Ici comme ailleurs, la stratégie des candidatures en alliance a été exploitée à fonds. Seuls deux partis ont pris le pari risqué d’aller en solo dans une circonscription où 7 sièges sont à pourvoir
Avec 7 sièges de députés à pourvoir, le cercle de Sikasso est l’une des circonscriptions les plus convoitées et donc des plus disputées du pays. Paradoxalement, l’on n’a pas enregistré une inflation de listes de candidatures comme on l’a vu dans d’autres circonscriptions. Par comparaison, en Commune I du District de Bamako, 25 listes sont en compétition pour deux sièges à pouvoir. En Commune III, 18 candidats s’affrontent pour l’unique siège de député. A Sikasso, ce sont 9 listes de candidats qui croisent le fer. Tous les partis les plus représentatifs ont aligné des combattants prêts à en découdre. Mais de toute évidence, très peu d’entre eux ont confiance en leurs seules forces pour enlever les 7 sièges. Seuls les partis CNID et URD ont eu l’audace de s’engager en solo. La campagne électorale pour le premier tour du scrutin qui prend fin demain à minuit, se déroule cahin-caha.
Pour le visiteur qui arrive dans la ville Sikasso, le premier signe tangible de la campagne sont les affiches des candidats. Elles sont visibles un peu partout en ville et sur tous les supports : les murs des maisons, les places publiques, les poteaux électriques ou de téléphone. Même de vénérables monuments et sites historiques ne sont pas épargnés par l’affichage sauvage. L’atmosphère n’est pas à proprement dit délétère, mais l’ambiance dénote d’une certaine fébrilité (bien compréhensible) qui règne au sein des différents états-majors.
Dans un tel contexte, l’on entend çà et là, des accusations mutuelles de manquement au code de bonne conduite auxquels ont souscrit tous les partis. Les allégations d’achat de voix, de trafic d’influence, d’intimidation et d’utilisation des moyens de l’Etat fusent. Des accusations, dans bien des cas, très difficiles à vérifier.
Des véhicules bardés d’autocollants aux couleurs des partis ou portant les portraits des candidats font des va-et-vient incessants. Certains de ces véhicules sont spécialement venus de Bamako. Même les véhicules de transport en commun comme les taxis ne cachent pas leurs sympathies. Le premier taxi à bord duquel nous avons pris place annonçait la couleur avec les affiches présentant le maire de Kourouma, Adama Diarra, un des candidats de l’ADEMA-PASJ. « Législatives 2013, votez Adama Diarra, ADEMA/PASJ ! », peut-on lire sur ces affiches. Le lendemain, nous rencontrons le candidat en personne. Il venait d’une tournée à l’intérieur du cercle et s’apprêtait à reprendre le chemin des campagnes.
Il faut dire que ces législatives s’annoncent très serrées à Sikasso comme dans bien d’autres circonscriptions et la multiplication des alliances dans tous les sens brouille la lecture. Mais les différents candidats rencontrés sur le terrain récusent l’expression « alliances contre-nature » que d’aucuns utilisent à propos de certains regroupements. C’est le cas du député sortant et tête de liste du regroupement ADEMA-CODEM-MIRIA, Housseini Amion Guindo. Le président de la CODEM (Convergence pour le développement du Mali) qui était candidat à l’élection présidentielle passée estime que l’heure est venue d’enterrer la hache de guerre. « Chaque fois que nous nous opposons, c’est au détriment du développement du cercle de Sikasso. C’est pour le bonheur de la population que nous nous donnons la main. Les Sikassois doivent se retrouver. C’est la première fois que l’ADEMA et la CODEM se retrouvent sur la même liste», argumente Guindo qui avait été élu député pour la première fois en 2005 sous les couleurs du RPM avant de créer la CODEM en 2008.
ACCUSATIONS ET DEMENTIES. L’ADEMA et la CODEM sont les deux partis qui ont le plus grand nombre conseillers communaux. Les deux alliés ont un objectif commun : confirmer leur bonne implantation dans le cercle et barrer la route au RPM et à ses alliés. Housseini Guindo accuse du reste ces derniers de fausser les règles de la compétition. « Que viennent faire huit ministres de la République à Sikasso pour une cérémonie officielle censée être présidée par un seul ministre et avec les moyens de l’État ? », s’insurge le candidat. Le député sortant Guindo fait allusion à la présence de ces membres du gouvernement à Sikasso pour la Journée internationale de la femme rurale célébrée à Farkala, le 9 novembre dernier.
