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L’ère de la Démocratie malienne : Y croire malgré tout…

Il y a 27 ans, le 26 mars 1991, le Mali tournait la page de 31 ans de dictature de la première République d’abord, entre 1960 et 1968, ensuite de la deuxième République, de 1968 à 1991. Après avoir vaincu le régime le plus sanguinaire, le plus dictatorial que le Mali moderne ait connu, les Maliens croyaient légitimement en des lendemains qui chantent.

Si 27 ans après des avancées certaines ont été enregistrées sur le plan démocratique, la déception est  grande pour toutes celles et tous ceux qui aspiraient légitimement à une vie meilleure à travers un véritable essor économique et social. Le Mali de 2018 est loin d’avoir comblé les espoirs nés ce mardi, 26 mars 1991, à l’aube, lorsqu’un jeune Commandant des Commandos parachutistes et ses camarades mettaient fin au pouvoir de Moussa Traoré, suite à une insurrection populaire.

Indéniablement, Mars 1991 aura apporté ce qui est essentiel en démocratie et dont le peuple malien fut sevré durant 31 ans : la Liberté d’expression et la Liberté d’association. Il suffit de voir le nombre de radios privées disséminées sur tout le territoire national, le nombre de télévisions et surtout de journaux privés pour réaliser combien la démocratie a permis une éclosion des moyens de communication et d’information. Certes la parole s’est libérée mais elle a surtout pris un peu trop de liberté pour ainsi dire. En effet, les médias maliens sont devenus victimes de leur pluralité. C’est ainsi qu’on pourrait compter plus d’une centaine de titres de journaux rien que dans la capitale. Comme il fallait s’y attendre, la plupart de ces journaux ont du mal à exister à cause de la médiocrité de ceux qui les animent et qui se sont adjugé le titre pompeux de « journaliste » alors qu’ils ont du mal à faire un reportage digne d’un bon élève de 9ème année fondamentale.

Incapables de vendre leurs papiers, beaucoup de journaux en sont réduits à faire de la délation, de la diffamation. De gros titres ronflants en page Une ne donnent lieu, parfois, qu’à une dizaine de lignes à l’intérieur où les questions essentielles au journalisme « Qui, Quoi Où, Comment, Pourquoi » sont superbement ignorées. On voit très souvent des articles dithyrambiques à la gloire d’un prince du jour qu’on voudrait faire passer pour un saint. Dans cette grisaille, seule une dizaine de titres méritent vraiment qu’on les achète.

L’ORTM, malgré le dévouement de journalistes professionnels, a du mal à grandir. C’est une des plus grosses déceptions de Mars 1991. Certes la station nationale croule sous les problèmes mais elle a suffisamment de femmes et d’hommes capables de lui donner une stature internationale. Comme du temps de l’UDPM, la télévision nationale est toute vouée au pouvoir en place. Il n’existe dans ses programmes aucun espace pour le débat d’idées. Ni sur un plan intellectuel encore moins politique. Des journaux de 35 à 40 minutes sont essentiellement consacrés aux reportages sur les déplacements du Président de la République et des membres du Gouvernement ou des meetings d’associations opportunistes qui se multiplient en ces temps de pré campagne électorale.

Avec plus de 200 partis politiques, le multipartisme est bien une réalité au Mali. Mais c’est une réalité qui fait la honte de notre démocratie. En fait de partis politiques, il s’agit plus de « Grins politiques » dont la quasi-totalité n’a pas de siège permanent et ne vit que des subventions octroyées par l’État. Excepté là aussi une dizaine, les nombreux petits partis ne vivent qu’accrochés au parti au pouvoir auquel ils donnent les maigres voix de leurs sombres partisans lors des élections présidentielles, espérant ainsi glaner quelques postes dans l’administration pour leurs cadres. Personne n’est vraiment dupe et chacun joue son petit jeu pour survivre. Dans cet imbroglio marécageux, grouille le monde de la magouille.

