La présence des soldats des opérations de maintien de la paix de l’ONU est devenue un sujet de controverse dans les pays où ils officient. Une situation de crise qui augure peut-être des changements à venir.
L’Afrique a accueilli plus de missions de maintien de la paix des Nations unies que toute autre région du monde.
Aujourd’hui, plus de cinquante mille soldats sont déployés avec les opérations de l’ONU sur le continent.
‘’La Monusco a pour mission de protéger les civils ici en RDC, ils ont de l’argent, du matériel pour s’assurer que ce travail est fait mais ils ne le font pas. C’est pourquoi nous demandons à la Monusco de partir parce que la Monusco ne fait rien’’, réclame Muhindo.
Il vit à Goma, une ville située à l’est de la République Démocratique du Congo. Une région en proie aux violences malgré la présence de plus de 20 ans de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (Monusco).
Le mois dernier, des manifestations contre l’ONU ont éclaté à Goma et à Butembo, dans l’est de la République démocratique du Congo, lorsque des citoyens ont accusé l’ONU de ne pas avoir réussi à contenir la violence des groupes armés.
Si en RDC ce sont les populations locales qui exigent le départ des forces onusiennes, au Mali, nous avons une autre dynamique.
Le pays a suspendu pendant un mois la rotation des troupes de l’ONU après l’arrestation par le gouvernement de 49 soldats ivoiriens, qui seraient arrivés dans le pays sans ordre de mission.
La Côte d’Ivoire a déclaré que les soldats faisaient partie de la mission de maintien de la paix de l’ONU au Mali.
Qu’est-ce qu’une opération de maintien de la paix ?
Selon le site l’ONU ‘’les opérations de maintien de la paix des Nations Unies aident les pays touchés par les conflits à créer les conditions du retour à la paix.’’
Cependant, dans un pays comme la RD Congo, le retour à la paix qui tarde à arriver a créé un sentiment de frustration grandissant au sein de la population.
Un constat que partage le Dr Yvan Yenda Ilunga, professeur adjoint de sciences politiques et de relations internationales à l’université de Salve Regina.
Selon lui, l’ONU n’a pas été capable d’aider ces pays à voler de leurs propres ailes.
Ce qui justifie selon lui que les populations locales estiment que les soldats de l’ONU ne sont que des forces inactives qui doivent partir.
En Afrique, on compte 6 opérations de maintien de la paix :
- La MINUSRO : La Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental. Son objectif est, selon l’ONU, de préparer le futur du territoire.
- La MINUSMA : la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation du Mali. Elle a pour but d’appuyer le processus politique et d’aider à la stabilisation du Mali.
- La MINUSCA : la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en république Centrafricaine. Elle est mandatée pour protéger les civils et appuyer à la mise en œuvre de la transition en RCA.
- La MONUSCO : la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo. Elle a pour objectif la protection des civils et la consolidation de la paix en RDC.
- La FSNUA : Force intérimaire de sécurité des Nations Unies pour Abyei. Son mandat est la démilitarisation et le suivi de paix dans la zone litigieuse d’Abiyé. Un territoire réclamé par les deux Soudans.
- La MINUSS : la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud. Elle a pour rôle de protéger les civils de surveiller le respect des droits fondamentaux, de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire et accompagner la mise en œuvre l’accord de cessation des hostilités.
Selon le Dr Yenda Ilunga, c’est le concept de maintien de la paix qui ne correspond plus aux réalités du terrains.
‘’Lorsque nous pensons au maintien de la paix par les Nations unies, nous partons clairement du principe qu’il y a une paix à maintenir. Mais dans beaucoup de ces endroits, il n’y a pas de paix à maintenir’’, confie le Dr Ilunga.
D’où la nécessité pour lui d’enclencher des réformes.
Réformer pour mieux s’adapter
Le schéma classique d’un gouvernement qui combat des rebelles est selon le Dr Ilunga, obsolète.
‘’Vous avez un conflit multidimensionnel et la sécurité, la violence et même les groupes qui se battent, certains d’entre eux ne sont pas des combattants traditionnels.
