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LETTRE AU PRÉSIDENT DE LA TRANSITION

Monsieur le Président,

Je reviens de nouveau vous faire état de mes préoccupations qui sont aussi celles de notre peuple. Précédemment, je vous avais demandé de me donner le secret de diriger un pays qui n’est respecté d’aucun de ses enfants, qui n’est aimé de personne à part quelques âmes minoritaires que la large majorité se plaît à considérer comme “marginales”. Je puis vous dire que, comme vous, je suis de ces minoritaires et de ces marginaux… et j’en suis fier !

Il me semble, sauf erreur monumentale, qu’aucun règne, aucun pouvoir, ne peut s’affirmer dans la chienlit. Donnez-nous un mode d’organisation efficient : imposez l’ordre. Vous ne pouvez obliger personne à aimer notre pays, mais vous pouvez et devez imposer le respect du Mali aux Maliens et au reste du monde. Vous conviendrez avec moi que, depuis votre arrivée aux affaires, vous vous battez pour affirmer notre souveraineté vis-à-vis de l’extérieur. Certains responsables, qui vous côtoient régulièrement, font tout un tapage autour de cette question de souveraineté nationale. Ils crient que le Mali mérite le respect et la considération des autres pays. Que certains principes sont non-négociables, et certaines valeurs incessibles. Or, de nos jours, le Mali que vous dirigez avec autant de volonté et d’abnégation, se fait quotidiennement violer par ses propres enfants. M’en diriez-vous le contraire ? Les valeurs et les principes que vous clamez haut et fort face à la communauté internationale, sont bafoués tous les jours, à l’intérieur, par vos propres compatriotes. Dites donc à vos collaborateurs de choisir le silence et de laisser les autres tranquilles s’ils ne sont pas capables d’imposer l’ordre et le respect des règles dans leur pays. Il me semble, sauf erreur impardonnable, que lorsque des collaborateurs du Chef se montrent incapables d’installer l’ordre et la discipline, ils n’ont plus aucune légitimité à se plaindre de l’inconduite des voisins. Que vos collaborateurs pensent à imposer le respect de la nation aux Maliens avant de s’en prendre tout le temps aux autres sous prétexte qu’ils manquent de respect à notre pays.

Monsieur le Président,

Je ne suis pas un citoyen modèle, loin s’en faut, mais je dois vous alerter sur les dysfonctionnements de notre société. L’inconduite, l’indiscipline, le désamour sont autant de maux qui corrodent et sapent les fondations de notre pays. N’allez pas chercher les responsables de ces faits ailleurs, vous les avez autour de vous, tous les jours. Ce sont eux qui se servent en premier avant de penser à la feuille de route que vous vous êtes concoctée dès votre prise de pouvoir. Que croyez-vous ? Que tout le monde se met au service du Mali, se fait esclave du peuple, comme vous ? Que tous ceux qui vous clament leur loyauté sont sincères et de bonne foi ? Vous seriez dans une approche erronée, Monsieur le Président, si vous croyiez cela.

Je ne cible personne en particulier ni ne vous demande nullement de faire une révolution dans votre entourage. Je vous rappelle seulement que l’une de vos obligations de Chef est la prudence. Je ne vous invite pas non plus au soupçon permanent sur vos collaborateurs. Apprenez à bien tourner l’œil sans montrer à personne que vous l’épiez.

Vous ne serez jamais accusé de zèle tant que vous agirez pour le bien du peuple et que vous vous départirez de tout lobby et de toute caste. Parce que, Monsieur le Président, vos prédécesseurs se sont laissé happer par ces lobbies et ces castes qui étaient déjà à l’œuvre bien avant votre arrivée. Vos pauvres aînés et devanciers, une fois au pouvoir, n’ont rien vu venir. Ce fut leur perte, laquelle a provoqué la chute du Mali. Les contingences sociopolitiques et l’inattention de vos prédécesseurs vous ont mis, aujourd’hui, les clés de la nation entre les mains. Je prie Dieu, puisque vous semblez de bonne foi, pour que vous puissiez appliquer vos bonnes intentions et vos bons préceptes, pour que vous ne tombiez jamais dans l’étau de cette bande de prédateurs « hautement républicains » qualifiés pour vous dérouler le tapis à chaque pas, mais qui vous mène, fatalement, vers le précipice. Méfiez-vous-en, ils en savent beaucoup plus que vous et moi réunis sur les ficelles de la roublardise. Ils excellent dans le mal et brillent par la vraisemblance et l’art des contre-vérités. Ils vous mèneront en bateau s’ils le peuvent, vous manipuleront s’ils en ont l’occasion, et vous n’y verrez (à Dieu ne plaise !) que du feu ! Vous pourriez vous précipiter sur ce qu’ils vous serviront comme étant du miel ; n’en goûtez point : ce ne sera que du fiel !

Monsieur le Président,

Le peuple tout entier attend beaucoup de vous. Restez à son service exclusif. Vous êtes dépositaire de tant d’espérances ! Tournez le dos aux sirènes de l’enchantement. Elles sont déjà à l’œuvre pour vous attirer vers le reniement de votre engagement initial. N’écoutez que votre foi. Réapprenez-nous à aimer ce pays cher, redonnez-nous la possibilité de nous convertir en citoyens pétris de patriotisme. Vendez-nous et au reste du monde, le seul Mali qui vaille, le Mali que le sang de nos ancêtres a nourri à travers les siècles. Proposez-nous une école digne de nous et un état d’esprit uniquement tourné vers l’émergence d’un Malien nouveau, qui soit lui-même digne du Mali kura tant désiré. Restez fidèle au peuple. Il vous a soumis une feuille de route, vous a donné un calendrier qu’il vous suffit de respecter. Restez digne de la confiance qu’il a placée en vous. Gardez vos forces pour l’application de la Charte de la Transition ; elle doit rester votre bréviaire.

Mettez le Mali au-dessus de tout, de vous-même, de votre famille, des croyances. N’écoutez personne qui vous détourne de ce principe. Ayez foi en votre peuple, il vous le rendra par une reconnaissance éternelle. Emancipez-vous de ces « puissants » du jour qui font et défont les Présidents au gré de leurs seuls intérêts. C’est pourquoi, je rappelle, en guise de conclusion, un précepte de notre maître, Machiavel, dont la sagesse n’a d’égale que sa pensée politique hautement humaniste : « Le prince élevé par les grands a plus de peine à se maintenir que celui qui a dû son élévation au peuple. Le premier, effectivement, se trouve entouré d’hommes qui se croient ses égaux, et qu’en conséquence il ne peut ni commander ni manier à son gré ; le second, au contraire, se trouve seul à son rang, et il n’a personne autour de lui, ou presque personne, qui ne soit disposé à lui obéir. De plus, il n’est guère possible de satisfaire les grands sans quelque injustice, sans quelque injure pour les autres ; mais il n’en est pas de même du peuple, dont le but est plus équitable que celui des grands. Ceux-ci veulent opprimer, et le peuple veut seulement n’être point opprimé. »

Tiécoro Sangaré

Source: Les Échos 

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