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L’Oeil de Le Matin : Les damnés de la mal gouvernance

Broyer du noir ! C’est le sport dans lequel les Maliens excellent beaucoup ces derniers mois. Et dans tous les sens du terme. Au fait, Energie du Mali (EDM SA) nous fait voir la vie de toutes les couleurs. Le calvaire va crescendo avec ventiler comme le verbe le plus à la mode offrant une résurrection aux traditionnels éventails. Ils sont nombreux les parents  qui se réveillent le matin les bras endoloris et le regard hagard comme un indécrottable shooter en manque de sa dose habituelle de cannabis. Que faire ? On a souvent d’autres choix que de ventiler les enfants pour les aider à fermer les yeux sans forcément trouver ce sommeil dont ils ont besoin pour être frais le matin et aborder la journée à l’école.

 

Malheureusement, nous ne trouvons généralement le réconfort et un brin d’espoir que dans le mensonge d’Etat. En effet, la persistance de la crise énergétique met à nue la démagogie dont se nourrit la promesse du Mali Kura. Chaque fois qu’on nous promet une amélioration, la situation s’aggrave le lendemain. Croyant à une crise passagère, chacun improvisa  une parade en fonction de ses moyens. Certains ont rivalisé (qualité, puissance…) dans l’achat de groupes électrogènes. Beaucoup de ces acquisitions se sont tues car on entend de moins en moins ronronner les groupes pour polluer (bruit et fumée) notre environnement.

Ceux qui tiennent encore le coup sont à l’agonie. A l’image de ces nombreuses entreprises ou activités socio-économiques qui sont à l’arrêt (en attendant de jours meilleurs) ou à l’agonie en ouvrant un boulevard au désespoir, à la précarité, à la  misère. Si l’on ne prend garde, le Mali Kura va pousser dans un champ de ruines, de misère aggravée par le chaos socio-économique. C’est comme la danse des possédés, on sait quand cela débute, mais on ne sait jamais quand la soirée prendra fin avant l’aube.

Pour le moment, nous sommes condamnés à faire bon cœur contre mauvaise fortune. Plus la situation perdure, plus deviennent perceptibles l’indifférence voir l’insouciance des décideurs. Nargué, le peuple est passé de l’indignation à la résignation. Résilience oblige ! Alors il faut se préparer à boire le calice jusqu’à la lie. Pour n’avoir pas tenu compte de l’alerte du syndicat d’EDM et de l’Untm, rappelant que nous sommes en train de foncer sur le mur, nous voilà dans l’impasse et privés du nerf de la guerre : les moyens financiers ! Nous avons remis tout en cause pour la souveraineté. Et cela en oubliant que les relations internationales, surtout d’Etat à Etat, ne se gèrent pas avec le gros cœur. Il faut du realpolitik et du pragmatisme pour satisfaire et préserver ses intérêts. Nous voilà avec notre souveraineté sans savoir qu’en faire ! Bon, nous préférons «la dignité dans la pauvreté que l’esclavage dans l’opulence».

Pendant ce temps, ceux qui nous poussent à la résilience sont préoccupés par tout sauf notre bien-être. Ils veulent prolonger indéfiniment la transition, faire la purge au sein des partis politiques et les sevrer de la manne financière de l’aide publique. En même temps, des gens désignés se prennent pour des élus du peuple en s’accordant des primes et des indemnités qui jurent avec la situation financière du pays. Que dalle ! Il faut bien se servir quand l’occasion se présente parce qu’on est pas sûr qu’une pareille opportunité va se représenter.