Guindo dénonce par ailleurs « les pressions », voire « l’acharnement » qu’exerceraient les ministres RPM sur les opérateurs économiques et les directeurs régionaux de services militants dans des partis adverses.
« Je m’inscris en faux contre ces allégations. La cérémonie de Farkala était une occasion pour les membres du gouvernement de magnifier et d’encourager la bravoure des femmes rurales de Sikasso. Nous mettons au défi les auteurs de ces accusations de donner la preuve de ce qu’ils racontent sur les ondes de certaines radios privées. Notre seul tort à Sikasso est d’avoir des ministres originaires de la ville qui après la cérémonie étaient venus rendre visite à leur famille », rétorque Zhao Ahmed Bamba, le directeur de campagne de l’alliance RPM-MPR-FARE.
« Il est normal que nous allions avec des partis afin de donner une majorité confortable au président de la République à l’Assemblée nationale », répond Bréhima Coulibaly, le 4ème adjoint au maire de Sikasso à propos du regroupement RPM-MPR-FARE. Mais l’édile reconnaît que la bataille sera serrée et que la probabilité d’un second tour est très élevée. « Il serait très difficile que nous passions dès le premier tour. Il y a beaucoup de listes de candidature. Ce qui favorise l’émiettement des voix», souligne-t-il.
Nous sommes maintenant au siège de l’URD installé au quartier Wayerma. Ici, une dizaine de personnes sont installées sous un hangar en tôle. Des véhicules arborant les couleurs de l’URD ou la photo du groupe des 7 candidats du parti sont positionnés, prêts à prendre le départ à tout moment. A Sikasso, l’URD se présente avec sa propre liste sur laquelle ne figure aucun député sortant. Les 7 candidats (6 hommes et une femme) sont tous de nouvelles figures. Le plus jeune est Khalifa Coulibaly, 30 ans. La seule femme de la liste est une enseignante contractuelle des collectivités locales. Elle se nomme Mme Konaté Nassoun Traoré.
« Nous formons un seul bloc. La constitution de notre liste n’a pas fait de mécontents contrairement à ce qui s’est passé dans d’autres partis. Nous partons très confiants. En cas de deuxième tour, nous pourrons nouer des alliances avec d’autres partis», assure Issa Dembélé, le directeur de campagne de la liste URD rencontré dans son bureau, naturellement peint aux couleurs (vert-blanc) du « parti de la poignée de main ».
SANS COMPLEXE. Notre interlocuteur confie plus tard qu’en réalité, le choix de l’URD n’était pas d’aller en solo à la compétition. Une commission chargée de démarcher les partis adverses avait même été mise en place. « Mais les négociations n’ont pas abouti. Nous avons donc constitué notre propre liste », reconnaît Issa Dembélé.
Au cours de notre entretien, des responsables de groupes de jeunes viennent retirer leurs lots d’affiches et chuchotent quelques mots à l’oreille du directeur de campagne. Quelques instants plus tard, deux animateurs de la radio « Siga » débarquent avec un élément sonore sur une carte mémoire. « Faites-moi écouter l’élément avant sa diffusion », ordonne Dembélé.
C’est sur ces entrefaites que nous prenons congé de lui. Direction : le siège du parti Yelema (le changement en langue nationale bambara) qui est en alliance avec le RDT, l’ADP-Maliba et l’UNPR Faso Dambé Ton.
Pour ce jeune parti dont la liste est conduite Mohamed Sidibé, pas question de se laisser plomber par un complexe d’infériorité. Nous demandons à rencontrer la tête de liste. « Il est actuellement en tournée dans le Ganadougou d’où il est originaire, explique la secrétaire permanente du parti, Mme Traoré, assise à une table à l’ombre d’un manguier. Nous attendons le président du parti, Boukary Diarra qui est en réunion quelque part en ville ».
Plus tard celui-ci arrive et n’a pas beaucoup de temps à nous consacrer car il est très occupé en cette période campagne. « Nous ne sommes pas un petit parti. Notre candidat est arrivé 7ème sur 27 à l’élection présidentielle. Nous faisons la politique autrement. C’est pourquoi, nous mobilisons les électeurs sans parler d’argent. Ceux qui passent dans les villages pour distribuer de l’argent rendent notre travail difficile. Mais il y a une majorité de Maliens qui ne votent pas pour l’argent sinon Moussa Mara n’aurait pas été élu maire en Commune IV du district de Bamako. Nous prenons l’exemple sur le président pour battre campagne », explique Boukary Diarra.
Envoyés spéciaux
A. DIARRA
O. DIOP