président de la Commission Jeunesse, Art et Culture, à la Mairie de la Commune V du District de Bamako. Il a estimé que le problème abordé par ce film est d’actualité et invite tous les Maliens à la réflexion.
En effet, le film «Den Muso» nous plonge dans le Mali des années 70. Dans ce film, Sékou a été mis à la porte de l’Usine où il travaillait par Malamine Diaby, son patron et propriétaire de l’entreprise. Sékou voulait une augmentation de son salaire. Désœuvré et aimant la belle vie, il n’a le choix que de devenir voleur. Il lui arrive même de collaborer avec un gang. L’occasion faisant le larron, il sort avec Ténin, une jeune fille muette, qu’il ignorait être l’enfant de son ex-patron. Et Sékou las de lui faire la cour la viole un jour lors d’une sortie entre jeunes à la plage. La grosse de Ténin va lui faire subir la colère de ses parents, surtout de son père. Ténin va vite se retrouver entre l’enclume et le marteau. Ses parents qui n’arrivent à accepter cette situation humiliante et amorale, et l’inconscient de Sékou qui refuse de reconnaître son enfant.
Sous le choc, son père va perdre la vie dans une course-poursuite. Ténin désabusée et persuadée que Sékou n’est qu’un vulgaire coureur de jupons, qui se paye la tête des jeunes filles, va commettre l’irréparable : incendier la maisonnette de Sékou, non sans prendre la peine de l’enfermer avec une de ses nombreuses copines et se donner ensuite la mort.
Après Sabalibougou, ce film sera projeté le 2 décembre 2018, à partir de 19 heures, devant la Mairie de Yirimadio. Le 3 décembre 2018, ce sera le tour de Djicoroni Para de recevoir la projection sur le terrain Dabarabani. Bozola est programmé pour le 4 décembre 2018. Alors que les habitants de Bamako Coura seront servis le 5 décembre 2018 derrière l’Institut français, ceux de Banconi Djanguinébougou recevront le film le 5 décembre 2018.
Assane KONE
Le Reporter