Les Tripolitains manifestent à nouveau vendredi pour maintenir la pression sur les milices et pousser ce qui reste d’entre elles à quitter la capitale, un mouvement populaire que le gouvernement tente de mettre à profit pour rétablir la sécurité dans le pays.
Le 15 novembre, quarante-six personnes avaient été tuées et plus de 500 blessées dans des violences qui avaient été déclenchées par des tirs d’une milice contre des manifestants pacifiques venus lui demander de quitter la capitale.
Ces violences avaient provoqué la colère des Tripolitains qui observent depuis dimanche une grève générale ponctuée par des manifestations quotidiennes contre les milices.
Le Conseil local de Tripoli (équivalent d’une mairie) et l’Union des étudiants de Tripoli ont appelé à une nouvelle « grande manifestation » pour réclamer le départ de toutes les milices de la capitale.
Les autorités ont annoncé qu’elles allaient assurer la sécurité de la manifestation et le Premier ministre Ali Zeidan a appelé les protestataires à ne pas se rendre sur des sites occupés par des milices pour éviter un nouveau bain de sang.
« Les autorités libyennes doivent protéger activement les manifestants contre les attaques des milices armées au cours des manifestations cette semaine sinon il y a un risque de nouvelles effusions de sang », a indiqué Amnesty International dans un communiqué.
Les milices de Misrata (à l’est de Tripoli), lourdement armées, avaient quitté lundi la capitale à l’appel de dirigeants locaux, après l’implication de l’une d’elles dans les heurts de vendredi dernier.
Craignant d’être pris pour cibles par les protestataires, les principaux groupes armés, dont trois puissantes factions de Zenten et deux milices islamistes de Tripoli qui faisaient office de police, ont annoncé jeudi leur départ de la capitale.
Ces annonces ont été faites au cours de cérémonies officielles en présence des autorités qui se sont félicitées de « ce pas important vers l’édification de l’Etat ».
‘Trop beau pour être vrai’
Les Libyens sont toutefois mitigés et certains dénoncent déjà une « mise en scène » pour absorber la colère des Tripolitains. « Trop beau pour être vrai », commente Asma sur son compte Twitter.
« Il faudrait attendre les prochains jours pour faire un bilan et vérifier si ces retraits sont vraiment effectifs », a souligné un diplomate occidental.
En effet, si plusieurs milices ont remis les sites qu’elles occupaient aux autorités, il n’était pas possible dans l’immédiat de vérifier où ces groupes s’étaient rendus avec leurs armes.
La plupart d’entre elles occupent des installations publiques, des casernes ou des fermes dans les banlieues de la capitale.
« Ils abandonnent leurs quartiers généraux, mais ils peuvent déménager sur d’autres sites », a estimé un ancien milicien sous couvert de l’anonymat.
Mais le Premier ministre Ali Zeidan a rassuré jeudi sur le sérieux de l’opération. « Ce n’est pas une mise en scène. Nous allons superviser le départ de toutes les milices sans exception », a-t-il dit.
En mars, le Congrès général national (CGN, Parlement), a adopté une décision ordonnant à toutes les « formations armées illégales » de quitter Tripoli. Cependant le gouvernement a été incapable de faire appliquer la décision face à des milices beaucoup mieux armées et plus organisées que les forces régulières.
Les autorités ont donc profité du mouvement populaire pour annoncer cette semaine un plan prévoyant, dans un premier temps, le départ des milices de la capitale, puis leur désarmement et l’intégration de leurs membres dans les services de sécurité.
Dans le même temps, elles ont déployé dans la capitale des unités de l’armée et de la police régulières, en cours de formation, à la satisfaction des Tripolitains.
Après la chute du régime de Mouammar Kadhafi en octobre 2011, et avec lui tout le système sécuritaire de l’Etat, les nouvelles autorités ont chargé les ex-rebelles d’assurer la sécurité du pays mais ont vite perdu le contrôle sur ces milices.
Plusieurs factions ont intégré les ministères de la Défense et de l’Intérieur, mais elles manquent de discipline et obéissent avant tout à leurs chefs et à leur ville ou tribu. La plupart d’entre elles sont accusées de violations de droits de l’Homme: torture, enlèvements et détentions arbitraires.