République Centrafricaine – Mis en cause dans plusieurs incidents, le contingent tchadien de la force africaine en Centrafrique (Misca) va être redéployé et quittera prochainement Bangui, capitale toujours au bord de l’embrasement où des incidents à répétition éclatent dans de nombreux quartiers.
“Tout le contingent tchadien va être envoyé pour sécuriser le nord dans les prochains jours”, a annoncé mercredi à l’AFP un porte-parole de la Misca, le lieutenant-colonel Ndong Toutoune.
Ce porte-parole n’a donné aucune précision sur les modalités ou la localisation exacte de ce redéploiement.
Cette annonce intervient alors que l’attitude du contingent tchadien (850 hommes sur les 4.000 au total de la Misca) suscite des interrogations grandissantes depuis plusieurs jours, avec notamment des tirs fratricides au sein même de la force africaine entre militaires tchadiens et burundais.
Mardi, le chef du contingent burundais a révélé que ses hommes avaient été la veille la cible d’une attaque de soldats tchadiens, avec tirs d’armes automatiques et jet de grenade. Les Tchadiens, dont trois ont été blessés, ont été repoussés “sans aucun problème” par les militaires burundais qui ont indiqué n’avoir “aucune responsabilité dans ces incidents”, a-t-il affirmé.
Le matin même, une patrouille tchadienne avait brièvement ouvert le feu –sous l’oeil des journalistes– sur des manifestants anti-Séléka devant l’aéroport, faisant un mort.
Ces incidents à répétition suscitent un ressentiment croissant chez de nombreux Banguissois, qui voient les soldats de N’Djamena comme des “complices” des ex-rebelles Séléka, coalition de groupes armés à dominante musulmane venus du nord du pays qui a pris le pouvoir en mars 2013.
Un millier de personnes ont été tuées depuis le 5 décembre à Bangui et en province, dans les attaques des milices chrétiennes d’autodéfense “anti-balaka” (anti-machette, en langue sango) et dans les représailles de la Séléka contre la population.
Le contingent tchadien, aguerri et bien équipé, est l’un des principaux partenaires des 1.600 soldats français déployés depuis début décembre dans le pays pour tenter d’éteindre ces violences.
Traditionnellement très influent en Centrafrique, le Tchad du président Idriss Déby Itno, incontournable allié de la France dans la région, est omniprésent dans Bangui. Il y joue le rôle de protecteur de la minorité musulmane, mais également du pouvoir du président (et ex-chef rebelle) Michel Djotodia, et des ex-Séléka coupables d’innombrables exactions et honnis de la population -très majoritairement chrétienne- de la ville.
De l’avis de nombreux observateurs à Bangui, le contingent tchadien était sur le point de devenir un facteur d’instabilité. Son redéploiement vers les confins du nord, régions frontalières du Tchad et du Soudan, devrait se faire sans aucune difficulté avec les populations locales, majoritairement musulmanes et parmi lesquelles vivent de nombreux Tchadiens. Il marque sans doute un recul de l’influence de N’Djamena sur les évènements en cours dans la capitale centrafricaine, où la situation reste toujours explosive.
Après un court répit, les violences ont repris en fin de semaine dernière à Bangui. Chaque jour, des échanges de tirs et incidents d’origine indéterminée éclatent à intervalles réguliers dans certains quartiers chauds, alimentant la confusion et le sentiment d’insécurité généralisée.
Mercredi matin, après une nuit de Noël ponctuée de rafales isolées, des tirs d’armes automatiques et des détonations ont été entendus en début de matinée au PK12, dans les quartiers de Gobongo, Galabadja, à la sortie nord de la ville, selon des habitants.
Peu après l’incident, des éléments burundais de la force africaine patrouillaient dans le secteur, où l’on pouvait croiser sur les grands axes des miliciens anti-balaka avec des machettes à la main. Un cadavre gisait sur une avenue du quartier.
En milieu de matinée, des tirs nourris ont éclaté dans le secteur de l’aéroport, à proximité du centre de déplacés Don Bosco, selon un témoin. Là encore, les belligérants n’étaient pas clairement identifiés. Les tirs ont ensuite cessé, et la situation est revenue à peu près à la normale.
Le dispositif français a été renforcé devant l’entrée de l’aéroport, où se pressaient des dizaines de ressortissants tchadiens et camerounais en attente de vols commerciaux pour quitter la ville.