La grève est une belle conquête de l’humanité en ce qu’elle protège le travailleur salarié de l’exploitation sauvage et contribue à améliorer ses conditions de travail et de vie. Mais abusivement utilisée, elle devient une arme de destruction de la société et de l’Etat comme le Mali en offre, hélas, la piteuse illustration.
Le recours systématique à la grève comme moyen exclusif de revendications du bien-être a ruiné l’école malienne, mis en charpie le système sanitaire du pays. Conséquences : des millions d’enfants n’ont pu s’instruire et se former, autant d’ingénieurs, de médecins, d’enseignants, d’ouvriers qualifiés perdus. Des centaines, peut-être des milliers de malades sont morts faute d’avoir été pris en charge ou de façon appropriée, autant d’intelligences et de savoir-faire compromis. Au bout du compte une hémorragie financière incalculable au profit de pays maghrébins ou occidentaux disposant d’un système éducatif et d’un plateau médical infiniment meilleurs aux nôtres.
L’entrée en scène, ces derniers temps, du secteur financier (banques, établissements de micro crédit, assurances, distribution des hydrocarbures) fait peser la menace d’un coup de grâce pour un Etat en proie à l’agonie depuis une décennie.
Alors que le secteur cotonnier, qui a alimenté le trésor public et fait la fierté du Mali dans les années 90, est livré aux incertitudes à cause d’une gestion erratique et peu scrupuleuse et que l’or n’a jamais brillé ni pour l’Etat (réduit à se contenter de clopinettes) ni pour les Maliens (résignés dans une pauvreté pandémique) ce sont les banques, les compagnies d’assurance, les sociétés d’importation et de distribution d’ hydrocarbures qui permettent à l’économie de fonctionner à peu près normalement et à l’Etat de faire face à ses obligations salariales, sécuritaires et autres. Si cet ultime pilier est emporté par la déferlante des grèves qui n’épargne même pas la haute administration de l’Etat (primature, ministères, commandement territorial) alors immanquablement, irréversiblement la maison Mali s’effondrera.
Le régime IBK, qui paiera le prix fort pour son impéritie, a vainement tenté d’organiser une conférence sociale qui devrait être sanctionnée par un pacte social liant l’Etat et les syndicats autour principalement de la définition d’une politique salariale juste, harmonisée et consensuelle. Laquelle mettrait au rebut la propension des syndicats à aller en grève, de façon souvent injustifiée, accélérant ainsi le processus de désagrégation de la puissance publique. On attendait de la transition érigée sur ses débris qu’elle reprenne rapidement ce dossier pour lui trouver une issue heureuse. Mais, on l’a bien vu, elle s’est vite fourvoyée dans ses contradictions internes et ses conflits d’intérêts qui ont conduit au désastreux 24 mai 2021. L’arrivée de Choguel Maïga à la primature n’a pas fait bouger les lignes, qui a jugé commode de renvoyer le délicat sujet aux Assises nationales de la refondation de l’Etat, prévues pour se tenir du 22 novembre au 26 décembre prochain.
En attendant donc ce pacte social dont la conclusion nécessitera beaucoup d’expertises et une bonne dose de patriotisme, hélas une valeur qui tend à se dissoudre sous nos cieux, les lois de la république doivent s’appliquer dans toute leur rigueur pour protéger le patrimoine national contre des actions prédatrices avérées, revêtues du manteau syndical.
Il y a va du salut de tous.
Saouti HAIDARA
Source : l’Indépendant