Durant la journée du 23 décembre 2013, les institutions de la République se sont pliées à la tradition des voeux au Chef de l’État. C’était au Palais de Koulouba, dans la salle réservée à cet effet.
Dans ses voeux au Chef de l’État, le président de l’Assemblée Nationale par intérim, M. Younoussi Touré, a souligné le rôle de rempart joué par la représentation nationale et combien elle “est restée républicaine durant toute la période de crise”, consacrant “toute son énergie à la défense des Institutions de la République, de l’intégrité territoriale de notre pays et de la consolidation de la Démocratie et de la Paix.” En conséquence l’Assemblée Nationale estime que “si on admet aujourd’hui que la totalité du territoire national est libérée, Il reste que la gestion de Kidal constitue une véritable préoccupation pour l’ensemble du peuple malien”, a déclaré M. Younoussi Touré. Pour lui, “il ne saurait y avoir deux forces armées dans notre pays” et “le drapeau malien doit flotter sur l’ensemble du territoire de la République de Kayes à Kidal !”.
M. Touré a aussi souligné que le processus démocratique dans notre pays doit être renforcé, en mettant en oeuvre certains domaines comme : “la réforme du mode d’élection des députés à l’Assemblée Nationale, en y introduisant une part proportionnelle ; l’adoption d’un véritable statut de l’opposition ; la création d’une Cour des Comptes ; la mise en place de la Haute Cour de Justice.”
M. Younoussi Touré a également souligné la nécessité de reformer l’Institution Parlementaire, en lui accordant “un peu plus de moyens” pour “faire face aux nouveaux défis”, en le dotant “d’un immeuble moderne, fonctionnel et sécurisé”.
Dans sa réponse au président de l’Assemblée Nationale, le président Ibrahim Boubacar Kéïta a déclaré “que vos propositions pour le renforcement du processus démocratique feront l’objet d’une attention particulière, tout comme l’amélioration des conditions de travail de l’équipe parlementaire et de son administration. Je souhaite que siège au sein de la représentation nationale une opposition engagée, critique et constructive. Que cette opposition soit visible dans l’hémicycle ! Qu’elle joue pleinement son rôle, en toute franchise, dans le respect des règles démocratiques ! Et que ceux qui se réclameront de la majorité parlementaire aient aussi le courage de l’analyse objective en toutes circonstances. C’est en cela que les uns et les autres contribueront à doter le pays de textes solides, cohérents, porteurs de justice et d’équité.”
Quant au Président de la Cour Suprême, M. Nouhoum Tapily, il a rappelé qu’“une justice forte, bien outillée, distribuée à hauteur de souhait, par des hommes et des femmes intègres et responsables, est indubitablement un vecteur essentiel et déterminant de développement, de progrès et d’épanouissement socioéconomique tant souhaités par notre peuple.” Mais cet objectif ne peut-être atteint que si l’institution judiciaire évolue dans un cadre adéquat. D’où la demande formulée par le Président de la Cour Suprême à l’endroit du Chef de l’État à ce que l’institution qu’il dirige soit équipée “en outils modernes et performants de travail. Elle souhaite des locaux à hauteur de souhait pour exercer sa mission régalienne de rendre la justice, la même justice à tous les citoyens, sans aucune forme de discrimination”. Et que la loi soit “appliquée dans toute sa rigueur contre les auteurs et complices des faits infractionnels.”
Cette application stricte de la loi ne dérange nullement le Chef de l’État qui, dans sa réplique au Président de la Cour Suprême a déclaré que “pour ma part, la garantie de l’indépendance de la justice dévolue à ma personne, sera strictement observée. J’invite la famille judiciaire à rendre la justice en toute responsabilité au strict regard de la sacro-sainte formule : « DURA LEX SED LEX ». Les sollicitations exprimées pour l’amélioration de vos conditions de travail feront l’objet d’étude par les services compétents.”
Le président de la Cour Constitutionnelle, M. Amadi Tamba Camara, a déclaré dans ses voeux au Chef de l’État Ibrahim Boubacar Kéïta qu’“il est des moments qui marquent des jalons importants dans la vie d’une nation. Assurément, l’année 2013 en sera dans l’histoire du Mali.” Elle qui a été “marquée par deux faits majeurs : la libération des régions septentrionales du pays et l’organisation des élections présidentielle et législatives.”
Des élections dont, “conformément aux dispositions de l’article 86 de la Constitution” la Cour Constitutionnelle “statue sur la régularité” et “proclame les résultats”, a précisé le président Amadi Tamba Camara. Aussi, celui-ci a-t-il souhaité “partager avec” le Président de la République “quelques enseignements des consultations électorales qui viennent de se tenir” (l’élection du Président de la République, le 28 Juillet 2013 pour le premier tour et le 11 Août 2013 pour le second tour; les élections législatives, les 24 Novembre 2013 et 15 Décembre 2013 respectivement pour le premier tour et le deuxième tour).
