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Les partis de l’opposition ne sont plus de simples joueurs de quilles

Lors de la rencontre du jeudi 20 novembre 2014 du président de la République et des partis politiques de l’opposition, des points saillants ont été soulevés : lenteur dans le contrôle de  la fièvre Ébola dans les frontières guinéennes ;  manigances financières autour de l’avion présidentiel ; rupture avec le FMI ; ouverture en catimini d’un compte bancaire en Côte d’Ivoire ;  les massacres de Kidal et la perte de cette ville… L’opposition présenta une  peinture quelque peu sombre de la gouvernance du pays.

moussa sangare professeur philo Psychopédagogie

Le plébiscite d’Ibrahim procède de deux besoins fondamentaux. D’une part les changements socioéconomiques à opérer, mais également l’amélioration des conditions de vie de l’ensemble des couches sociales. D’autre part, la recherche du retour de la paix dans le septentrion malien. Tels des nègres, nous voyons tout en noir par empressement. Les changements déjà entrepris par le gouvernement nous portent à dire :  » aurait pu mieux faire « .

Trop d’incongruités entravent l’exécution du programme d’actions décrites dans la déclaration de la politique générale du gouvernement, qui suscita cependant beaucoup d’enthousiasme. La mise en œuvre des actions préconisées est loin d’être à hauteur de souhait. L’agriculture ne nourrit pas toujours son homme, a fortiori le pays. Le manque d’eau est un véritable fléau en zone aride. L’insuffisance de la couverture en soins de santé primaires est une donnée réelle.  L’École n’en finit pas avec les débrayages de cours, les grèves d’enseignants… Les bas salaires, la flambée des prix, la cherté de la vie demeurent  le lot  des ménages.

 

» Dire ce que l’on pense est un plaisir coûteux « . Que faire  » si la parole est un danger, et le silence une honte ?  » Acteur du Mouvement démocratique, et l’un des pères fondateurs de l’ADEMA (association et parti), j’ai toujours payé le prix de mes opinions. Nous avons soutenu le candidat Ibrahim. Notre élan s’est complètement brisé le jour où le président nous fit l’injure de lancer des glorioles à Moussa Traoré. Le  »Général  » déchu est cité :  » grand républicain  » lors de la cérémonie d’investiture de l’homme que nous avions largement accompagner. Il semblait oublié que Moussa qu’il porta au zénith avait fait tirer les soldats sur des manifestants aux mains nues. Il disait pour la circonstance :  » Ne provoquez pas les soldats pour ne pas les obliger à faire usage de leurs armes… « .

 

Il a fallu, malgré les crépitements des balles, que des hommes de conviction et d’action montent sur des charbons ardents pour déclencher un véritable bouleversement sociopolitique en 1990-1991. Ils sonnèrent le glas du monolithisme politique, et c’est dans une marre de sang que  » ces fous de la démocratie  » ont arraché le pluralisme politique, mais également toutes les libertés fondamentales des griffes acérées d’un « président-tueur « . Le  » Général  » est de nos jours ce  » gros matou  » qui bénéficie de toutes les largesses de cette démocratie qu’il a férocement combattue. Le ridicule ne tue pas.

 

Les  » derniers des mohicans  » se font le devoir, pendant qu’ils n’ont plus les moyens physiques de battre le pavé, d’exprimer leurs opinions sur les exactions en tous genres qui prévalent, sans  s’enliser pour autant, dans un réquisitoire. Il est établi que «  l’on ne saurait régner sur du sentiment « , et que le népotisme enlève à un chef d’Etat, la possibilité d’être un homme à poigne. Quand la famille, le fils, les proches… sont associés à la gestion du pouvoir, pendant que leur compétence en la matière n’est pas avérée, le président aura les mains liées pour sévir contre les conviés au festin, même quand ils ont un comportement de maquignon.

 

La première République répondait mieux aux aspirations des Maliens. Tout n’y était pas certainement rose. Il y existait cependant, un code moral et d’honneur qui forçait les agents de l’Etat au respect de la  » chose publique « . La formation civique détruisait en chacun des responsables politiques et administratifs l’envie de dilapider les maigres ressources financières qui leur étaient affectées. Ibrahim devrait en faire un référentiel pour donner âme à son  » Tout pour le Mali « , qui s’est étrangement mué en  » Tout pour ma famille « . Il semblerait que 25 milliards de FCFA – 38 millions d’euros – sont tombés dans une large proportion, dans des poches sales. Le président continue de garder le silence. Il est confondu à des personnages qui ne se satisfont pas avec tout l’or de Crésus. Le ministre de la défense, de l’Industrie, de l’Économie, mais également les  Kouma, Kagnassy…ont, semble-t-il, fait abondamment saigné le trésor public. L’avion présidentiel aurait coûté : 7, 17, 20, 21 milliards de FCFA au contribuable. Les équipements et matériels militaires furent acquis à : 69 milliards de FCFA. (cf. : rapports Cour suprême – Vérificateur général).

