La complicité assumée des marabouts et de la gente féminine au Mali dépasse tout entendement. Nombreuses sont les femmes, jeunes comme plus âgées, à fréquenter ce milieu pour des besoins connus ou plus voilés.
Notre société est sous l’emprise des marabouts. Ils sont aussi sollicités que les médecins. Des hautes autorités au citoyen lambda, en passant par les politiciens et les cadres de l’administration, tout le monde fait recours à leurs services.
Mais les marabouts doivent leur réputation aux femmes, qui leur font une publicité de grande envergure, de bouche à oreille, sans frais. Les femmes qui fréquentent ce milieu arrivent à toucher un grand nombre de personnes. Car même si l’on est novice en racontant un problème nous tenant à cœur, elles n’ont qu’une solution : elles montrent le chemin de leurs marabouts.
« C’est la dernière clef de leur trousseau »
Moussa en a fait les frais lorsqu’il a exposé son problème avec sa petite amie à sa grande sœur. «Je me suis toujours dit que j’ai détruit ma toute première relation à cause des conseils de ma grand-sœur. Elle m’a amené chez son marabout pour résoudre mon problème, mais à la fin le résultat était négatif. Depuis, je ne crois pas à ces histoires de marabouts.» En entendant certaines femmes, c’est la dernière clef de leur trousseau pour ouvrir toutes les portes. Souvent, on s’étonne par la simplicité de raisonnements comme celui-ci : « C’est le marabout qui m’a dit de faire ceci ou cela. »
Il n’est pas rare d’entendre de tels propos au cours de causeries en famille, au travail, ou dans les « grins » (groupes informels de discussion). Mais il faut admettre que ce sont les femmes qui fréquentent le plus les marabouts. Elles sont prêtes à payer le prix fort pour sonder l’avenir. Ainsi, une grosse partie de leur économie atterrit dans la poche des devins. Elles sont assaillies par le doute et les préjugés, elles accourent chez le marabout pour connaître leur lendemain. Certaines autres cherchent à pimenter leur quotidien en consultant des charlatans qui leur racontent ce qu’elles souhaitent entendre.
Éternellement insatisfaites
Pour beaucoup de femmes, et même de jeunes filles, le phénomène est devenu une nécessité, en dépit de leurs nombreuses déceptions au bout du compte. Elles sont nombreuses ces femmes qui ont dit adieu à leur mari et à leur foyer à cause du « maraboutage.»
Il n’est pas rare de voir des femmes mentir sur leur destination en allant consulter un marabout. Elles se disent dans un lieu de baptême ou de mariage, mais en réalité elles se trouvent dans une localité hors de la ville pour voir leur marabout. Que de dépenses pour non seulement les consultations, mais aussi les sacrifices qui s’en suivent. Encore faudrait-il que les divinations du marabout soient exactes. Et même si c’est le cas, est-ce la voie à suivre? De plus, le marabout est-il réellement capable de désigner une tierce personne comme étant l’ennemi qui empêche le bonheur.
Victimes de toutes sortes de violences, victimes d’un manque de confiance en soi, et de bien d’autres maux, les femmes sont vulnérables et se laissent entraîner dans des situations dangereuses pour leur intégrité physique et morale.
Le marabout est devenu un ascenseur social
Des fois, après un petit cauchemar fait la nuit, un différend avec un ou une collègue de service ou avec un voisin ou une voisine, on va faire recours au « cauris », au « sable », ou à «l’encre » du marabout. Pour d’autres, le marabout peut écarter le mauvais œil de leur chemin.
«Je crois beaucoup aux dires de mon marabout, car il m’a permis de sauver mon poste au travail après avoir été menacée de licenciement », m’explique Oumou, une sœur au quartier qui n’hésite pas à frapper aux portes de son marabout pour ses besoins et celui de ses amies.
Certaines femmes accordent beaucoup de crédit aux prédications des marabouts, qui les rassurent. D’autres comptent sur les potions magiques («nachi» en bamanakan) pour se procurer une bonne position sociale. Des épouses déposent toutes leurs bourses sur les peaux de prières de ces marabouts afin d’avoir une position privilégiée et influente dans leur foyer.
Le cycle est infernal, car le marabout demande au départ peu d’argent à la cliente afin de mieux taire sa méfiance. Une fois la confiance de la cliente acquise, il se charge de lui prendre le maximum d’argent, nous explique un jeune marabout qui a dû abandonner la natte et le chapelet pour d’autres projets.
Source : benbere