En parlant desdits enseignements, le président de la Cour Constitutionnelle, M. Amadi Tamba Camara, a souligné: “Premièrement, la régression significative du volume du contentieux due entre autres, au durcissement des conditions du vote par procuration, à l’introduction de la biométrie à travers la carte NINA, à l’utilisation de carnets de bulletins numérotés, ainsi qu’à des listes électorales et d’émargement personnalisés. Deuxièmement, l’évolution positive du taux de participation consécutive non seulement à une bonne campagne de sensibilisation, mais surtout à une volonté inébranlable de nos concitoyens de se doter d’institutions légitimes et crédibles.” Il a aussi souligné qu’ “à côté de ces aspects dont on se réjouit fortement, il faut aussi relever quelques faits moins reluisants comme par exemple, le nombre particulièrement élevé des bulletins nuls atteignant 20% dans certains bureaux de vote. Ce fait, imputable, pour une partie, à la volonté de certains électeurs de voter « blanc », ne pourrait-il pas également s’expliquer par le recours au bulletin unique dont l’utilisation poserait quelques difficultés aux électeurs, annihilant ainsi leurs efforts de participer aux choix de leurs représentants ?”
Au-delà de ces enseignements relevés, le président de la Cour Constitutionnelle a attiré l’attention du Chef de l’État “sur les lacunes et les contradictions de la législation électorale qui posent quelques problèmes pour un meilleur accompagnement de la mission de contrôle de la régularité des élections dans notre pays”. Aussi a-t-il rappelé que “cette question récurrente a d’ailleurs déjà été soulevée par la Cour Constitutionnelle, à la suite des élections générales de 2002, dans un document qui contenait les observations et les recommandations de l’Institution”.
S’agissant de la démocratie malienne, M. Amadi Tamba Camara a déclaré que celle-ci “a besoin d’être consolidée”, mais qu’“il faut d’abord gagner le pari de la paix, de l’intégrité territoriale et de la cohésion sociale” et “que chaque acteur du jeu politique et institutionnel respecte les règles qui fondent la légalité et la légitimité des actes”.
En répondant au président de la Cour Constitutionnelle, le Président de la République a salué le “professionnalisme” et “l’esprit d’équité qui ont prévalu dans la gestion des résultats des élections présidentielles et législatives qui ont concrétisé le retour de notre pays à la normalité constitutionnelle. Il faut le dire avec force, la paix sociale et la stabilité étaient largement tributaires de la qualité de vos travaux. Votre réussite a été le couronnement des efforts louables des hommes et des femmes profondément attachés à l’idéal de justice et d’équité qui doivent demeurer des valeurs constantes dans tous nos actes.”
Lors de la cérémonie de présentation des voeux au Chef de l’État, l’Honorable Oumarou Ag Mohamed Ibrahim Haïdara, président du Haut Conseil des Collectivités, a rappelé ce qu’il appelle “quelques attentes et préoccupations qui se sont cristallisées en 2013” dont : “l’organisation bien réussie des élections présidentielles et législatives, consacrant ainsi le retour de notre pays, dans le cercle vertueux de la démocratie et de la stabilité”; “la tenue des Etats Généraux de la Décentralisation, les Assises du Nord, deux évènements majeurs qui s’imbriquent harmonieusement avec comme finalité, la quête du développement et de la paix”. Aussi a-t-il la conviction que “les différentes recommandations et conclusions qui sont sorties” de ces “deux évènements majeurs” “serviront de socle pour répondre au canon de la décentralisation qui impose aujourd’hui des hommes et des femmes pétris des valeurs. »
Un autre socle auquel espère le président du Haut Conseil des Collectivités, c’est le leadership dont jouit le Président Ibrahim Boubacar Kéïta. “Oui, Monsieur le Président sous votre leadership, notre nouvelle identité patriotique nous attachera mieux à notre culture multiséculaire, à nos valeurs humaines d’entraide et de solidarité pour construire un futur riche de promesses”, a déclaré Oumarou Ag Mohamed Ibrahim Haïdara. Celui-ci estime également que l’ère qui débute avec Ibrahim Boubacar Kéïta “devrait marquer un tournant, celui d’un nouveau type de citoyen plus soucieux de la patrie et plus engagé au travail qui profite à la collectivité”.
Les espérances qu’il a lui-même formulées ainsi que l’“ambition nationale” que porte le Président Ibrahim Boubacar Kéïta ont, relève le président du Haut Conseil des Collectivités, “besoin d’un climat apaisé, dans un état unitaire” et dans un cadre de “décentralisation que nous souhaitons immédiate et intégrale”.
