Au Mali, le secteur des arts et de la culture n’a pas été épargné par la grande faucheuse. Il a perdu des têtes d’affiche comme Oumou Diarra dite Dièman, Amadou Konaté, Mahamadou Koly Kéita, Fatoumata Coulibaly, Tomani Kouyaté, Moussa Traoré dit Taras… qui ont ainsi laissé un grand vide dans leurs domaines.
L’annonce de son décès le 26 décembre 2023 a ébranlé la capitale, voire le pays et sa diaspora. Et cela d’autant plus que les émissions de cette talentueuse animatrice de radio, comme «20/20», défiaient tous les records d’audience. Mais, la célébrité ne rend pas immortel. C’est ainsi que Coulibaly Oumou Diarra a tiré sa révérence ce mardi (le jour où elle animait 20/20 sur la Chaîne II de l’ORTM) 26 décembre 2023 des suites d’une crise cardiaque.
Elle s’est ainsi éclipsée deux jours après Amadou Konaté, une autre grande figure de la presse et de la culture au Mali. Ce communicateur émérite et homme de culture était précédemment Chargé de mission à la Cellule de communication et des relations publiques à la présidence de la République. A noter qu’il a eu aussi à gérer la communication du ministère de la Culture. Journaliste-réalisateur, Amadou Konaté a servi avec «professionnalisme et abnégation» à l’Office de radiodiffusion télévision du Mali (ORTM) durant la majeure partie de sa carrière. Il y a animé une émission culturelle populaire, notamment axée sur le théâtre. Très éloquent et doté d’un impressionnant background, il était le maître de cérémonie attitré des cérémonies officielles organisées par l’État malien. «Amadou Konaté était un homme de grande culture. Il était passionné par le cinéma, le théâtre et la musique. Il était également un grand communicateur, capable de captiver son auditoire par ses discours éloquents», a témoigné un confrère.
L’annonce de son décès le 4 mars a plongé le cinéma, le théâtre et la presse dans un profond deuil au Mali. Et cela d’autant plus que Mme Traoré Fanta Coulibaly dite FC était une «grande dame des arts et de la culture». Née dans les années 60 à Sido (actuelle région de Bougouni), elle est de la promotion 1982-1986 de l’Institut national des arts (INA). Elle fait ainsi partie des membres fondateurs en 1985 de la troupe «Nyogolon», la première troupe dramatique privée du Mali.
Son professionnalisme ainsi que sa maîtrise de ses rôles et de la scène lui ont valu le sobriquet de «Fanta Nyogolon». Elle s’est ainsi illustrée dans des pièces comme «Samba ni Sira», «Sida», «Exode rural» … ainsi que de nombreux sketches d’information, de sensibilisation, d’éducation et de plaidoyer. «La comédienne était aussi une figure incontournable de tous les grands cinémas et SITCOM du Mali. Pour sa riche carrière, elle a reçu la distinction de chevalier de l’ordre national du Mali en 2009», a rappelé un confrère après son décès.
En plus d’une brillante carrière sur scène, la regrettée Fatoumata était aussi une dame très engagée. Elle fut ainsi la 2e secrétaire à la communication de la Coordination des Associations et ONG féminines (CAFO) et celle de l’Alliance malienne de lutte contre la pauvreté. Tout comme était la Secrétaire générale de l’Association de lutte contre la drépanocytose (AMLUD). Épouse d’Adama Traoré (président d’Acte sept et de la Fédération des artistes du Mali/FEDAMA), elle était la chargée du projet de «Acte sept» et membre de la Haute autorité de la communication (HAC).
Le décès le 11 novembre 2023 de Mahamadou Koly Kéita dit «Madou Koroba», a été aussi une autre grande perte pour le paysage audiovisuel et le cinéma maliens. Il fut un talentueux réalisateur à l’ORTM et dans le secteur du cinéma. «Témoin du travail que tu as fait pour montrer au public les richesses du patrimoine culturel malien et africain, je te décerne ce témoignage de satisfaction à titre posthume pour services rendus à la Nation pour la défense de notre bien le plus précieux : notre culture !», a témoigné Boubacar Sidibé, réalisateur de séries à succès.
«Ma première rencontre avec Koly fut lors de ses explications et démonstrations dans les locaux de la télévision scolaire alors que j’étais étudiant au lycée, en classe de Sciences exactes Terminales (SET). Des années plus tard, nous avons travaillé comme collègue à la télévision nationale du Mali. Pendant des années, il occupa le poste de Directeur de production et de programme de l’ORTM», a ajouté l’initiateur de la «Maison des cinéastes du Mali». L’illustre défunt s’est surtout illustré comme un talentueux réalisateur de clips vidéo pour les artistes, de théâtre, de films et séries…
Le 22 février 2023, la superbe voix de Tomani Kouyaté s’est définitivement éteinte en République de Guinée Conakry à 46 ans. Présente à Conakry avec d’autres artistes pour participer à la 5ème édition du «Sumu national» (organisée le 24 février 2023) dédiée à feu Mah Kouyaté N°2 et Mariamagbe Diabaté, la cantatrice a été terrassée par un arrêt cardiaque. Lors de ses obsèques (le 26 février 2023), sa mémoire a été saluée par les témoignages comme une griotte qui s’est toujours battue pour la paix et la cohésion entre tous les artistes. «Griotte, véritable animatrice de scène, Tomani Kouyaté avec sa voix suave et à travers ses nombreuses chansons a su conquérir le cœur de millier fans qui voient aujourd’hui en sa mort une grande perte pour la musique malienne», a écrit un confrère pour rendre hommage à la défunte qui laisse «deux enfants (une fille et un garçon) ainsi que des fans inconsolables».
