La révolution, voire l’insurrection civile qui a été à la base de la chute du régime IBK a fini par bouffer ses enfants. De l’Imam Dicko, l’autorité morale du Mouvement insurrectionnel, actuellement en exil forcé, à Mohamed Ali Bathily, en prison, en passant par Me Mountaga Tall, en errance et mis à la touche, jusqu’à l’actuel PM et de surcroit Président du Comité stratégique du M5 RFP, non seulement en mauvaise posture, mais aussi humilié par une frange militaire de la transition.
Bref tous ceux qui ont participé pleinement à la gestion du pouvoir sous IBK ou qui ont bénéficié de ses largesses, devenus par la suite ses opposants ne s’en tirent véritablement pas à bons comptes sous la transition. Humiliés, vilipendés, incarcérés ou contraints à abandonner la politique. L’espoir suscité par l’insurrection s’est transformé en désillusion, voire en désespérance. Tous les hommes politiques qui ont combattu IBK et surtout qui ont été ses ministres sont en disgrâce avec les militaires qui sont venus juste parachever la révolte populaire disent ils mais qui détiennent la réalité du pouvoir et en abusent à satiété. En bon religieux ne pourrait-on pas dire qu’ils ont été frappés par le Karma d’IBK ? Leur insurrection a-t-elle fini par les dévorer ?
L’histoire est en train de donner raison à ceux qui ont lancé l’appel au M5RFP de jouer à la prudence et de ne jamais contribuer à la chute d’un régime démocratiquement élu en dépit de tous les déboires constatés. Mohamed Youssouf Bathily dit Ras Bath l’une des figures de la société civile avait tiré la sonnette d’alarme pour dire au M5 RFP de ne pas jouer le jeu de la forfaiture car pour lui presque tous les leaders du Mouvement insurrectionnel étaient soit des anciens ministres, Président d’institution, d’hommes d’affaires ayant bénéficié des marchés, bref des hommes et de femmes qui ont participé à la gestion du pouvoir avec IBK. Le bilan, jugé chaotique était incontestablement celui des leaders du M5 RFP. Par l’inconstance, le manque de crédibilité, la corruption, la trahison, l’homme politique passe aux yeux de l’opinion comme ce malfrat de la République en qui l’on ne doit plus avoir confiance. S’il faut reconnaitre que le jugement de l’opinion contre l’homme politique est sévère, il n’en demeure pas qu’il traduit la grande déception qu’elle a de la classe politique malienne. De ce conglomérat d’associations et des partis politiques, d’obédiences idéologiques différentes, mais mus par la seule volonté de faire partir du pouvoir un régime démocratiquement élu formant le M5 RFP, il n’en reste plus grand-chose. Les plus téméraires, pardon les plus zélés s’accrochent contre vents et marais, sinon la grande majorité broie du noir.
A commencer par l’autorité morale du M5 RFP que fut l’Imam Dicko et sans la participation duquel la révolution n’allait pas aboutir. Aujourd’hui en exil forcé en Algérie, l’Imam a été l’un des grands artisans de l’élection d’IBK en 2013. Pour la première fois dans l’histoire démocratique du Mali, certaines mosquées étaient devenues des QG de campagne pour le candidat IBK. Après son élection à la magistrature suprême l’Imam a sans nul doute bénéficié des largesses du pouvoir IBK. Il doit même sa longévité à la tête du Haut Conseil Islamique, HCI, à IBK qui l’a imposé avant de le lâcher au profit du Chérif Ousmane Madani Haïdara. Le début de la fin de la lune de miel entre l’Imam Dicko et IBK est passé par là. Avant de devenir un farouche opposant au régime après son éviction à la tête de la Commission des bons offices par le premier ministre Soumeylou Boubèye Maiga. A la tête de l’insurrection populaire, sa participation a été la plus déterminante dans la chute du régime de son ex-ami IBK.
S’agissant des anciens ministres d’IBK devenus ses farouches opposants, aucun n’a démissionné ils ont tous été virés du gouvernement soit pour insuffisance des résultats ou pour soupçon de corruption, à commencer par l’actuel PM Choguel K Maiga, ancien ministre de la communication d’IBK et porte-parole du gouvernement, Me Mohamed Ali Bathily, ancien ministre des Domaines de l’Etat, Me Mountaga Tall, ancien ministre de l’enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Konimba Sidibé, ancien ministre en charge de l’Entreprenariat, la liste n’est pas exhaustive. Tous ces anciens ministres, excepté Choguel K Maiga, sont soit en prison, ou sont simplement mis à l’écart dans la gestion du pouvoir. Doit-on simplement se limiter à ces quelques figures emblématiques du M5 RFP ? La réponse est non car à côtés de ces gros calibres il y avait des figures remarquables comme le tonitruant Issa Kaou N’Djim, le combattif Clément Dembélé alias Mr anticorruption, Que dire de l’opérateur Jeamille Bittar qui a fini par annoncer la fin de sa carrière politique. Toutes ces figures triment si elles ne sont pas en exil ou en prison.
En bon religieux ne pourrait-on pas dire qu’ils ont été frappés par le Karma d’IBK ?
Il serait difficile d’être affirmatif sur cette question étant entendu que le régime IBK a également causé la perte des milliers de maliens. Sa gestion a été l’une des plus chaotiques des régimes qui se sont succédé au pouvoir au Mali de l’indépendance à nos. Sauf que ces motifs ne sauraient justifier un coup d’Etat, surtout quand on sait que les conséquences d’un coup d’état sont énormes pour un pays. C’est simplement l’aventure ! ils ont tous été victimes de leurs calculs politiciens, de leur égo surdimensionné et de leurs ambitions démesurées. Ils ne se sont jamais inspirés des combats politiques menés par le peuple sénégalais et sa classe politique qui, dans une unanimité parfaite se sont dit opposés à toute tentative d’immixtion de l’armée dans l’arène politique. Au Mali c’est la classe politique, des pseudos démocrates, incapables de résoudre leurs différends politiques par la voie du dialogue et la confrontation d’idées, qui appellent généralement la grande muette à sortir de son domaine régalien pour venir jouer un autre rôle. Les leaders du M5 RFP ont semé le vent ils ne pourront que récolter la tempête et IBK de là où il est doit se frotter les mains de satisfaction !
La révolution a-t-elle fini par bouffer ses enfants ?
C’est dans l’ordre naturel des choses, dans la gestion du pouvoir, d’où cette assertion, le combat unit mais le pouvoir divise. La révolution qu’elle soit militaire ou civile finit toujours par mettre dos à dos ses véritables artisans. Donc le Mali ne fera pas exception à cette règle. Ce qu’il faut redouter c’est quand le camp qui pense être suffisamment fort pour écraser l’autre ne finit pas par s’écraser lui-même, car les luttes internes ont pignon sur rue au sein du pouvoir, tout comme les ambitions s’entrechoquent. La frange militaire de la transition va-t-elle à son tour être victime du Karma du M5 RFP ? Seul le temps permettra de répondre à cette question. Quant à la branche civilo-politique, elle doit non seulement faire son mea culpa, mais aussi une introspection afin de faire des propositions pour une sortie de transition.
Youssouf Sissoko
Source : L’Alternance