Consulté par Macron et de nombreux élus, l’ancien président savoure sa nouvelle vie de conférencier et de conseiller dans le privé, sans se fermer aucune porte… si les circonstances l’exigent.
Emmanuel Macron et Nicolas Sarkozy ne se quittent plus. Après l’avoir convié à déjeuner le 7 décembre en pleine révolte des Gilets jaunes, le chef de l’Etat a confié une mission d’importance à son prédécesseur : selon nos informations, l’ancien président le représente ce dimanche à la cérémonie d’investiture de la nouvelle présidente de Géorgie, Salomé Zourabichvili, une ex-diplomate française. Et ce, confirme l’Elysée, en raison de « ses liens étroits » avec ce pays, suite à sa médiation de 2008 avec la Russie.
Heureux retraité de la vie politique, Sarkozy savoure cette nouvelle posture de vieux sage, appelé à la rescousse en période de crise nationale. « C’est une forme de réhabilitation », se réjouit un proche. « Il aime être au centre du jeu, c’est flatteur. Pour Macron, il est un allié », appuie un autre.
Sarkozy serre la main de la nouvelle présidente géorgienne, Salomé Zourabichvili./AFP/HO/Salome Zurabishvili’s press service
Habile, le président le consulte, l’appelle, le traite. Sur ses conseils, il a même ressuscité son fameux « travailler plus pour gagner plus », en promettant aux Français de rétablir les heures supplémentaires défiscalisées et désocialisées. C’est peu dire que la crise des Gilets jaunes a matérialisé ce que Sarkozy dit depuis des années de ce peuple « éruptif qui a décapité ce bon Louis XVI ». Cet été, devant un élu de son parti, il prédisait le pire : « Avec ce que fait Macron, on va avoir une crise nationale et il faudra des mesures exceptionnelles. » « Il a peur que le pays dérape », confirme un membre du gouvernement, qui l’a régulièrement au téléphone.
«Il faut qu’il existe»
Désormais, la vie de Nicolas Sarkozy est ailleurs, toujours entre deux avions. Samedi, il était en Hongrie pour assister à une exposition de peinture de son père Pal (90 ans), originaire de ce pays. Il y a peu, il a participé à un séminaire à huis clos sur les grands équilibres mondiaux à Abu Dhabi, avec Tony Blair, l’ancien Premier ministre britannique, et de grands patrons. Les nuages qui s’amoncellent l’inquiètent. « Américains et Européens doivent s’unir, sinon c’est tout notre modèle de civilisation qui sera balayé », redoute-t-il. De même sur le Brexit, qui risque selon lui d’inoculer à l’Europe le « poison de la division » : « C’est un divorce stupide, juge-t-il. Les divorces ne se passent jamais bien, je suis un spécialiste ! »
Ces mots, il les répète à longueur de conférences. Inscrit au réputé Washington Speakers Bureau, il en donnera encore une ce mercredi à Montpellier avec Tony Blair pour le groupe de matériels en bâtiment Altrad. Début novembre, il est intervenu pour le groupe Natexis avec les ex-Premiers ministres italien et allemand, Matteo Renzi et Gerhard Schröder. Un proche le confesse, les « cartes postales » qu’il envoie à intervalles réguliers sur la scène française sont un bon moyen d’entretenir sa cote : « Il se fait payer très cher, il faut qu’il existe. S’il est à la maison à s’occuper de sa fille, ça ne marche pas. »
Le business aussi a pris une part prépondérante dans son agenda. « Il est au taquet », assure un ami. Depuis 2017, il émarge au conseil d’administration du groupe AccorHotels, qu’il conseille sur sa stratégie internationale. Le 27 novembre, invité devant le groupe, il a livré cette confidence : « C’était une décision effectivement difficile de rentrer dans le privé. » Interrogé par le PDG Sébastien Bazin, qui lui demandait en souriant s’il convoitait sa place, Nicolas Sarkozy a surtout eu ces mots : « Non non, moi ça y est, je suis calme avec les responsabilités opérationnelles, j’en ai eu assez dans ma vie. Et j’aime l’idée de l’advisor (NDLR : conseiller), c’est tellement plus commode. » Fermez le ban ?
«On ne retire pas l’intraveineuse comme ça»
Après son échec à la présidentielle de 2012 et à la primaire de la droite en 2016, l’ex-chef de l’Etat n’envisage pas de retour. « C’est mort. Il ne se rebrûlera pas les ailes », assure un fidèle. Sans parler des affaires judiciaires, lui qui est menacé d’un renvoi en correctionnelle dans les affaires Bygmalion et Azibert. Un de ses anciens ministres résume parfaitement l’équation : « Tout le monde l’attend quand il n’est pas là, et personne n’en veut quand il est là. »
Reste qu’il continue à recevoir le ban et l’arrière-ban de la classe politique dans ses bureaux. Récemment, c’était Laurent Wauquiez. Le 8 novembre, le député et questeur LREM Florian Bachelier. Nombre de ces visiteurs rapportent des phrases où il évoque l’hypothèse d’une catastrophe qui le contraindrait au retour. Un scénario improbable à la de Gaulle. Un fidèle décrypte : « S’il y retourne un jour, c’est parce que le peuple l’appellera. Il a fait de la politique toute sa vie, on ne retire pas l’intraveineuse comme ça. » Comme celle de sa passion pour le football. Un de ses interlocuteurs raconte : « Le PSG a failli être éliminé en phase de poules de la Ligue des champions. Ça l’a rendu dingue ! »
Source: leparisien