M. Oumarou Ag Mohamed Ibrahim Haïdara a la conviction que grâce à la décentralisation, “chaque terroir pourrait mettre en valeur ses atouts de la façon la plus adaptée aux besoins réels de ses populations.”
Le Président Ibrahim Boubacar Kéïta a, en retour, rassuré le président du Haut Conseil des Collectivités, M. Oumarou Ag Mohamed Ibrahim Haïdara, des bonnes dispositions qu’il a envers lui. “ Je suis convaincu que l’homme d’honneur et de bien que vous êtes, est devenu une référence pour tous ceux qui luttent pour la réconciliation nationale et la préservation de l’unité nationale. Le Combat pour le Mali se mène sur plusieurs fronts, à plusieurs étages, chaque voix compte, chaque force compte. Vous répondrez toujours présent, j’en suis sûr”, a déclaré Ibrahim Boubacar Kéïta.
En abordant à son tour les sujets évoqués par Oumarou Ag Mohamed Ibrahim Haïdara, le Chef de l’État a souligné que “le Mali a enregistré des progrès notoires dans la mise en œuvre de la décentralisation. Toutefois, le chemin à parcourir reste encore long et pavé d’embuches. A chaque étape de ma carrière politique, il m’a été donné de me pencher sur la problématique de la décentralisation qui, vous le savez mieux que quiconque, est une réalité complexe. Et c’est cela qui me permet d’apprécier à sa juste valeur votre mission qui est sacrée et d’apprécier les résultats auxquels vous êtes parvenus. La décentralisation est l’avenir du Mali. Il n’y recoupera pas. Alors, mieux vaut prendre le taureau par les cornes. Et je suis déterminé à le faire.”
Dans son allocution, le Vérificateur Général, M. Amadou Ousmane Touré, s’adressant au président Ibrahim Boubacar Kéïta, a déclaré que l’autorité indépendante qu’il dirige “salue et encourage les initiatives prises” depuis l’installation du nouveau Président, “notamment la politique agressive de lutte contre délinquance économique et financière sous toutes ses formes et manifestations”, a-t-il précisé. Le Vérificateur Général estime que ces “initiatives prises” augurent “de lendemains meilleurs pour le Peuple Malien”.
Mais qui parle de vérification, parle de documents officiels. C’est pourquoi M. Amadou Ousmane Touré souligne que “la destruction massive des documents consécutive aux événements du 22 mars 2012 et à l’occupation des régions du nord incitent à imaginer de nouvelles méthodes de conservation et d’archivage afin de préserver de manière durable la traçabilité de la gestion publique. C’est là aussi un parchemin heureux pour aider le contrôle et la lisibilité de la gestion publique.”
Fort des succès enregistrés par ses services et “le retour progressif de la paix et de la sécurité”, M. Amadou Ousmane a dit au Chef de l’État que “le Bureau du Vérificateur Général entend élargir le périmètre de ses actions, notamment à travers des vérifications sur l’ensemble du territoire national. Cette perspective de maillage territorial sera accompagnée de la diversification des types de vérifications.”
Le Président de la République a rappelé au Vérificateur Général qu’“Il y a quelques semaines, vous me remettiez votre Rapport Annuel 2012. Le tableau que vous y dressez est particulièrement sombre et préoccupant. La lutte contre la mauvaise gouvernance doit être vécue comme une interpellation individuelle et collective de chaque instant.”
Le Chef de l’État a aussi rappelé que pour sa “part, je l’ai déjà dit plus d’une fois et je le redis ici, « Tolérance Zéro » pour les corrupteurs, les corrompus et leurs complices. Mon intransigeance en la matière ne saurait être prise à défaut. Et c’est pour cela que votre rapport qui vient d’être rendu public sera transmis aux autorités judiciaires compétentes pour toutes suites appropriées.”
S’adressant à tous les autres Chefs d’institutions et d’autorités indépendantes (Conseil Economique, Social et culturel, Médiateur de la République, etc..), le Président Ibrahim Boubacar Kéïta a souligné avec conviction que “le bateau Mali est de nouveau à flot. Il s’est tracé un cap. C’est de mener les Maliennes et les Maliens à une société de progrès quotidiens et mesurables afin d’atteindre à l’émergence.”
“C’était l’espérance que ce peuple envers lequel je resterai endetté, a mis dans son bulletin avant de me confier la magistrature suprême avec une majorité dont la signification ne saurait tromper”, a-t-il ajouté. “J’ai donc compris qu’il s’agit de redonner à notre pays l’espérance pour des lendemains meilleurs. J’ai compris qu’il s’agit d’aller à ce front ardu sans haine ni esprit de vengeance.”
Le Chef de l’État a rappelé aux chefs d’institutions et d’autorités indépendantes que leurs “nobles missions dépendent étroitement la consolidation de l’édifice institutionnel, la défense des droits des citoyens, la cohésion sociale et la responsabilisation des différents acteurs dans l’œuvre de construction nationale, l’amélioration des pratiques administratives et de la gestion financière.”
