MONDE – C’est en tout cas l’objectif de la France, qui s’est engagée sur deux fronts en Afrique en moins d’un an, au Mali et en Centrafrique…
François Hollande l’a martelé lors du sommet franco-africain la semaine dernière à Paris: «L’Afrique doit maîtriser pleinement son destin et, pour y parvenir, assurer pleinement par elle-même sa sécurité». C’est d’autant plus nécessaire aux yeux de Paris que l’engagement de la France sur deux fronts africains en moins d’un an -le Mali et maintenant la Centrafrique- pèse lourd sur les plans humain et financier: plus de 500 millions pour l’opération Serval, la mort de sept soldats au Mali, et deux en Centrafrique (RCA).
Annoncée en mai par l’Union africaine, la création d’une force africaine de réaction rapide (Caric) a donc été relancée lors du sommet, avec un objectif de mise en œuvre en 2015, selon le ministère de la Défense. «La France est disposée à apporter tout son concours à cette force» en fournissant «des cadres militaires» et en participant à des «actions de formation», a annoncé François Hollande, précisant que la France pouvait entraîner «chaque année 20.000 soldats».
La France à l’aide
L’idée française de renforcer les capacités des Africains à se défendre par eux-mêmes n’est pas nouvelle. C’était aussi l’objectif, en 1998, du programme «Recamp» (Renforcement des Capacités Africaines de Maintien de la Paix), qui visait à accroître les capacités militaires des pays africains à conduire des actions de maintien de la paix. Hélas, «ça n’a jamais marché», observe le politologue Michel Galy, qui a dirigé l’ouvrage La Guerre au Mali (Ed. La Découverte).
Une force régionale a bien été mise sur pied -Ecomog, le bras armé de la Cedeao- mais avec un succès relatif. «Elle était intervenue au Liberia et en Sierra Leone dans les années 1990, mais elle était composée de pays à la fois juges et parties. Résultat, elle avait tué des civils et commis des exactions, au point que l’ONU l’avait considérée comme une faction combattante parmi d’autres», se souvient le chercheur.
Nombreux coups d’Etat
L’autre difficulté, c’est que les armées africaines nationales dépassent bien souvent leurs prérogatives. «En Côte d’Ivoire, au Togo, en Guinée-Bissau, en Éthiopie, en République centrafricaine, au Tchad, au Soudan, en Angola, au Rwanda et dans de nombreux autres États africains, la démocratisation ou la consolidation de réformes politiques ont été fortement entravées par l’ingérence régulière des forces armées dans les affaires politiques et économiques», relève le centre d’études stratégiques de l’Afrique. Les coups d’Etats se comptent par dizaines: au moins 68 ces soixante dernières années, ce qui donne au continent le triste record en la matière.
Mal entraînées, mal équipées, les armées africaines nationales sont aujourd’hui encore incapables d’assurer la sécurité sur leur territoire. Du coup, «dans l’Afrique francophone, c’est un peu l’armée française qui joue le rôle de l’armée nationale, explique Michel Galy. Au Tchad, par exemple, une force militaire française est déployée depuis l’indépendance. La déclaration de François Hollande n’est qu’un effet d’annonce, estime le politologue. Les armées nationales africaines ne sont pas autonomes et ne peuvent intervenir qu’en étant subordonnées à une force occidentale».
Cette impuissance des armées africaines explique que, plus de cinquante ans après les indépendances, les Maliens comme les Centrafricains accueillent les militaires français comme des sauveurs. Un paradoxe relevé dès janvier après l’intervention française au Mali sur le site Comores-Actualités: «Hier, nous nous plaignions de “l’immixtion de Paris dans les affaires intérieures”, [aujourd’hui] c’est nous qui en sommes actuellement demandeur. Drôle d’indépendance!».
Source: 20Minutes