Le projet de redécoupage territorial place, de fait, les communautés majoritaires du Nord sous la domination des minorités. D’où la colère et l’indignation des premières, qui rejettent, en bloc, ce projet.
« Il ne passera pas à l’Assemblée nationale. Et même si, c’est le cas, nous userons de tous les moyens pour qu’il ne soit pas applicable sur le terrain ».
Les gestes hauts et forts, un ressortissant de la région de Tombouctou dénonce ce qu’il appelle la « énième injustice » du gouvernement contre les communautés majoritaires du Nord.
Et d’ajouter, la gorge nouée par la colère : « cette fois-ci, nous ne nous laisserons pas faire. Jamais, les communautés majoritaires ne se laisserons dominer par les communautés minoritaires, parce que certains ont pris la responsabilité historique de prendre les armes contre leur pays ».
Rejet en bloc du projet de redécoupage territorial
De Gao à Tombouctou, en passant par Ménaka et Ansongo, partout la colère le dispute à l’indignation. Partout, les communautés sonrhaï, peuhl, bambara, bozo, somono, dogon…pour ne citer que celles-là, sont sur le pied de guerre.
En effet, selon le projet de redécoupage territorial, 90% de la population majoritaire du Nord se retrouve avec 8 députés ; tandis que la communauté minoritaire, composée de 10% de la population, se retrouve avec 32 députés.
Eriger Goundam en région
A l’issue de leur assemblée générale, tenue samedi dernier, à Bamako, les ressortissants de Goundam rejettent le projet de redécoupage territorial.
Ressortissants du plus vieux cercle du Mali, les Goundamiens réclament l’érection, sans condition et dans les plus brefs délais, du cercle de Goundam en région.
Pour ce faire, ils entendent manifester leur colère à travers des marches de protestation. Tant à Goundam qu’à Bamako.
A l’origine de leur colère, la réduction des communes du cercle de Goundam de 16 à 11 par le projet de redécoupage territorial. Chose inacceptable pour les ressortissants de Goundam, désormais, sur le pied de guerre.
Pour l’association « Ir Ganda » (notre territoire), dont le président d’honneur n’est autre que Mr Ousmane Issoufi Maïga, alias Pinochet, ce projet de redécoupage territorial ne passera pas.
Un projet à relent « raciste »
Dans une lettre, en date du 03 octobre dernier, le président de la Coordination Nationale de l’Association « Gao Lama Borey » (les ressortissants de la région de Gao) met le gouvernement en garde contre les conséquences qui pourraient découler de la mise en œuvre d’un tel projet de redécoupage territorial.
Face à ce qu’il qualifie d’une nouvelle provocation, il s’en prend au ministre chargé de l’Administration Territoriale, Mohamed Ag Erlaf, considéré comme l’artisan de ce projet à relent « raciste ».
« Vous vous cachez derrière l’accord issu du processus d’Alger pour créer de nouvelles circonscriptions, en l’occurrence des cercles qui seront tous à dominante touareg ou arabe et cela au détriment des aires géographiques des autres communautés, alors que l’accord n’en parle nullement pas », déclare Mr Abdel Kader Maïga, dans cette lettre, adressée au Premier ministre, au ministre de la Sécurité et de la Protection Civile, au ministre de la Défense, au chef de file de l’opposition, à la Minusma, aux ambassades de France, des Etats-Unis d’Amérique, de l’Allemagne, du Canada, de Russie, de Mauritanie, ainsi qu’aux leaders d’opinion.
Et de poursuivre : « Vous prétendez morceler la région de Gao pour la réduire au lit du fleuve Niger en voulant créer une nouvelle région ou cercle, dite Alata, et vous amputez le cercle d’Ansongo de deux communes pour en faire des cercles, à savoir Tessit et Talataye ; alors que Bourem est diminué pour créerle cercle de Ersane ».
S’agissant du redécoupage territorial de la région de Tombouctou, le président de la Coordination Nationale de l’association « Gao Lama Borey » écrit : « La région de Tombouctou est, à son tour, délestée pour créer deux cercles, notamment, Léré et Gossi. Il est patent que cette gymnastique de création de cercles est calculée et basée, justement, et sans équivoque, sur l’érection d’une hégémonie arabo-touareg dans les régions du Nord du Mali ».
A noter que les touareg, toutes communautés confondues, représentent 11%, seulement, des populations du Nord. A l’échelle de la population malienne, ils sont estimés à 0,98%.
Les arabes, aussi, se situent dans la même proportion. Du moins, si on se réfère à un recensement datant de 1997.
Et Mr Abdel Kader Maïga d’ajouter : « De part cette manipulation, vous conférez à une infime partie d’une petite frange d’une minorité démographique à prétendre à une majorité démocratique ».
Aussi, il dénonce le caractère « injuste, inéquitable et unilatéral » de ce projet de redécoupage territorial, sans concertation des populations à la base.
« Votre interprétation personnelle erronée et à dessein, de l’accord de paix, issu du processus d’Alger, est en train de provoquer de grave discorde au sein de la nation malienne ». Et de conclure : « Ce redécoupage est une bombe qui gangrénera tout le Mali, car d’autres personnes ou communautés tentent, déjà, et tenteront le même exercice pour leur terroir, comme vous le savez déjà ».
Oumar Babi
Source: Le Canard Déchaîné