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Le Mali aux temps du grand cauchemar, Par Ousmane Diarra, écrivain

C’était le Jahadi, en bonne et due forme. Il était de retour. Qui l’aurait cru il y a seulement quelques années ? Qui aurait cru que cette mère de calamité allait nous retomber sur la tête. Certains, dans les régions occupées, n’arrêtaient pas de murmurer, les dents serrées, « faut-il qu’à chaque demi-siècle l’on vienne nous casser copieusement la gueule pour nous obliger à nous ré-islamiser ?

« Pour accepter ça, il faut que nous soyons de sérieux crétins », fulminaient d’autres en mordant leurs lèvres jusqu’au sang.

Le «Jahadi », la mère des calamités. C’est dire combien nos anciens avaient subi ce fléau ! « C’est aux grandes Nations et aux grands peuples qu’arrivent les grandes crises ! », je me disais. Mais ce n’était qu’une piètre consolation. Les deux tiers du pays vivaient sous dure occupation des terribles djihadistes. Et un bon nombre de Maliens mouraient tous les jours. Pas de maladie, même si les maladies faisaient des malheurs dans les zones occupées. Pas sous les balles des occupants, même si les occupants avaient la gâchette facile. Mais de « monnè », cette colère rentrée dont Ahmadou Kourouma parle dans son roman Monnè, outrages et défis.

Quoi que pensent ou disent certains, force est de reconnaître que nous étions à deux doigts d’une disparation certaine. Et, à travers ce funeste sort que les barbares modernes nous avaient jeté, toute l’Afrique s’interrogeait : « est-ce comme ça donc qu’on meurt en tant que Nation ? »

Dans les régions sous occupation, ceux qui souffraient le plus de cette situation étaient les artistes, surtout les musiciens, eux qui avaient fait briller haut, très haut, l’étoile du Mali. Ce Mali, justement, où était-il parti ? Quand on lapidait ses femmes, émasculait ses hommes ! Où étaient les descendants de Kaya Maghan, Soundjata Keita, Sonni Ali Ber, Askia Mohamed, Firhoun Ag Ansar, Tiéba, Bemba… ?

« À beau mentir qui vient du Manding ! », nous disaient certains esprits mesquins, pour lesquels toute l’histoire du Mali, des empires médiévaux à nos jours, ne serait qu’une savante invention de nos talentueux griots. Soundjata Keita ? De la fable ! Sonni Ali Ber ? Un conte !…

La survie du Mali en tant que pays était une question de jours. Les terribles djihadistes venaient de faire sauter le verrou de Konna, le dernier tenu par l’armée malienne. Ils déferlaient sur Sévaré. Et Bamako serait à portée de fusil. À travers les radios locales, ils annonçaient, sur un ton péremptoire, en arabe, en bambara et en français : « la conquête du Mali tire à sa fin. Dans moins de dix jours nous serons en route pour la Côte d’Ivoire, inch’allah ! » Mais la France intervint nuitamment – la veille peu de gens avaient pu fermer les yeux.

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