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LIGNE DE FORCE : Le Mali, un goulag au cœur du Sahel ?

Si la nouvelle de la tentative d’enlèvement de Housseini Amion Guindo est confirmée, elle serait autant désastreuse pour les autorités de la transition qu’inquiétante pour l’ensemble des Maliens. Elle  créditerait, en effet, l’idée que celles-là ne reculent pas devant les méthodes staliniennes ou sékoutouréennes si l’on préfère pour non seulement assurer leur survie mais aussi atteindre l’objectif qu’elles se sont fixé de faire durer la transition plus que convenu.

 

Figure reconnue de la scène politique malienne en tant que leader de la Convergence pour le développement du Mali (CODEM) et pour avoir été député, plusieurs fois ministre et plus d’une fois candidat à des élections présidentielles, Housseini Amion Guindo est actuellement le président du Cadre d’Echange des Partis et Regroupements politiques pour une Transition Réussie au Mali. Lequel coupe le sommeil aux autorités de la transition par son opposition déclarée à la tenue des Assises nationales de la refondation de l’Etat, à l’organe unique de gestion des élections et à la prorogation de la transition au-delà des 18 mois prescrits par la charte issue des Concertations nationales et validés par la communauté internationale. Le 8 novembre dernier, il réagissait aux sanctions annoncées la veille  par la CEDEAO contre les autorités et institutions de la transition ainsi que les membres de leurs familles en ces termes : » je crains, hélas, le pire si l’on continue sur ce chemin. J’exhorte à nouveau ceux qui sont à la tête de notre pays au respect des engagements qu’ils ont pris sous serment. Toute autre posture de leur part ne pourra être interprétée que comme une démarche préjudiciable à notre pays . » Est-ce pour avoir tenu ces propos que  » la tentative d’enlèvement  » a été opérée à son endroit ? Lui le croit volontiers qui évoque pour l’expliquer « une atteinte à sa liberté de s’exprimer, de dire son opinion« .

Cet épisode fâcheux survient après l’arrestation,la semaine précédente, de sept personnalités pour «  tentative de coup d’Etat et complot contre le gouvernement « . Parmi ces nouveaux mis en cause et pensionnaires de l’univers carcéral malien, l’ex-Directeur général de la Sécurité d’Etat, le colonel-major Kassoum Goïta et l’ex-Secrétaire général de la présidence de la transition, Pr Kalilou Doumbia, tous ayant servi sous Bah N’Daw. Ils avaient disparu depuis plusieurs mois pour le premier, plusieurs semaines pour le second,  pour réapparaître seulement le 5 novembre à la faveur de l’annonce de leur mise sous écrou pour les motifs mentionnés plus haut.

Avant ce groupe des  » sept  » où figure un marabout, il y avait eu l’interpellation de  » la bande  » à Boubou Cissé-si l’ex-premier ministre veut bien nous excuser pour l’utilisation de ce mot- pour « tentative de déstabilisation des institutions de la transition « – dans laquelle se trouvait déjà un marabout. Le dernier chef de gouvernement sous le président IBK n’a eu  » la vie sauve« , selon l’expression qui lui a été prêtée, qu’en fuyant son domicile pour se «  mettre en sécurité quelque part dans le pays « . En attendant d’être lavés de tout soupçon, lui et les autres co-interpellés, dont le chroniqueur activiste Ras Bath, par la justice.

Autre interpellation qui n’a pas fini d’agiter le landerneau politique malien, celle de Issa Kaou Djim, ex-porte-voix du  » vénéré imam Dicko » (un vocable qui lui était cher) ex- pourfendeur de IBK promu 4ème vice-président du Conseil national de transition (CNT). Jugé pour  » tentative de trouble à l’ordre public  » après diffusion sur les réseaux sociaux qu’il affectionne tant d’une vidéo très critique envers le premier ministre Choguel Maïga dont il réclame le départ, il sera fixé sur son sort, le 3 décembre prochain, après que sa détention à la prison centrale eut été suspendue à la requête de l’organe législatif avant sa révocation pure et simple dudit organe par un décret signé du colonel Assimi Goïta.

Rappelons, enfin, ce communiqué du gouvernement, diffusé en français sur l’ORTM, repris dans diverses langues nationales et abondamment relayé sur les réseaux sociaux, qui a jeté un certain froid dans le milieu des média. Ces derniers sont mis en garde contre « la diffusion d’informations non recoupées susceptibles de nuire à l’unité et à la cohésion nationale  » et invités   » à plus de responsabilité et de respect envers le Mali, ses autorités et ses lois« .

Il y a donc manifestement un péril qui pèse sur la liberté d’expression, une volonté nettement affichée de neutraliser tout ce qui peut entraver le maintien des autorités de la transition et  leur volonté clairement exprimée d’aller à une prorogation de la transition. Toutes choses qui donnent le sentiment détestable que le Mali, naguère cité parmi les démocraties émergentes en Afrique, est en train de se  muer en un goulag au sein du Sahel lui-même sous emprise islamo-terroriste.

Cette évolution, inimaginable au plus fort de la mobilisation populaire contre le régime IBK qui avait le défaut d’être « corrompu et incompétent  » mais pas liberticide, dessert  plus qu’elle ne sert le pouvoir transitoire. Elle ruine le peu de crédit dont il peut se prévaloir encore auprès des populations fortement désabusées et dévaste son image extérieure largement effritée par une gestion erratique et aventureuse qui a conduit à son isolement sur la scène internationale. Lequel vient d’être tristement illustré par l’absence remarquée du Mali au mini sommet sur le Sahel, organisé par le président français Emmanuel Macron, à la faveur de la conférence internationale sur la Libye, tenue vendredi dernier à Paris.

Un isolement susceptible d’être aggravé par des sanctions supplémentaires, comme annoncé au sommet de la CEDEAO  du 7 novembre dernier à Accra si, d’ici au 12 décembre à venir, date prévue pour le prochain du genre, Bamako n’a pas posé des actes convaincants dans le sens de la tenue de l’élection présidentielle couplée aux législatives, le 27 février 2022.

Ce qui paraît peu probable.

Saouti HAIDARA

Source: l’Indépendant

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