Monsieur le Président, avec la chorale de la fondation que j’ai créée en 2009, nous avons eu le plaisir de répéter scrupuleusement ces dernières semaines afin de préparer notre prestation pour vous lors du dîner des chefs d’états que vous offrez ce soir vous et la première dame au palais présidentiel de Koulouba.
Je viens d’être informée, quelques heures avant l’événement, que moi-même, ainsi que des artistes venus d’autres pays africains pour la circonstance ne ferons finalement pas partie de la production musicale lors de ce dîner.
Ce qui m’a fait le plus grand plaisir à travers cette opportunité liée au sommet France-Afrique était le fait de pouvoir pour la première fois, Monsieur le président, vous faire entendre vous et la première dame le travail musical et artistique que j’entreprends depuis quelques années avec des artistes maliens dans le cadre de ma fondation totalement portée par moi et quelques amis qui aiment la culture malienne.
Ma déception est grande, d’autant qu’aucune explication ne m’a été donnée à cette annulation tardive.
Je tiens néanmoins à ce que vous puissiez voir et entendre le travail de la Fondation Passerelle. La culture est un des piliers importants du Mali que nous bâtissons.
Hélas, d’une manière extrêmement désagréable j’ai appris que vous ne vouliez pas de ma prestation à votre dîner présidentiel, cependant je persiste à croire qu’il est d’une grande importance que vous soyez au courant de ce que j’ai pu faire avec de jeunes artiste depuis 2009, il est important que nous puissions vous informer de tout ce que nous ne pourrons jamais faire sans votre soutien à vous, mais également celui de la Première Dame.
Aussi, permettez-moi, Monsieur le Président, de vous inviter ainsi que la première dame à assister au concert que nous donnerons dans l’espace Culturel Passerelle, lieu de la Fondation Passerelle à Missabougou, la dernière semaine du mois d’avril 2017, dans le cadre de la SEMAINE DU JAZZ, un des projet de la Fondation Passerelle.
Je vous souhaite une agréable soirée et vous adresse mes salutations respectueuses
Rokia Traoré
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Ma démarche n’est pas une quête de considération pour moi personnellement, mais pour le Mali, en faisant en sorte qu’une organisation d’un niveau présidentiel se comporte à la hauteur de la confiance que le chef de l’état à probablement placée en cette organisation. Je suis malienne et fière de l’être, alors il est important pour moi de pouvoir constater et soutenir qu’une telle organisation se comporte de manière respectueuse et respectable avec des personnes honnêtes et travailleuses dont je fais partie.
Je n’ai rien demandé, mais j’étais heureuse d’avoir été contactée pour me proposer de faire partie des artistes qui se produiront lors d’un événement organisé par le chef de l’état et son épouse. Bonkana Maïga avait été chargé par la commission de proposer une production musicale, il m’a fait appel à moi ainsi que d’autres artistes dont des étrangers qui étaient arrivés à Bamako et nous avions fait une répétition au palais présidentiel dans les conditions de déroulement de la soirée le 10 janvier 2017 où étaient présents tous ces artistes. Bonkana nous avait soumis une liste de règles strictes à respecter afin d’assurer une soirée faite de diversité et montrant la richesse culturelle du Mali et de l’Afrique. Bonkana avait travaillé et nous avait fait travailler sur la qualité du son, de la lumière. Pendant trois mois il a travaillé sur un projet avec précision dans le moindre détail, son projet dont je faisais partie avait été approuvé par la commission et l’entourage de Monsieur le Président Keïta, IBK.
D’autres artistes maliens avaient été programmés dans d’autres événements du sommet.
Il n’aurait pas dû y avoir de changement au dernier moment afin déjà d’assurer la qualité de l’événement. Quand il y a un changement au dernier moment pour me remplacer et remplacer l’ensemble du projet approuvé de Bonkana Maïga par d’autres artistes maliens, il est de mon droit de demander des explications qui ne m’ont pas été données.
En outre IBK a été démocratiquement élu, il est clairement le choix des maliens. Tant qu’il sera président de la république il est important qu’il soit au courant que la culture malienne est aussi contemporaine et vivante à travers des artistes qui n’ont pas forcément de place dans le milieu traditionnel. Je ne ferai jamais ses louanges comme une djéli mousso, si je le faisais il serait le premier choqué sachant ce que veut dire Tiramakan.
Cependant ma contribution en tant qu’artiste malienne et créatrice de projects culturels est réelle et utile pour la culture malienne.
Il est important pour moi, bien que pas indispensable, que l’état malien me témoigne du respect, de la considération et son soutien autant qu’il en accorde à ceux qui savent faire des louanges. Mon travail consiste à renforcer le rôle éducationnel des arts et de la culture. Se servir de la culture pour informer, former, accompagner une jeunesse en quête de réponses et de solutions. Je ne ferais jamais de louanges, mais je fais partie d’artistes et hommes et femmes de culture dont l’apport est d’une grande utilité pour la construction d’un Mali qui se reconnait dans le présent, peut se projeter dans le future avec des perspectives solides et une fierté.
Nous avons les ingrédients qu’il faut, la question reste: aurions-nous le savoir-faire? Pourrions-nous enfin, au Mali, simplement donner les moyens de travailler à ceux qui ne demande que cela?
Tant que je n’aurai pas d’explications, cette annulation de la sorte témoigne d’un mépris pour la part de culture malienne qui n’est pas liée au rapport griot-noble ancestral. Les temps changent, nous artistes maliens sommes nombreux aujourd’hui et différents et contribuons tous à notre façon à la vivacité de la culture malienne.
Nous sommes tous attachés à nos valeurs profondes au Mali, Je suis descendante de Tiramakan de père et de mère et je sais ce que cela signifie, je suis zamblassi et je sais ce que cela veut dire, mais je suis artiste contemporaine, avec ces valeurs qui ont été la base de mon éducation je suis artiste contemporaine malienne et je crois en la contribution que mon travail et celui d’autres artistes apportent au Mali.
une inscription de “la culture et l’art contemporains maliens”dans le langage et le comportement gouvernemental malien nous ferait du bien et nous aiderait à mieux travailler.
Nous, artistes contemporains maliens en arts visuels et arts de la scène, nous qui ne pouvons faire de louanges et évoquer le retour des chevaux de guerre de braves hommes d’antan, sans aucune considération ni soutien gouvernemental nous avançons quand même, mais nous serions plus forts et efficaces si nous avions au moins autant de considération et de respect que ceux dont les louanges flattent.
La rédaction