Alors que les efforts restent toujours en cours, de nombreux maliens ont été victimes de la traite des personnes en 2023. Ils sont au total plus de 5000 citoyens touchés l’année dernière. Dans le rapport du comité national de coordination de lutte contre la traite des personnes, l’accent a été mis sur toutes les activités menées en 2023. Le document permet, indique-t-on, de mesurer les efforts fournis dans la lutte contre le fléau. Il met également l’accent sur les défis qui se posent dans le secteur. Ainsi, ajoute-t-on, les activités de formation et de sensibilisation ont concerné 13 813 personnes, dont 5792 femmes. Se fiant aux chiffres relayés par le comité, 5481 personnes victimes de la traite des personnes et autres pratiques assimilées ont été identifiées, assistées et protégées en 2023. A cela s’ajoute le jugement de 16 dossiers impliquant 116 personnes qui ont été jugées par la cour d’assises spéciale de Kayes et le tribunal de grande instance de Bafoulabe, une des localités du Mali. Même si ces résultats demeurent satisfaisants, tout porte à croire que l’enraiement de la pratique est une lutte de longue haleine.
La région de Kayes au centre de l’esclavage par ascendance
Dans la première région administrative du pays, la violence due à l’esclavage par ascendance avait atteint son summum. Sur les faits recensés en 2022, figure celui d’une personne de troisième âge, brûlée avant sa mort. Le 29 juillet 2022, le cadavre brûlé et mutilé de Diogou Sidibé, âgée de 71 ans avait été, faudra-t-il le rappeler, découvert près de son champ non loin de Lany Mody, un village situé dans le cercle de Kayes. Comme détaillé par plusieurs organisations de lutte contre l’esclavage à l’époque, ledit acte était dû au refus de la vieille dame de se soumettre au statut d’esclave. Sur la toile, le fils de la défunte témoignait qu’elle a été tuée pour avoir refusé de retirer sa plainte contre une autre femme qui l’avait battue le 10 juin 2022. Lequel retrait allait permettre à la présumée coupable de bénéficier d’une liberté provisoire. Le 6 juillet 2022, sur le chemin du champ, la vieille femme « toute joyeuse », écoutait une chanson à la gloire d’Ousmane, un riche commerçant de la localité qui venait d’offrir un forage au village, raconte-t-on. Sur la même route, elle croise le septuagénaire Samba, un membre de la famille royale du village qui lui interdit d’écouter cette musique non destinée « à un esclave indigne » comme la dame. Face à son refus, la vielle personne a été battue. Le bras avec lequel elle tentait de se protéger a été fracturé par son assaillant membre d’une famille dite royale, alors que sa tête coulait déjà du sang à cause de la blessure. Le même intéressé aurait appelé des membres de sa famille pour tabasser ceux de la famille de la défunte, a-t-on appris à l’époque. Rappelons qu’en date du 21 novembre 2019, 110 personnes, en majorité des femmes et des enfants ont fui le village Khérouané pour Diéma après avoir refusé le statut d’esclaves. Le 4 juillet 2021, des habitants du village de Makhadougou, considérés comme des « esclaves » ont été empêchés de travailler dans leurs champs en raison du même problème. 12 personnes ont été blessées par des machettes et des coups de fusil. Le 28 septembre 2021, une vidéo montrant des jeunes ligotés et torturés avec des armes blanches a fait le tour des réseaux sociaux. La scène filmée à Oussoubidiagna aurait fait 1 mort, 77 blessés et 3000 « esclaves » déplacés, suivant les données fournies à l’époque.
Mamadou Diarra
Source : LE PAYS