OTTAWA — Alors que les casques bleus canadiens s’apprêtent à quitter le Mali — et que les Nations unies plaident pour qu’ils restent encore un peu —, l’Union européenne (UE) souhaite que les Forces canadiennes s’associent à elle pour dispenser de la formation militaire dans ce pays d’Afrique de l’Ouest.
Le général Esa Pulkkinen, directeur de l’état-major européen, a déclaré à La Presse canadienne qu’il avait demandé à Ottawa d’apporter son expertise en matière de formation militaire au Mali, dans le cadre d’un effort plus vaste visant à éradiquer l’extrémisme islamique au Sahel.
Le général Pulkkinen se dit conscient du contexte de sa demande, alors que le Canada subit la pression de l’ONU pour prolonger sa mission de maintien de la paix au Mali jusqu’à l’arrivée de la relève roumaine.
Mais il estime que le Canada ferait un excellent partenaire bilatéral dans le cadre des efforts de l’UE en matière de formation militaire en Afrique de l’Ouest, essentiels selon lui pour éliminer les menaces à la sécurité en Europe.
Outre le terrorisme, ces menaces incluent les migrations massives vers l’Europe et une augmentation de la contrebande d’armes, du trafic de drogue et de la traite des personnes.
De passage à Ottawa la semaine dernière, M. Pulkkinen a déclaré qu’il envisageait de faire une demande officielle aux autorités canadiennes, après avoir soulevé la question de manière informelle.
«La formation d’officier offerte par le Canada est au plus haut niveau dans le monde, a-t-il soutenu. Plus important encore, vous pouvez parler français, ce dont nous avons besoin lorsque nous fournissons des conseils à nos amis maliens.»
Le général Pulkkinen commande déjà 1000 soldats en Somalie, en République centrafricaine et au Mali, et collabore avec les États-Unis dans le cadre de diverses missions sur ce continent. Il a ajouté que l’UE souhaitait renforcer sa présence en Mauritanie, au Burkina Faso, au Niger et au Tchad. S’associer au Canada serait une solution naturelle, a-t-il plaidé, car la mission de l’UE repose sur les mêmes valeurs communes, notamment en matière de respect des droits de la personne.
«Modeste contribution»
Mais la requête sera difficile à plaider. Le Canada est sur le point de retirer ses huit hélicoptères et ses 250 militaires du Mali, où ils ont procédé à des évacuations médicales d’urgence et transporté des troupes et du matériel à travers ce vaste pays. Le retrait annoncé a incité l’ONU à demander officiellement au Canada de prolonger sa mission, dans ce qui semble être un ultime effort de l’UE pour éviter une interruption momentanée des évacuations médicales militaires de casques bleus et de membres du personnel de l’ONU blessés.
L’ONU a envoyé une demande officielle par écrit au gouvernement fédéral à la fin du mois dernier, après des mois de vaines tentatives en coulisses. Le procédé est inhabituel: l’ONU ne fait habituellement de telles demandes que si elle estime avoir une bonne chance d’obtenir une réponse positive, ce qui est loin d’être certain ici.
Le gouvernement, y compris le premier ministre Justin Trudeau, a maintes fois minimisé les problèmes qui surgiront lorsque les troupes canadiennes quitteront le Mali dans les délais prévus.
La demande du général Pulkkinen ne fera qu’accroître la pression sur le gouvernement Trudeau, qui a fait l’objet de critiques pour ce qui a été perçu comme un retour relativement timide aux activités de maintien de la paix de l’ONU, avec cette modeste mission au Mali. Les libéraux avaient pourtant fait du maintien de la paix l’une des promesses de leur politique étrangère lors de la campagne électorale de 2015.
Le Canada subira des pressions la semaine prochaine lorsque l’ONU organisera un important sommet sur le maintien de la paix à New York — le premier depuis la tenue d’une réunion similaire à Vancouver en novembre 2017. La ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, devrait assister à ce sommet, mais son bureau n’a pas immédiatement répondu aux demandes de commentaires.
Source: lactualite