Le 26 mars prochain, la révolution malienne de 1991, qui a accouché du multipartisme intégral dans le lit de la conférence nationale de l’année d’après, aura 29 ans révolus. Un nombre d’années qui va rimer avec les élections législatives qui se dérouleront trois petits jours après, le 29 mars 2020. Coïncidence du hasard ou signe astrologique ?
On ne s’y attardera pas trop, chacun est libre de lire selon son savoir et, à tout le moins, de commenter selon son humeur politique ou patriotique. La véritable angoisse qui tracasse les Maliens de tous les bords, même ceux qui ignorent superbement les combinaisons logées dans les arcanes politiques, c’est la situation sécuritaire de leur pays sur le fil du rasoir. Tout le monde le sait, toute élection nécessite une campagne au cours de laquelle les candidats s’affrontent, rivalisant de promesses plus ou moins honnêtes, voire carrément oniriques; et surtout la mobilisation des populations qui n’incarnent pas toujours le statut de vrais militants de chapelles politiques, mais qui s’agitent cependant frénétiquement pendant la foire électorale. Moment de farce, de délectation, d’évacuation de stress, de peur? On ne saurait répondre avec certitude. Il y a pourtant une certitude qui colle aux élections maliennes, qu’elles soient législatives, municipales ou présidentielles : le corps électoral se mobilise faiblement vers les urnes, ce qui donne une constance de 30% depuis bientôt trente ans. Ce qui contraste aussi avec la foultitude de partis politiques, 150 au moins, qui écument l’échiquier national. Il y a un bidonnage évident, mais difficilement avouable par les acteurs politiques. Le peuple n’est que le dindon de la farce. Organise-t-on des élections ou habille-t-on une mascarade? Pour les législatives du 29 mars prochain, nul n’ignore que le pays n’est pas stable, que ses frontières sont poreuses jusqu’à l’abandon et que les terroristes frappent désormais partout, soumettant tout le monde à une anxiété permanente. Peut-on et doit-on organiser des législatives dans un pays qui est la cible permanente des tueurs plus aptes dans leurs multiples forfaits que les forces nationales de défense et de sécurité dans leur mission régalienne et qui sont manifestement dépassées par le cours et la cadence des événements tragiques ? Doit-on se résoudre à ne pas renouveler l’Assemblée nationale par l’organisation d’élections propres et transparentes et, donc, de proroger pour une troisième fois, le mandat de celle qui prévaut ? La démocratie est à un tournant dangereux, le risque pour elle de culbuter dans un ravin mortel est élevé. La classe politique est comme désorientée. Des mésalliances, impensables hier, comme entre le Rpm et l’Urd, se nouent. D’autres acteurs appellent à ne pas franchir le pas, à réfléchir plutôt par deux fois pour trouver d’abord les bonnes recettes à même d’assurer la stabilité et la quiétude. Mais le train est en marche. Est-il encore possible de l’arrêter avant la gare de destination ?
Gabriel Toé