Cruelle ironie du sort. Pour s’être accommodé des pratiques corruptrices qui dévastent le Mali depuis plusieurs décennies et ont atteint une ampleur inégalée sous sa gouvernance débridée, IBK a assisté, samedi dernier, impuissant et résigné, à l’incarcération de son plus fervent soutien politique et principal bailleur à la présidentielle de 2018.
Bakary Togola, à la fois inamovible président de l’Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture du Mali (APCAM) et tout-puissant président de la Confédération des sociétés coopératives des producteurs de coton (C-SCPC) en sa qualité de plus gros cotonculteur de la République, est accusé d’avoir détourné quelque 9 milliards et demi de FCFA au préjudice de la dernière structure mentionnée.
De l’argent provenant des 13,431 milliards de FCFA versés par la CMDT aux producteurs cotonniers au titre des ristournes (complément perçu sur le prix de cession du coton à la compagnie après qu’elle l’eut commercialisé à un coût rémunérateur) et qui n’est pas parvenu à ses destinataires.
Le premier agriculteur malien, réputé la plus importante fortune du pays, pourrait répondre d’autres griefs plus graves (ils seraient relatifs à la fourniture d’engrais à la CMDT dont la C-SCPC assure la gestion de façon permanente et peu orthodoxe)
Le téméraire procureur du pôle économique et financier, Mamoudou Kassogué, à l’origine de la mise sous écrou de Bakary Togola en attendant sa comparution devant un juge, a déjà annoncé en conférence de presse qu’outre ce dossier de » ristournes » aux planteurs de coton, il a ouvert une enquête sur « les avions cloués au sol« .
Là aussi, à coup sûr, d’éminentes personnalités civiles et militaires au cœur du pouvoir actuel vont devoir rendre des comptes.
De nombreuses autres affaires, mises sur la place publique mais rangées sous le boisseau par un régime qui excelle à flétrir la corruption tout en faisant d’elle son sport favori, feront probablement l’objet d’investigations qui n’épargneront pas des collaborateurs et proches du président de la République.
Il ne saurait en être autrement car la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite est devenue désormais un enjeu vital pour le Mali.
Les partis et regroupements politiques de la majorité et de l’opposition, les organisations de la société civile (singulièrement la Plateforme contre la corruption et le chômage-PCC- du Pr Clément Dembélé) les syndicats, les jeunes de toutes les catégories socio-professionnelles et toutes les obédiences politiques, les associations musulmanes (en particulier la CMAS de l’imam Mahmoud Dicko) des ambassadeurs de pays occidentaux amis dont celui qui a représenté l’Allemagne dans notre pays jusqu’à une période récente, les partenaires techniques et financiers, tous appellent les autorités maliennes à une plus grande rigueur dans la gestion des ressources financières nationales. Condition indispensable pour assurer le bien-être des populations et favoriser le développement du pays.
Les partenaires au développement exigent en plus des sanctions judiciaires contre les personnes reconnues coupables de malversations leur publication par voie de presse. Faute de quoi ils pourraient couper les vivres à l’Etat malien.
La justice malienne elle-même, mise à l’index par l’opinion nationale et de plus en plus à l’étranger, éprouve le besoin de se construire une honorabilité.
C’est dire que le président IBK est au pied du mur: il doit s’engager dans le combat contre la corruption comme jamais il ne l’a fait ou être emporté par ce combat qui est existentiel pour le Mali.
Saouti HAÏDARA
Source : L’Independant