FAILLITE. Sous la gestion d’Isabel dos Santos, la marque de luxe genevoise aurait englouti 225 millions de dollars. Elle va baisser le rideau.
Mais où tout cet argent a-t-il pu passer ? En 2012, l’État angolais rachète le joaillier genevois De Grisogono pour 25,7 millions de francs suisses (23 millions d’euros). Fondée en 1993 par un Italo-Libanais, Fawaz Gruosi, la marque est l’un des fleurons de l’industrie suisse du luxe, mais elle n’a jamais été très bien gérée. C’est Sodiam, la société publique angolaise de commercialisation des diamants, qui paye la facture, mais via Victoria Holding Limited, une coquille domiciliée à Malte. C’est en fait la fille du président de l’Angola, Isabel dos Santos, et son mari Sindika Dokolo qui mettent la main sur le joaillier installé à Plan-les-Ouates, une commune du canton de Genève. Leur ambition ? Transformer la marque de luxe à croix blanche en un géant mondial des bijoux et des montres. Ils prévoient de faire bondir les ventes de 80 millions de francs suisses (72 millions d’euros) à 163 millions de francs (147 millions d’euros).
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Noyé sous une montagne de dettes
Mais rien ne se passe comme prévu. Chaque année, Sodiam doit renflouer les caisses de quelque 30 millions de francs. Malgré les fortunes déversées, les ventes de De Grisogono dégringolent. La facture totale s’élèverait à 225 millions de dollars. João Lourenço, le successeur de José Eduardo dos Santos, le père de la « princesse » Isabel, las de combler ce puits sans fond, a fermé les vannes. Moins de dix jours après les révélations du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), le joaillier De Grisogono a mis cette semaine les clés sous la porte, laissant « 65 personnes sur le carreau en Suisse, une quinzaine d’autres à l’étranger », annonce La Tribune de Genève. Le quotidien révèle que la marque genevoise était noyée sous une montagne de factures impayées auprès de ses sous-traitants, notamment horlogers. Malgré un nom prestigieux dans le monde feutré du luxe, De Grisogono n’a finalement pas trouvé de repreneur.
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Pour 2,3 milliards de dollars de diamants
Le fondateur, Fawaz Gruosi, s’en sort sans trop de dégâts. Il a eu le flair de quitter le navire début 2019. Depuis le rachat par l’Angola, il n’était plus que directeur artistique de De Grisogono. Cette fin lamentable est-elle seulement due à l’incompétence avérée de la fille de l’ancien président et de son mari ? Cette faillite s’explique d’autant plus difficilement que l’ancien régime angolais aurait attribué depuis 2012 plus de 18 millions de carats, d’une valeur de 2,3 milliards de dollars, à De Grisogono à des prix fort avantageux. Luanda étant le cinquième producteur mondial de diamants. « Ce quota exorbitant aurait permis à la fille de l’ancien président, Isabel dos Santos, et à son mari Sindika Dokolo, de réaliser de fabuleux profits », écrit encore La Tribune de Genève dans un précédent article intitulé « Derrière De Grisogono, le jackpot des diamants ». En clair, la marque de luxe suisse n’aurait peut-être été qu’un faux nez pour « fourguer » en douce des diamants via des sociétés basées à Dubai. Et qui pourraient éventuellement appartenir à la « princesse » Isabel et à son époux. Maintenant que la boîte de Pandore est grande ouverte, la place financière genevoise feint de découvrir que les dignitaires de l’ancien régime angolais venaient régulièrement chercher du cash à Genève dans différentes banques de la place. Sans qu’aucune d’entre elles ne prenne la peine de contacter le bureau de communication en matière de blanchiment d’argent à Berne.
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Par notre correspondant à Genève, Ian Hamel