Mais les Nations Unies, qui ont été chargées de l’espace et de la crédibilité nécessaires pour aborder cette question, agissent toujours comme s’il s’agissait d’une conversation autour d’une table’’, affirme M. Ilunga.
Ce changement, Cedric De Coning, professeur de recherche à l’Institut norvégien des affaires internationales et conseiller principal au Centre africain pour la résolution constructive des conflits, l’a déjà entrevu dans la démarche de l’organisation internationale.
Il révèle que depuis 2014, l’ONU n’a pas déployé de grandes opérations de maintien de la paix.
‘’Elle se réfère au déploiement de ce que nous appelons des missions politiques’’, affirme M. De Coning.
La solution semble, semble selon lui, de plus en plus privilégiée. De Coning estime que le volet politique peut jouer un rôle aussi essentiel que celui des opérations de maintien de la paix.
‘’Si nous regardons le problème actuel entre la RDC et le Rwanda avec la résurgence du M23, le problème ne peut pas être résolu par une opération de maintien de la paix locale. C’est un problème qui doit être traité diplomatiquement avec les deux gouvernements concernés, affirme-t-il.
Les actifs à mettre sur le compte des missions de maintien de la paix
Si les missions de maintien de la paix continuent d’essuyer des critiques en Afrique, le tableau n’est pas tout aussi sombre.
La Mission des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) a beaucoup contribué à la restauration de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire ivoirien. En 2004, le pays était encore divisé par une guerre civile.
Elle a contribué au désarmement de 70 000 combattants et leur réintégration dans la société.
Deux élections présidentielles et des élections législatives ont pu être organisées dans le pays avec la participation de l’opposition.
En 2017, le mandat de l’ONUCI a officiellement pris fin dans le pays.
Le mandat est qualifié de ‘’mission réussie’’ par le ministre Ivoirien de l’Intérieur d’alors, Ahmed Bagayoko lors de la cérémonie de descente du drapeau de l’ONU.
Fin de Twitter publication
En République Centrafricaine, la MINUSCA a pu repousser juin 2022 une offensive de groupes armées hors de la ville de Onda-Djallé.
‘’La ville est calme, et les groupes armés ont pris la fuite depuis l’arrivée des casques bleus zambiens dans la région’’, indique la note d’information de la Minusca.
Quelles alternatives pour les opérations de maintien de la paix ?
Selon le plan de retrait de la MONUSCO, les forces onusiennes vont se retirer graduellement du pays à l’horizon 2024. Ce qui fait craindre au Dr Ilunga au vide que risque de créer ce départ.
D’où son appel à la responsabilité des Etats qui demandent le départ des forces de maintien de la paix.
‘’Où est la responsabilité du gouvernement national ? Oui, ils (Les Nations Unies) ne font pas grand-chose, mais ils font quelque chose. S’ils ne sont pas là, pourrez-vous faire quelque chose ?’’, s’interroge-t-il au micro de la BBC.
La solution réside peut-être dans la collaboration entre l’ONU et les institutions régionales voire entre les Etats eux-mêmes.
‘’Nous voyons aussi par exemple dans la mission de l’ONU au Congo, la Monusco, nous avons eu le défi avec le M23 en 2012 et en réponse, les pays de la SADEC et les pays de la région ont estimé que l’ONU ne faisait pas assez et ont proposé de fournir une force pour combattre le M23 et d’autres groupes‘’, explique Cedric de Coning.
En Afrique de l’Ouest, plusieurs pays ont mutualisé leur force pour former le G5 Sahel en vue de lutter contre le terrorisme qui sévit dans cette partie du continent. Néanmoins, le financement constitue une contrainte majeure.
Cependant, selon Cedric de Coning, il faut allier les opérations de maintien de la paix avec des solutions politico-diplomatiques.
‘’L’opération de maintien de la paix ne peut que traiter les symptômes qui se matérialisent sur le terrain, mais pour résoudre ces problèmes, nous devons nous concentrer sur les dommages diplomatiques et politiques’’, estime-t-il.
BBC