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L’espoir des femmes victimes d’attaques à l’acide en Inde

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Le National Burns Center, à la sortie de Bombay, est l’un des rares hôpitaux spécialisé dans le traitement des grands brûlés en Inde. Et il est surtout l’unique en Asie du Sud à détenir et alimenter une banque de peau, ce qui est essentiel pour réaliser des greffes. Les femmes victimes d’attaques à l’acide viennent donc de loin pour recevoir ces soins de la dernière chance.

De notre correspondant à Bombay

Son visage ovale, cerclé d’un léger voile vert pâle, est gracieux. Sa peau, d’un brun très léger, n’est encore imprimée d’aucune ride apparente. Ne sont visibles que les plissures causées par une inquiétude récente qui grandit et ne semble pas vouloir lâcher cette belle femme aux yeux plein de vie. Davinder Kaur contemple la mort. Celle de sa propre chair. Celle de sa fille de 24 ans, Harpreet, qui se bat pour survivre dans une salle d’opérations de l’hôpital du National Burns Center, en banlieue de Bombay. « Elle était tellement belle, commente-t-elle, assise dans une salle d’attente, en sortant une photo d’Harpreet en habits traditionnels. Beaucoup d’hommes la convoitaient. Sa peau était claire et pleine d’éclat ».

L’acide brûle toujours au 3e degré

A présent, entre deux interventions, le visage meurtri d’Harpreet est totalement recouvert d’un pansement, d’où sort uniquement un tube d’oxygène, et ses paupières ont été cousues l’une à l’autre afin d’éviter toute infection des yeux. Cette peau autrefois si désirée a été brûlée au troisième degré, au niveau du visage, du cou et même du dos, lors d’une attaque à l’acide menée par quatre hommes, le 7 décembre dernier. C’était le jour de son mariage. Ses assaillants, qui ont été arrêtés et ont avoué leur crime, ont été engagés par la future belle-sœur d’Harpreet qui, jalouse, refusait qu’elle entre dans la famille.

« L’acide lui a non seulement brûlé la peau, mais aussi la graisse et une partie des muscles en dessous », détaille, inquiet, le chirurgien Sunil Keswani, en sortant de cinq heures d’une opération menée sur Harpreet. « J’ai réalisé des greffes sur son visage, afin de la protéger contre toute nouvelle infection, en utilisant sa propre peau et de la peau de notre banque. A présent, il y a une chance sur deux qu’elle survive… », conclut-il gravement.

Le don de peau pour sauver des vies

Cette greffe de peau étrangère, appelée alloplastie, est la raison principale pour laquelle la famille Kaur a fait le voyage depuis le Pendjab, à 1 600 km de Bombay, pour soigner Harpreet. Le National Burns Center, fondé par le Dr Keswani et son père en 2009, est en effet le seul hôpital en Asie du Sud à détenir et alimenter une banque de peau, ce qui a été rendu possible grâce au partage de la délicate procédure de collecte par la Banque de peau européenne située en Hollande.

La peau peut en effet, comme beaucoup d’autres parties du corps, être récoltée sur des donneurs qui viennent de décéder. Une équipe médicale est alors dépêchée en urgence et elle est en mesure d’intervenir dans toutes les situations, grâce à un kit spécial, afin de prélever l’épiderme et une partie du derme des principaux membres du défunt ; une opération qui blanchit légèrement son apparence mais ne le défigure pas.

La peau, à la différence des autres organes, peut en plus être conservée dans une chambre froide pendant une période de trois à cinq ans et surtout, il est possible de greffer celle de n’importe quel donneur sur un patient, car il n’y a pas besoin de correspondance entre les deux sujets. Ce tissu extérieur protègera la chair de la victime avant de tomber au bout de quatre semaines, une fois celle originale reconstituée. Cependant, le don de peau est tellement méconnu en Inde que l’hôpital n’en reçoit qu’une vingtaine par mois, soit sept fois moins que ce qui serait nécessaire pour traiter tous les patients.

Des patients qui arrivent d’Afrique pour en bénéficier

La greffe se révèle obligatoire dans les cas de brûlures graves et peut être réalisée à partir de la propre peau du patient, prise sur ses cuisses par exemple, mais cela engendre de nouveaux traumatismes. Et dans les cas les plus critiques et face à des brûlures aussi étendues que lors d’attaques à l’acide, une telle procédure est soit insuffisante, soit périlleuse.

Ce trésor organique précieusement gardé dans cet hôpital est donc rare et vital. Et les patients, en majorité des victimes d’accidents industriels ou ménagers, viennent des quatre coins de la région, depuis le Bangladesh jusqu’au Nigeria en passant par les pays du Golfe, pour en bénéficier.

Ce centre représente surtout le havre de la dernière chance pour les victimes d’attaques à l’acide, dans un pays aux hôpitaux souvent inadaptés. D’autant plus que le Dr Keswani, très sensible à cette cause, opère gratuitement celles qui ne peuvent payer et a mis en place une cellule psychologique spéciale : « Ces femmes sont défigurées et veulent juste retrouver une apparence normale, explique-t-il d’une voix posée pleine de compassion. Or cela prend du temps, requiert de nouvelles opérations et donc de nouvelles douleurs. Du coup, elles sombrent dans la dépression et certaines se suicident. Notre vrai défi est donc de leur redonner l’espoir de vivre ».

Le crime d’attaque à l’acide enfin reconnu par la loi

C’est un crime abject et ravageur, généralement perpétré par des amoureux éconduits qui cherchent à se venger de ce rejet en détruisant ce que la femme porte de plus précieux : sa beauté. Mais jusqu’en avril dernier, l’attaque à l’acide n’était pas mentionnée dans le Code pénal indien. C’est uniquement suite aux manifestations contre les violences faites aux femmes, provoquées par le viol collectif du 16 décembre 2012, que les parlementaires ont inscrit ce crime, qui est maintenant puni d’une peine allant de dix ans de prison à la perpétuité. En cas de décès de la victime, le meurtre est réprimandé par la peine de mort en Inde.

Mais cela ne semble pas avoir particulièrement freiné les criminels : environ trois attaques à l’acide sont toujours perpétrées chaque semaine en Inde, selon les associations impliquées dans l’aide aux victimes. La Cour suprême a publié une directive en juillet qui obligera les vendeurs d’acide à déclarer leur stock et enregistrer l’identité des acheteurs d’ici au 31 mars 2014. Mais son application sur le terrain est encore floue et leur efficacité sur le long terme s’avère douteuse, selon ces mêmes associations.

RFI

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