Une synthèse de Chouaïdou TRAORÉ
Monseigneur Jean Zerbo, Archevêque de Bamako, au Président IBK
« L’Eglise Catholique tient à vous affirmer son attachement ferme au principe de la laïcité »
L’Archevêque de Bamako, Monseigneur Jean Zerbo, manie la langue Bambara à merveille. Aussi ne se prive-t-il point de l’opportunité pour sortir des phrases inspirées, qui traduisent la réalité profonde du moment. “Wa Donni de dalen flé i kun ni yé dèh !” (Vous voilà bien investi d’une lourde responsabilité !), a-t-il déclaré devant le Président de la République Ibrahim Boubacar Kéïta, lors de la cérémonie de présentation des voeux au Chef de l’État à l’occasion du nouvel an. C’était le 23 décembre 2013 dans la salle des banquet du Palais de Koulouba. Une lourde responsabilité en cette période où “Dambè fini kono wolonfila fara la ka bo anw na pew” (Le pagne de notre dignité constitué de sept bandes nous a été enlevé, déchiré entièrement).
Pour Monseigneur Jean Zerbo, la première des tâches qui incombe au Chef de l’État est de recoudre “le pagne de notre dignité”. “La lourde charge qui vous a été confié, vous avez accepté sous serment devant Dieu et devant les humains de la porter. Elle s’appelle redonner au Mali, sa dignité pleine et entière, dignité salie et déchirée au point de nous laisser nus ou presque, à la face du monde par nos divisions et nos combats fratricides”, a-t-il déclaré. L’Archeveque de Bamako souligne que les sept bandes du “pagne de notre dignité” sont: “1- La liberté; 2- Le chômage; 3- La situation des enfants soldats; 4- Le combat pour le respect du bien commun, de la justice et du droit; 5- l’Education et de la culture; 6- Le Foncier; 7- Le dialogue, la Réconciliation la justice et la paix.”
Si les “bandes” du “chômage”, de “la situation des enfants soldats” , du “combat pour le respect du bien commun, de la justice et du droit”, de “l’Education et de la culture”, du “Foncier”, du “dialogue, la Réconciliation la justice et la paix”, ont été dites et redites par plusieurs intervenants au cours de la cérémonie de voeux 2014 au Chef de l’État, la “liberté” a été presqu’un cri de coeur dans la bouche de Monseigneur Jean Zerbo.
“Oui la première bande du pagne de notre dignité qui a été salie et déchirée en partie, s’appelle la liberté”, a déclaré l’homme de dieu. “Le spectacle des déplacés et des refugiés , les tortures, les flagellations, les amputations, les viols, l’interdiction des manifestations lors des mariages et des fêtes, l’imposition du port de la Bubka, la destruction des monuments dédiés à la mémoire des saints de l’Islam à Tombouctou, la profanation des Eglises et des temples, la menace de mort contre les non musulmans. Il s’agit d’autant d’actes de graves attentes aux libertés fondamentales dont le droit à la liberté religieuse après le droit à la vie est la plus importante”, a précisé Jean Zerbo. Aussi ajoute-t-il que “la volonté manifeste d’imposer la sharia faisait basculer le Mali dans le rang de République islamique. Finie la laïcité un des principes de notre constitution. Elle garantie le droit à la liberté religieuse.”
Puisque Dieu dans sa Miséricorde infinie a protégé le Mali d’une telle calamité, Monseigneur Jean Zerbo estime qu’il du devoir des humains, des Maliens que nous sommes de s’employer à éviter pareille situation à l’avenir. Ce qui lui fait à l’attention du Chef de l’État et à la nation malienne entière que “l’Eglise Catholique par ma voix tient ici en ce jour de présentation des vœux, les tout premiers de votre premier mandat, à vous affirmer son attachement ferme au principe de la laïcité, garant de la liberté religieuse. Elle souhaite que vous et votre gouvernement ainsi que toutes les institutions du Mali contribuent à tous les niveaux au respect et au développement d’une telle culture. Il nous faut continuer à vivre en paix comme des frères et sœurs, des enfants de Dieu, dans l’acceptation de nos différences religieuses ethniques, linguistiques, culturelles et sociales.”
Au-delà du pagne de notre dignité à recoudre, l’Église Catholique se préoccupe fortement de la réconciliation nationale. D’où l’affirmation de “son entière disponibilité à accompagner au titre de sa double mission de veilleur et d’intercesseur”, le “ministère spécial, celui de la Réconciliation Nationale et du Développement des Régions du Mali”. “Ainsi que toutes les initiatives visant à renforcer l’unité, la paix nationale”, a ajouté Jean Zerbo.
Une synthèse de Chouaïdou TRAORÉ