Nous enfilions des perles, tout en écoutant la radio. Comme d’habitude. C’était une émission de divertissement avec des appels des auditeurs ! Avec celles des tradithérapeutes, ce sont mes préférées pour «dé-stresser» car nous sommes un «cinéma waribobali vivant» (cinéma vivant gratuit). Drinnnngggg !
-«Alllôô» dit une voix fluette et douce, d’une auditrice.
-Bonjour, lui répondit l’animateur d’une voix enjouée mi rauque. «A qui ai-je l’honneur, de quel quartier» ? L’auditrice, déclina nom, prénom et quartier en ajoutant une pointe de sensualité à sa voix. Vous qui écoutez la radio, vous savez non, la tonalité de voix que certaines prennent en déclarant à la radio, à l’animateur «é ko kadi né yé saaaaaaaa» (vous me plaisez beaucoup).
Et hop, à ce moment ça coupe. L’animateur, pensant faire de l’humour, déclare que c’est sûrement «une panne de crédit». Dans l’atelier, nous enfilons, enfilons… A la radio, l’animateur fait son show. Les auditeurs sont nombreux à appeler. Soudain, «Alllôô» ! La même voix féminine. Elle n’a plus l’air de vouloir s’engager dans la séduction radiophonique. D’une voix outrée, vexée, elle déclare : «ce n’était pas un problème de crrrrédit ! J’ai beaucoup de crrrédit dans mon téléphone»… Et patati et patata.
En fait, elle avait été vexée, que l’on puisse penser qu’elle puisse être à court de crédit… Plus récemment cette, fois, un aîné, très diplômé, nous a raconté une anecdote. Il se tenait au bord de la route, attendant un transport. Parmi ceux qui semblaient attendre, se trouvait l’une de ses étudiantes qu’il a reconnue. Alors, quand la Sotrama (minibus de transport en commun) s’est arrêté. Il a tout naturellement, en bon gentleman, invité son étudiante à entrer avant lui. Elle le regarda bizarrement, avant de lui dire : «Je suis civilisée, je ne prends pas la Sotrama» ! Interloqué, il l’a dévisagée avant de prendre son minibus.
Ces deux anecdotes, pourraient à elles-seules permettre, pour l’esprit vivace et imaginatif, de réaliser certaines réalités amères de la vie en société malienne démocratique. Je ne vais pas m’attarder, sur la condition, de l’aîné, très diplômé… Ni sur la colonisation ou nos conditions de vie. En fait, ce qui m’interpelle vraiment, est la question suivante : De quoi devrions-nous avoir honte ? Ne pas avoir de sous, de crédit, les moyens d’avoir son propre véhicule ou de prendre un taxi, est-ce un motif de honte ? Qu’est-ce qui doit être motif de honte ?
C’est plus honteux que de voir la saleté ambiante et de s’y complaire ? C’est plus honteux que de se pavaner grâce à des fonds douteux ? C’est plus honteux que de voir nos enfants et nos vieillards errer dans les rues dans la recherche de pitance, soit en fouillant les poubelles, soit en mendiant ?
C’est plus honteux que de voir des jeunes passer leurs journées à boire du thé, à discuter de milliards qu’ils n’ont pas ou de vies privées qu’ils jalousent ? C’est plus honteux que de voir la prostitution, tous genres confondus, jusque dans les institutions. Oups, là c’est mon ancêtre qui a parlé hein ! C’est plus honteux que de voir les familles se déchirer et de voir leurs membres se déchirer intérieurement sans souvent oser se l’avouer. D’où de grands troubles psychologiques plus répandus certainement que le Covid-19.
D’où je le tiens ? Eh bien du bon sens. Vous savez, ce truc que plein d’organismes et d’entités tentent de remplacer par leurs directives, présentées comme universelles, démocratique, que sais-je !
Bref, il est temps de se ressaisir. Nos cerveaux ont été détraqués, ils continuent de l’être. Je ne me sors surtout pas du lot, mais ne dit-on pas que savoir de quel mal on souffre est déjà un grand pas vers la guérison ?
Je vous aime !
KKS
Source: Le Matin