En captivité 7 mois durant, Soumaila Cissé a recouvré sa liberté le jeudi 2 octobre 2020. En effet, après quatre jours d’incertitudes, de spéculations, de rumeurs et de confusion, le chef de file de l’Opposition à IBK et trois otages occidentaux -notamment la française Sophie Pétronin et les italiens Nicola Chiacchio et le père Pier Luigi Maccalli – ont été libérés. En contrepartie, une rançon estimée entre 15 et 20 millions d’Euros aurait été payée à leur ravisseur. Et ce n’est pas tout. Les autorités maliennes ont en outre consenti à la libération de plus de 200 présumés djihadistes. Des concessions que d’aucuns qualifient de marchandage et qui suscitent autant d’interrogations que d’inquiétudes.
La problématique des dizaines de djihadistes relâchés était d’ailleurs au centre d’un entretien de nos confrères de TV5 Monde avec le chef de file de l’opposition. À la question de savoir s’il était étonné que d’aucuns soient inquiets de sa libération, Soumaila Cisse dit ne pas comprendre que des gens soient inquiets du fait qu’il est libre. Et pour argumenter le bien-fondé de sa libération, le président de l’URD de rappeler les nombreux djihadistes constamment dans des pays en guerre comme l’Afghanistan, le Yémen et l’Arabie saoudite.
Pourtant, en 2014, lors de la libération de Serge Lazarevic, un ressortissant français enlevé par al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), contre une rançon payée par les autorités maliennes en plus de la libération de présumés djihadistes dont Mohamed Ali Ag Wadoussène et Haïba Ag Achérif, l’opposition malienne ne tarissait pas de critiques acerbes contre le pouvoir en place. A la faveur d’une conférence de presse animée pour la circonstance, ses acteurs sont montés au créneau pour réclamer des comptes au président IBK. Il s’agit notamment de formations de l’opposition dont FARE, PARENA, PDES, PIDS, PRVM, PS, PSP, URD, etc., qui, dans un communiqué conjoint, ont exigé du Président de la République qu’il «s’explique sur les tenants d’une opération assimilée à une «promotion de l’impunité» et «qui ne crédibilise pas la lutte contre le terrorisme», à leurs yeux.
Alors que le nombre de djihadistes libérés par Bah N’daw est plusieurs dizaines de fois supérieur à celui de l’époque, aucun des partis de l’opposition n’a levé le petit doigt pour s’insurger contre la démarche ou lui relever d’éventuelles inconséquences.
Au contraire, l’illustre otage a joui d’un accueil triomphal à l’Aéroport tel un héros, alors qu’il est de notoriété publique que la libération de Soumaila Cissé et les autres otages n’est pas sans conséquences pour le Mali, la France et tous les pays engagés contre le terroriste au Sahel. Si les autorités maliennes et françaises se réjouissent d’avoir libéré le plus précieux otage parmi de tant d’autres concitoyens en captivité, les conditions de ces libérations peuvent être une bombe à retardement. En plus d’infester l’espace sahélien de dizaines de combattants redoutables, les groupes terroristes confortent leurs moyens financiers pour avoir été arrosés de milliards de nos francs susceptibles d’être utilisés non seulement pour l’acquisition des logistiques, mais également pour procéder à de nouveaux recrutements.
Quid de la libération des autres otages maliens…
Apparemment en quête de légitimé populaire, les nouvelles autorités peuvent se réjouir d’avoir obtenu la libération de Soumaila Cissé. Et pour cause, depuis son enlèvement le 25 mars, presque toute la république a manifesté sa solidarité envers l’illustre otage et exprimé son désir de le revoir sain et sauf, au moyen de manifestations publiques, de communiqués de presse, entre autres. Cependant, contrairement à ce qu’on peut être tenté de croire, le Mali a fait une mauvaise affaire dans cette libération. En effet, pour libérer plus de 200 djihadistes sans compter la rançon, les nouvelles autorités auraient pu obtenir la libération d’au moins une centaine de maliens (militaires, administrateurs civiles et enseignants ets…) détenus depuis des années par les groupes terroristes.
Amidou KEITA