 

Un pays qui vit de subsidesne  devrait pas prétendre à un Boeing

Piller le Mali est une pratique ancrée dans les mœurs depuis la 2ème République. Avec le CMLN de Moussa, il y eut  des villas de la sècheresse. La 3ème née avec Alpha Oumar Konaré, a vu pousser les premiers fonctionnaires milliardaires du pays. La famille, les amis… d’Amadou Toumani Touré devinrent aussi riches que les rois Moghols. Les accointances supposées ou réelles d’Ibrahim avec des fonctionnaires et des hommes d’affaires peu scrupuleux, animent présentement toutes les causeries. Le beau-père du fils n’est pas  épargné  des propos acerbes tenus à son encontre. La presse affirme qu’il perçoit des émoluments hors norme à l’Hémicycle. Le nom du président revient, et il est intimement lié à celui de Marc Gaffajoli et de Michel TOMI, un bon viveur, épinglé par des juges français pour blanchiment d’argent.

 

Le rapport 2012 du Vérificateur nous ramena à faire d’ores et déjà le deuil de ce pays. Une superstructure aussi respectable que l’Assemblée Nationale abrita elle aussi des prédateurs impénitents. Pour l’exercice : 2006, 2007…2011, cette institution précipita sur fraude, des véhicules à la réforme. La CNSVE, une division de la direction nationale des Domaines admit 4779 véhicules à la réforme avant de les céder à l’amiable. Le PMU Mali fit disparaître par fraudes et mauvaise gestion plus de 34 milliards de FCFA. L’Enseignement supérieur installa plus de 150 pièces sur un seul et même véhicule. Les contrevenants ne sont pas passés devant le conseil de discipline, encore moins par la prison.

 

Le pays vit la philosophie de Vautrin :  » Parvenir ! Parvenir à tout prix « . D’après AMIEL  » L’Etat fondé sur le seul intérêt, et cimenté par le vol est une construction ignoble et précaire. Le sous-sol de toute civilisation, c’est la moralité moyenne des citoyens… « . Qu’en est-il de cette moralité au Mali ? Le chef d’Etat d’un pays qui vit de subsides ne  devrait pas, de mon point de vue, prétendre à un Boeing de 20 milliards de FCFA acquis à crédit et sur fond de magouille. Il est inacceptable que des responsables politiques, administratifs, militaires… d’un pays économiquement exsangue comme le nôtre aient pour devise :  »Fortuna ultima ratio mundi  » (faire fortune est l’ultime raison du monde).

 

Avec la 3ème République, les populations espéraient sur des présidents démocratiquement élus pour faire leur bonheur. Les lauréats se consacrèrent plutôt à la réalisation de leur opulence personnelle et de leur propre prestige. Ils bâtirent leurs fortunes sur la misère des couches sociales qui leur ont accordé leurs voix. Malgré les énormes potentialités du sol et du sous-sol malien, nos présidents furent incapables d’apporter le mieux être social et le bien être matériel auxquels le peuple aspirait. Le Mali occupe toujours le peloton de queue des 176 pays classés comme étant les plus pauvres de la planète. On ne saurait comprendre qu’avec 10 millions d’hectares de terre cultivable ; 47 à 52 tonnes d’or ; 300 à 650 mille tonnes de coton ; 100.000 tonnes de poisson ; enfin, avec le cheptel le plus abondant de l’Ouest africain, les gouvernements successifs que le Mali a connus n’aient pas pu assurer les 3 repas quotidiens, du moins le  » Dun ka fa  » à seulement 15 millions de Maliens. C’est d’autant plus aberrant qu’un peuple aussi fier comme le nôtre est perpétuellement en quête d’aides et de subventions pour financer ses divers plans de développement.

 

Le pays crie famine à tort, pendant qu’il est assis sur un tas de blé. La gestion calamiteuse de l’économie et des finances, mais également les détournements intempestifs d’argent, et l’abus des biens sociaux sciemment entretenus, sont causes du misérabilisme chronique dont souffrent les Maliens. Les opposants ne sont plus de simples joueurs de quilles dans ce pays. Ils sont aussi dynamiques, implacables que compétents. Ces hommes intrépides, dénoncent, se battent et exigent du pouvoir en place, une rupture totale avec des charges onéreuses et extrabudgétaires. L’apport de l’opposition et du Vérificateur est incommensurable dans la découverte des fraudes et la mauvaise gestion qui ont cours dans toutes les  administrations publiques. Avec des hommes aussi téméraires comme ceux qui dénoncèrent  les accointances et des travaux à la résidence privée du président, l’épée de Damoclès plane désormais au dessus de la tête de tous les serviteurs de l’Etat, qui n’arrivent pas à se départir de leur instinct de prédateur.

 

Le président prit un vilain coup de sang lors de sa rencontre avec les opposants. Le rappel des massacres de Kidal ; de l’ouverture d’un compte bancaire en Côte d’Ivoire… lui donna l’impression d’être au banc des accusés :  » Je ne suis pas à la barre… A 70 ans on ne trempe pas dans des magouilles… « . Cette convulsion de cœur nous laissa perplexes. L’opposition me semble-t-il, signalait au Commandant de bord, la dangerosité du cap emprunté par le  » Bateau-Mali  » depuis son avènement. Le navire fonce droit sur les récifs. Nous croyons savoir que tout chef d’Etat qui règne sur du sentiment, et qui coopère avec des affairistes de tout acabit, condamne son pays à la ruine et à la désolation. Car il favorise et entretient l’impunité, compromettant ainsi  toute possibilité de renflouer les caisses publiques, et d’amorcer le développement économique, social et culturel auquel aspirent les populations.

Moussa SANGARE

 Professeur de  philo-Psychopédagogie

 

SOURCE: L’Indépendant  du   9 déc 2014.
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