Toujours est-il que ces mêmes «honorables» nous rappellent à tout bout ce champ qu’il n’y pas de changements sans sacrifice. Oui, le sacrifice de la masse. Sinon les décideurs ont besoin d’évoluer dans le grand luxe pour mieux trouver la solution à nos problèmes et nous hisser dans l’ère du changement, nous projeter sous la lumière. Mais, qu’est-ce qui a réellement changé ? Il est vrai que nous avons aujourd’hui toutes les raisons d’être fiers de nos Forces de défense et de sécurité (FDS). On a également assisté ces deux dernières années à une moralisation des examens scolaires et académiques ainsi que du concours d’entrée à la Fonction publique. Et les œuvres sociales  du président de la Transition apportent un grand soulagement aux bénéficiaires.

J’en oublie certainement à cause de ma récente amnésie causée par un cerveau aujourd’hui altéré par la succession de nuits blanches nous privant de ce sommeil réparateur.  Mais, après ? C’est la léthargie ambiante avec un gouvernement qui excelle beaucoup plus dans la propagande que dans le concret. Le chef d’équipe en est la parfaite illustration lui qui, malgré les énormes défis auxquels son gouvernement doit faire face et que la majorité de ses concitoyens sont plongés dans le noir, trouve le temps et la lumière pour écrire un livre afin de solder ses comptes politiques. En véritable roi sans soucis, il vole la vedette à ses ministres par sa présence à toutes les cérémonies, même les plus insignifiantes. De belles opportunités pour jeter des flèches empoisonnées à ceux qui pensent autrement que lui et à amuser la galerie en enivrant le peuple de discours populistes.

Qu’à cela ne tienne. Le rusé renard est toujours utilisé, notamment par ceux à qui il sert de bouclier pour tenir les adversaires politiques à une distance respectable. Sans compter qu’un pouvoir à toujours besoin de marionnettes pour distraire les populations de leurs vraies préoccupations. Faut-il pour autant se jeter dans les bras des politiciens dont l’empressement à aller à l’ordre constitutionnel cachent mal la faim qui les hante aujourd’hui parce qu’ils sont éloignés de la table des convives ? Ils veulent la fin rapide de la transition pour reprendre leur sport favori : gérer le pays selon leurs intérêts !

Ils veulent le retour à l’ordre constitutionnel sans donner de gage aux Maliens. Ce qu’ils disent dans leurs discours ressemble à une sauce dont le client ne connaît aucun des ingrédients utilisés pour la concocter. Les Mandings disent qu’au lieu de s’en prendre à son point de chute, il faut plutôt en vouloir à là où on a trébuché. C’est de leur faute si nous sommes dans ce pétrin aujourd’hui. Nous sommes devenus les damnés de cette refondation parce que, ces dernières décennies, les choses n’ont pas été faites comme il se doit, le pays n’a pas été géré dans le sens des préoccupations et des aspirations du peuple. Ils ont cantonné la politique à la satisfaction de leurs désirs et de leurs ambitions.

Ils ont sacrifié une seconde fois les Martyrs en méprisant et en piétinant le résultat de leur lutte. Comme le dit un penseur, «le plus dur, ce n’est pas vivre ce que l’on vit. Mais, c’est de ne pas savoir quand ça s’arrêtera». Nous sommes condamnés à vivre dans le noir pour un long time. Pas seulement l’obscurité imposée par la crise énergétique, mais aussi celles de la mauvaise gouvernance du pays, de la cupidité et de la mégalomanie de ceux qui viennent nous caresser dans le sens du poil en se faisant passer pour des Messies soucieux de notre bien-être, de notre épanouissement. Et qui, dès que l’occasion se présente, nous assomment dans le dos pour préserver ce qui leur est cher : leurs intérêts !

«Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute», dit la fable de Lafontaine (Le corbeau et le renard). Il en sera toujours ainsi tant que nous (le peuple) ne prendrons pas conscience de la force que nous représentons, que nous avons toutes les cartes en main pour distribuer ou redistribuer les rôles.  Si nous ne voulons pas continuer à être les damnés de la gestion politique de notre pays, arrêtons maintenant de nous lamenter, de nous indigner et de nous résigner. Agissons !

Moussa Bolly

Source : Le Matin
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