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Libye: l’avancée de l’EI vers l’est pour l’instant “mise en échec” (expert)

La tentative du groupe Etat islamique de s’emparer de terminaux pétroliers dans le nord de la Libye est jusqu’à présent un échec, face à des milices armées certes divisées mais aguerries et très efficaces si elles mettent de côté leurs divergences, constate Patrick Hamzaideh, ex-diplomate français et spécialiste de la Libye.

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Question – Comment analysez-vous l’avancée de l’EI jusqu’à Ben Jawad, et l’attaque sur les terminaux pétroliers d’al-Sedra et Ras Lanouf?

Réponse – Sur le timing, dans le contexte de la mise en place d’un gouvernement d’union nationale, ils veulent montrer qu’ils existent, peser sur cette question.

Au plan militaire, c’est un échec. Ils ont essayé symboliquement de s’attaquer à des sites pétroliers, ce qu’ils ont déjà fait par le passé. Cette fois ils ont attaqué sur deux axes, par l’ouest et le sud, avec de gros moyens: une dizaine de véhicules, une attaque-suicide, des tirs de roquettes Grad… Mais en face, il y a des milices décidées à combattre, bien entraînées, et qui font la guerre depuis cinq ans.

L’opération de l’EI visait également sans doute à montrer que les jihadistes ont encore des capacités offensives (…). Il s’agit de maintenir une dynamique de conquête, l’EI a besoin d’avancer, et manifestement ça n’a pas marché. Tenir Syrte est une chose, étendre son territoire en est une autre.

Quant à la prise de Ben Jawad (plus à l’ouest d’al Sedra), c’est une toute petite localité, sans grande importance, pour laquelle ils ont dû apparemment retirer des troupes de Hwara, ce qui signifierait qu’ils n’ont pas des troupes extensives.

Q – L’EI menace-t-il Benghazi, capitale de la Cyrénaïque et coeur de la révolution contre Kadhafi en 2011?

R – L’idée répandue selon laquelle ils peuvent prendre Benghazi et Ajdabyia (à une centaine de km au sud-ouest) est un peu rapide. Militairement il y a du lourd en face.

A Benghazi il y a certes beaucoup de tensions. Mais c’est aujourd’hui une ville extrêmement sectorisée, avec des quartiers divisés entre habitants originaires de l’Ouest et tribus de la Cyrénaïque, des lignes de front qui n’ont presque pas bougé depuis un an. Nous sommes un peu sur le schéma d’un Beyrouth des années 80.

A Ajdabyia, il y a des combats depuis la mi-décembre entre un groupe local apparenté à des jihadistes et d’autres groupes. Les lignes de fractures à Ajdabyia sont nombreuses et complexes, elles recoupent des conflits tribaux, avec des tribus minoritaires qui ont fait allégeance au Conseil consultatif des révolutionnaires (qui regroupe d’ex-révolutionnaires de 2011) face à des groupes plus proches de l’ancien régime de Kadhafi et qui soutiennent maintenant le gouvernement de Tobrouk…

A Ajdabyia comme à Benghazi, il ne faut pas négliger la propagande du camp adverse qui tend à exagérer la menace de l’EI et à y assimiler tout ce qui est anti-Tobrouk.

Par ailleurs, des informations font état de l’intervention de milices de Misrata (lundi) sur le front ouest de Syrte contre l’EI. Ce qui indiquerait qu’il y a peut-être une coopération, ou en tout cas une alliance objective contre l’EI. Et cela montrerait que quand les Libyens mettent de côté leurs différends pour intervenir, ils sont efficaces.

Q – Que pensez-vous d’une possible intervention internationale en Libye contre l’EI?

R – Une telle intervention prendrait vraisemblablement la forme de bombardements aériens avec peut-être des actions ponctuelles de forces spéciales. Je ne pense pas qu’il y aura une intervention massive terrestre. Mais intervenir militairement serait une erreur lourde de conséquences négatives. Au plan militaire, cela n’aurait que peu d’efficacité sur l’implantation des milices de l’EI à Syrte qui sont imbriquées avec les populations locales. De fait, la ville doit être réinvestie par les Libyens eux-mêmes.

Sans solution politique, une nouvelle intervention militaire occidentale condamnerait le pays à l’instabilité pour au moins une génération, avec un gouvernement qui apparaîtrait alors comme un pantin de l’Occident.

Une très grande majorité de Libyens sont aujourd’hui hostiles à une intervention. On ne pourra pas en même temps vouloir appuyer un processus politique national en nourrissant, par notre présence sur le sol libyen ou une nouvelle intervention militaire directe, la propagande des extrémistes de tous poils.

Propos recueillis par Hervé BAR

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