Le Mali, depuis le mois de juin passé, n’est plus gouverné. La révolution populaire déclenchée le 05 juin dernier était parvenue à arrêter la conduite normale de la gouvernance. Et la chute du régime le 18 août 2020 ne parvient pas encore à redémarrer le processus de la reprise réelle des affaires du pays. Il faut reconnaître que le Mali se trouve dans une situation bien confuse. En effet, depuis la ville garnison de Kati, le Comité national pour le salut du peuple (Cnsp), groupe de jeunes officiers de l’armée qui détient la réalité du pouvoir, s’est barricadé, et ne fait qu’entrouvrir leur monde. Une situation qui laisse le champ libre à bien de manœuvres de positionnement et d’opportunisme.
L’ancienne majorité qui avait été implacablement ignorée par le régime déchu cherche par tous les moyens à se refaire une virginité, elle essaie un forcing auprès des jeunes militaires de Kati. Le M5-RFP qui est à la source de tout ce qui s’est produit tient bon dans ses bottes. Il n’a d’ailleurs point le choix, il doit défendre l’idéal prôné depuis le début et pour lequel des vies humaines ont été sacrifiées. Les militaires qui détiennent par la force des choses le pouvoir pensent qu’ils peuvent changer, et sans influence, le Mali et les Maliens à travers une transition. La CEDEAO se noie dans ses protocoles, et ne tient pas à laisser le Mali se dresser en mauvaise graine dans une sous-région bien agitée. Le peuple au nom duquel tout le monde croit œuvrer n’a jamais été autant perdu.
Pourtant, rien n’est nouveau sous les tropiques
Les civils ont amené le Mali à l’indépendance, et leurs insuffisances ont permis à des militaires d’accéder au pouvoir, eux aussi étaient jeunes, après deux décennies de gestion, les Maliens ont été contraints de braver la mort pour les enlever. Pourtant ces jeunes soldats aussi avaient suscité beaucoup d’espoir en leur temps. Leurs successeurs étaient aussi de jeunes militaires, mais qui avaient su créer une grande symbiose avec les civils. Et ensemble, mais sous la direction des militaires, ils avaient fait entrer le pays dans l’ère démocratique, qui avait été mise à rude épreuve en 2012 suite à un autre coup de force. Les tiraillements à l’époque entre militaires et civils, les manœuvres d’opportunistes et les signaux de soutiens envoyés aux putschistes par un peuple désemparé ont concouru à enflammer les camps et dégrader profondément l’atmosphère du pays. C’est l’échec dans la gestion cette période-là qui se trouve être la cause réelle et lointaine de la situation actuelle.
Les militaires seuls n’y arriveront pas. Les politiques seuls, toutes tendances confondues, ne trouveront aucune solution. Le peuple, a aujourd’hui un dégoût viscéral à l’endroit de la classe politique, et ne retrouve plus ses marques devant ses ressorts classiques, c’est à dire les religieux et les chefs coutumiers, et si ces militaires parvenaient à se maintenir, ils finiront, dans un délai relativement court, à se brouiller avec ce même peuple qui semble les encourager aujourd’hui.
Les responsables maliens, militaires et civils, doivent être en mesure maintenant de comprendre, que seule leur union sacrée, et leur résilience pourront les aider à pouvoir transcender un moment leurs ambitions personnelles afin qu’ils parviennent à se consacrer à leur pays, pour sauver une nation, qui a perdu tous ses repères. Ce peuple, lui aussi ne sait pas encore que ses élites soient dépassées par les événements. Ils sont non seulement dans une grande confusion, mais ils sont aussi très divisés, chacun campant dans ses retranchements.
Dans ces postures les maliens ne pourront jamais fédérer leurs territoires, ils n’auront jamais le respect nécessaire pour apaiser l’atmosphère à l’intérieur des terres. Ils n’auront jamais cette autorité qui va mettre au pas toutes ces bandes armées éparpillées à travers le pays. Et ils n’auront jamais le respect de la communauté internationale.
À ce train le Mali s’achemine vers une anarchie totale, qui ne peut aboutir que sur une dislocation des régions, et probablement sur des face-à-face armés à travers le pays. Quand l’ordre fout le camp chacun va se débrouiller comme il peut pour survivre. Ce pays, notre Mali est en danger, parce qu’impossible pour lui de créer l’espoir. Il l’est par nos fautes, par notre incapacité à nous accepter, pourtant nous chantons partout que nous sommes le peuple de la parole et de l’entente, il est temps de le prouver, maintenant et tout de suite. Sinon aujourd’hui nous sommes véritablement à deux doigts d’une somalisation, et cela par notre seule volonté de nous nuire mutuellement.
Moussa Sey Diallo
Le Démocrate