Mahamadou Issoufi Maïga dit Djambala de Gao (14 février) ; Mahamane Mohamed (bassiste de Khaïra Arby décédé le 28 mars à Tombouctou), le comédien Cheick Souleymane Doumbia dit Dantoni (19 avril) ; Mamoutou Kéita alias Pékin (1er mai), Mamani Touré dit Mamani Tchiamanga de l’orchestre régional de Tombouctou (26 juin) ; Moussa Traoré dit Taras (26 juillet) ; le syndicaliste et acteur Abdramane Hinfa Touré (20 novembre) ; Mama Diabaté (cantatrice maliano-guinéenne décédée le 5 décembre) ; Hadani AG Houya (musicien touareg décédé le 19 décembre au Niger), Ngonifo Harouna Doumbia dit Foloba (donso ngoni, 16 décembre)… ont été, entre autres, acteurs culturels et artistiques arrachés à l’affection de leurs fans et collègues en 2023.
Tout comme Ibrahim Tahirou Coulibaly, comédien qui s’est éclipsé de la scène de la vie le 23 décembre 2023. Selon le réalisateur Boubacar Sidibé, le défunt a été comédien dans plusieurs films et séries. Il s’est notamment illustré dans «La langue et les dents» (une série 20 épisodes de 26 minutes), «Dachima ka so» (série de 30 épisodes de 30 minutes) et dans plusieurs films et séries sur les réseaux sociaux…
Malheureusement, comme celui de la vie, le cycle infernal ne s’arrête pas. C’est ainsi que la culture, les arts et les médias du pays ont été encore endeuillés en ce début d’année par le décès d’un monument du Nyogolon (création satirique), une figure culturelle charismatique : Seydou Touré dit Dougoutigui ! Le chef du village a été arraché à notre affection mercredi dernier (10 janvier 2024).
Agent à la retraite de l’Office radiotélévision du Mali (ORTM), il était plus connu dans le monde culturel à cause de sa brillante participation à la réalisation de films documentaires et de sketches d’information, de sensibilisation et d’éducation. Il a hérité du sobriquet «Dugutigi» (Dougoutigui) car il maîtrisait parfaitement bien le rôle de chef de village dans les «nyogolons» (pièces et sketches de d’information, de sensibilisation et d’éducation). Toujours entre le marteau et l’enclume pour départager les regrettés Lassidan (Ténéma Sanogo) et Zanké (Lassine Coulibaly) ainsi que «Hamady».
«Kôrô Seydou aura marqué de son empreinte le monde de l’art dramatique dans notre pays. Il m’aura donné des moments de joie et de fraternité. Son esprit de créativité, qui était certainement dessus de la mêlée, aura profiter à beaucoup d’entre nous. Qu’il en soit remercié», a témoigné Habib Dembélé dit Guimba National. Hélas, Dougoutigui a rejoint Zanké, Lassidan Traoré Fatoumata Coulibaly «FC». On imagine la peine des survivants comme Hamady, Dikoré (Oumou Berthé), Malick Dramé…
Que leurs âmes reposent en paix dans la grâce d’Allah !
Amen !
Moussa Bolly
Une autre cruelle perte pour la compagnie Nyogolon
Le décès de Seydou Touré alias Dougoutigui (10 janvier 2024) est une perte cruelle pour les arts et la culture au Mali, mais surtout pour la compagnie «Nyogolon» dont il a toujours été l’une des pièces maîtresses, une personnalité centrale autour de laquelle état le plus souvent conçues les différentes créations.
Avec sa bande, Seydou Touré a redonné une seconde vie au nyogolon, un genre de théâtre populaire et d’animation mélangeant comédie, acrobatie, musique, interaction avec le public… Une large gamme de disciplines réunies en une seule fait du genre un puissant véhicule de communication en direction des populations à la base. On comprend que, avec des comédiens rivalisant de talent dans différents rôles, la compagnie Nyogolon se soit spécialisée dans le théâtre «utile» (une forme qui traite de sujets liés au développement) et qui s’est assignée comme objectif l’information, la sensibilisation de la population sur des problèmes actuels comme le sida et les MST, la déforestation et la désertification, la sécheresse et la gestion de l’eau, l’unité nationale, la cohésion sociale, la violence basée sur le genre, l’éducation, etc.
Il faut rappeler que cette troupe a été créée en 1986 à Bamako par Philippe Dauchez. Homme de théâtre et professeur émérite à l’Institut national des arts (INA) il a puisé six comédiens dans le riche vivier de ses anciens étudiants. Et depuis, le succès est au rendez-vous, même si les premiers pensionnaires commencent à se faire rares.
Ainsi va la vie !
M.B