En effet, la démocratie malienne dont on attendait tout, a surtout apporté aux Maliens la débrouillardise et la corruption. Comme un long serpent insaisissable des mers, la corruption s’est insinuée dans tous les domaines de la vie au Mali. Aucun domaine essentiel de la République n’y échappe : l’École, la Santé, l’Administration, la Justice, l’Armée, la Police, la Gendarmerie, les Impôts, les Finances. Comment pouvait-il en être autrement quand les salaires des fonctionnaires sont justes plus que des pécules ? Et il paraît que le Gouvernement voudrait poursuivre les corrompus ! Il faudrait pour cela se préparer à mettre la quasi-totalité des fonctionnaires en prison et terminer rapidement la nouvelle maison d’arrêt en construction. Car quel fonctionnaire de l’État malien a les moyens de construire une villa et de s’acheter une voiture avec son salaire ? Très peu.

Ceux qui ont renversé Moussa Traoré en mars 1991 n’avaient, pour la plupart, qu’un objectif : s’enrichir. Et ils l’ont bien fait. Beaucoup de ces « révolutionnaires » qui ne possédaient même pas un terrain à usage d’habitation, sont devenus, en l’espace de quelques années, des multimillionnaires. Les passations des marchés publics de gré à gré, les fausses et multiples facturations, les détournements des deniers publics, la confiscation des terres sont quelques-unes des pratiques qui ont permis de fonder de véritables empires financiers. Et dire que Modibo Keita n’avait que 15 000 F maliens (7.500FCFA) dans son compte bancaire après son arrestation ! Même Moussa Traoré à qui on a longtemps attribué des millions de dollars s’est révélé être plus pauvre que ceux qui se sont donné le titre pompeux de « patriotes sincères et démocrates convaincus ».

Certes tout n’est pas noir. L’agriculture malienne a fait de réels bonds. Le Mali est redevenu cette année le premier pays producteur de coton de la CEDEAO ; malgré une pluviométrie insuffisante les céréales récoltées sont suffisantes pour nourrir les Maliens ; la production d’or, quoique opaque, rapporte des devises au Trésor public. Cependant la situation de crise que traverse notre pays depuis 2012 est loin d’être maîtrisée. Cette crise, en partie imputable à Alpha Oumar Konaré et Amadou Toumani Touré, donc à la démocratie, coupables d’avoir « clochardisé » l’Armée malienne en créant une scission entre les troupes, misérables, et la hiérarchie, choyée, a profondément bouleversé la conscience des Maliens par les horreurs de la guerre et de l’occupation. Jamais, de mémoire d’homme, ce grand Pays n’était tombé si bas.

Il est regrettable que notre pays ait été plus fort sous les deux régimes d’exception de 1960 à 1991plus que sous l’ère démocratique. Est-ce parce que Modibo Kéita et Moussa Traoré avaient une plus haute estime de leurs responsabilités vis-à-vis de la Nation malienne ? Étaient-ils plus patriotes ? Avaient-ils plus de dignité, plus d’amour pour leur pays que les « démocrates »  de Mars 91? Quoi qu’il en soit, la démocratie malienne aura été une grande désillusion pour tous ceux qui avaient honnêtement espéré qu’elle ouvrirait la voie à un mieux-être, tous ceux qui croyaient que le Mali allait enfin se redresser. Une chose est sûre : le déchirement de la classe politique, les coups bas, les dénigrements et la lutte farouche pour le pouvoir ne sauraient être de l’amour pour Maliba. Et les élections présidentielles de juillet 2018 sont loin de ramener la sérénité dans les cœurs des Maliens. Seul l’Amour pour le Mali pourra guider les uns et les autres à emprunter les chemins de la sagesse. Reste à savoir si ceux qui s’agitent actuellement dans la lutte au pouvoir en ont véritablement.

Diala Thiény Konaté

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