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Levée des boucliers contre l’avant-projet de la nouvelle constitution : S’achemine-t-on vers un renoncement au controversé projet ?

Depuis la remise officielle de l’avant-projet de la nouvelle constitution au Président de la Transition par l’équipe de rédaction dirigée par le très respecté Fousseyni Samaké, le document n’arrête plus de défrayer la chronique. Sa multiple lecture, qu’elle soit à l’horizontale, à la verticale ou à la diagonale, donne lieu à beaucoup d’interprétations, de supputations et de contestations à n’en pas finir, au point que certains proposent sa mise à la poubelle. Les maliens de la diaspora, à travers le CSDM, ont été les premiers à élever la voix pour dénoncer la discrimination dont ils font l’objet dans la future loi fondamentale, après ce fut le tour des magistrats, à travers le SAM et le SYLIMA, de se rebeller contre des dispositions attentatoires à leur indépendance et aux principes sacrosaints de la démocratie. Comme pour ne rien arranger les organisations socio-politiques comme le Haut Conseil Islamique et certains partis politiques comme la CNAS Faso Hèrè, haussent le ton pour dénoncer la méthode cavalière des autorités, l’incongruité de certaines dispositions, le manque de légitimé et l’opportunité du projet. Cette levée des boucliers de ces importantes entités socio-professionnelles, voire politico-religieuse n’est-elle pas le signe annonciateur d’un vaste mouvement de contestation, à l’image de AN TE ABANA ? Au regard de cette vague de contestations la sagesse ne recommande-t-elle pas au Président de la transition de renoncer à ce projet ?

 

Avant d’entrer dans le vif du sujet, à savoir le fond, beaucoup de juristes pensent que c’est le projet même qui souffre d’un déficit de légitimité, car l’initiateur n’est ni plus ni moins qu’un putschiste. A ce titre il n’est pas habilité à réviser à fortiori à rédiger une nouvelle constitution. Pour Mohamed Cherif Koné, Président de l’association malienne des procureurs et poursuivants, AMPP et de la Référence Syndicale des magistrats, REFSYMA, l’avant-projet de la nouvelle Constitution porte en lui les germes de la division et renferme de surcroit des articles qui sont aux antipodes des principes démocratiques. Pour le Magistrat le document est tout simplement indigeste et que sa place est à la poubelle. A la question de savoir pourquoi cette transition n’est-elle  pas habilitée à rédiger une nouvelle constitution alors que celle de 1992 sous ATT l’a été sous une transition? La réponse du Président de la REFSYMA a été on ne peut plus claire, la constitution de 1992 était le fruit d’une large concertation de toutes les forces vives de la nation, donc inclusive,  bref elle était  la volonté du peuple. Tandis que l’avant-projet de celle qui fait l’objet de beaucoup de débats, n’est ni inclusif encore moins le fruit d’une volonté populaire. L’initiative a été prise par le Président de la Transition sans le consentement d’une frange importante du peuple et surtout des forces vives de la nation.

S’agissant du fond de nombreux griefs sont reprochés au document de Fousseyni Samaké et son équipe. Le Conseil Supérieur de la Diaspora Malienne, CSDM a été le premier à donner le ton. Pour son président, Mohamed Cherif Haïdara,  l’article 46 de l’avant-projet de la nouvelle constitution est une calamité, il stipule que : « Tout candidat aux fonctions de Président de la République doit être de nationalité́ malienne d’origine et ne posséder aucune autre nationalité́ à la date de dépôt de la candidature. Il doit jouir de tous ses droits civils et politiques, être de bonne moralité́ et de grande probité́. Il doit être âgé de 35 ans au moins et de 75 ans au plus à la date de dépôt de la candidature et être apte à exercer la fonction ». Pour le Président du CSDM c’est discriminatoire de dire  aux  Maliens établis à l’extérieur de renoncer à leur nationalité du pays d’accueil s’ils veulent être candidats à l’élection présidentielle. Rien qu’en tenant compte de l’apport inestimable des maliens de la diaspora dans l’économie et surtout  son nombre qui est estimé à plus de 8 millions, on est en droit de répugner cet article.

Quant aux  deux syndicats, à savoir SAM et SYLIMA, ils  estiment que l’idée de doter le Mali d’une nouvelle Constitution n’est nullement à remettre en cause et se justifie humblement  par les limites que la loi fondamentale du 25 février 1992 a montrées. Par contre ils rejettent « toute velléité d’affaiblir l’institution judiciaire » et s’érigeront  en sentinelle contre  toute liquidation des acquis démocratiques dans notre pays. Pour les deux syndicats  « les réformes proposées annoncent un grave recul de l’Etat de droit, au Mali, en ce qu’elles fragiliseraient délibérément et inopportunément le Pouvoir judiciaire par l’aggravation de son inféodation »,  Les deux grands syndicats des magistrats s’interrogent  « Est-il besoin de rappeler que l’effritement de la gouvernance, sous la troisième République, est essentiellement tributaire de la prédominance de l’Exécutif sur les autres Pouvoirs et surtout par la caporalisation de la Justice par le Gouvernement ? » Surpris  des mesures annoncées, surtout  « à un moment où il s’agit curieusement de corriger les erreurs du passé », le SAM et le SYLIMA «  disent ne pas  se reconnaitre  dans cette entreprise annoncée de liquidation des acquis démocratiques dans notre pays »

Si le Haut Conseil Islamique, HCI, n’a pas formellement statué sur l’avant-projet de la nouvelle constitution, certains de ses membres ne cachent plus leur colère et leur opposition à ce projet qui sera un recul pour l’islam. Quant aux partis politiques, ils sont nombreux à tirer la sonnette d’alarme et sont prêts à battre le pavé comme sous IBK pour dire non à ce projet qui semble être un recul pour la démocratie.

En somme, à la question de savoir si cette levée des boucliers n’est pas le signe annonciateur d’un vaste mouvement de contestation à l’image de AN TE ABANA, la réponse est pour bientôt, mais d’ores et déjà beaucoup de griefs sont reprochés à ce projet et tous les ingrédients sont réunis pour un vaste mouvement de contestation.

Youssouf Sissoko    

Source : L’Alternance

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