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Le M5-RFP, dans la mélancolie de leur « victoire dérobée »

En juin 2020, plusieurs mouvements politiques se sont unis à l’occasion d’une mobilisation populaire, pour créer le mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques. Avec des manifestations qui ont conduit à une désobéissance civile, ils ont pris d’assaut des rues de Bamako durant plusieurs mois pour demander « le départ d’IBK et son régime ». Avec des morts et des blessés, ils ont tenu le coup jusqu’à Aout 2020, jour où des militaires venus de Kati ont arrêté le Président Ibrahim Boubacar Keita et puis contraint à démissionner. Pour divers raisons les deux tombeurs du président déchu n’ont pas pu trouver une alternance. Depuis les politiciens crient au détournement de leur victoire. Lors d’un point de presse, jeudi dernier, ils l’ont ressassée.

 

Neuf mois après sa création, rien ne semble avoir changé dans la détermination du rassemblement des forces patriotiques. C’était le 5 juin 2020 et le soleil était au zénith à Bamako. « Bravant le soleil et la pluie, les sévices, menaces et arrestations, les gaz lacrymogènes et les tirs à balles réelles qui ont fait de nombreux blessés et morts dans ses rangs, mais refusant aussi les postes ministériels et autres privilèges qui lui ont été proposés, le M5-RFP a vu ses premières revendications aboutir avec la « démission » de l’ancien président de la République, de son gouvernement ainsi que la « dissolution » de l’Assemblée nationale », a rappelé Choguel Kokalla Maïga, le porte-parole du mouvement, lors du point de presse. Mais la victoire a été de courte durée. « Un groupe de militaires, regroupés au sein d’un Conseil national pour le salut du peuple (CNSP), déclarant « avoir parachevé » l’action du M5-RFP était en effet intervenu le 18 août 2020 pour arrêter le président Ibrahim Boubacar Keïta. Ce CNSP apparaissait ainsi comme le partenaire naturel du M5-RFP pour conduire une transition de rupture avec les pratiques contre lesquelles les Maliens s’étaient dressés à Bamako, à l’intérieur du Mali et dans la Diaspora », continue le porte-parole. Toujours est-il que, « après de nombreux volte-face, manquements à la parole donnée, dédits et trahisons, » les politiciens accusent « les autorités militaires qui dirigent de fait la Transition et qui ont fait main basse sur toutes les institutions et tentent une OPA sur l’ensemble de notre Pays et sur tous les leviers d’exercice de sa souveraineté et sur le processus de réformes politiques et institutionnelles » d’agir en complicité et en convergence d’intérêts avec l’ancien régime. Pour toutes ses raisons, le mouvement entend poursuivre sa « mission patriotique ». Il a introduit auprès de la Cour suprême du Mali un recours pour excès de pouvoir contre le décret n°2020-0239/PT-RM du 03 décembre 2020 fixant la liste nominative des membres du Conseil National de la Transition (CNT) « dont l’illégalité n’échappe à personne. » « Cet organe doit être purement et simplement dissout pour illégalité et défaut de légitimité en tant que représentation nationale », a fait savoir Choguel, qui ne décolère toujours pas, malgré le temps. De même, il dénonce « les initiatives et démarches solitaires et les manœuvres subreptices mises en scène pour donner l’impression d’inclusivité, purement factice, du processus de relecture des textes électoraux engagé par la junte, et refuse que les forces sociopolitiques qui le composent soient réduites à jouer le rôle de faire-valoir et de caution de crédibilité à un tel jeu trouble. » Selon le M5-RFP, la mission des autorités est de lutter contre l’insécurité, recouvrer l’intégrité du territoire national, le retour de l’Administration et des services sociaux de base, la relecture de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, la lutte contre la corruption, l’assainissement de la gouvernance des affaires publiques et non « des pseudo-opérations coup de poing de démolition d’immeubles dans la zone aéroportuaire ».
Oui, le M5-RFP est toujours aussi déterminé qu’à sa création ; non il ne pourra pas mobiliser autant de gens qu’en juin dernier, analyse plusieurs spécialistes de la politique malienne. D’autant plus que Mahmoud Dicko, l’autorité morale du mouvement, « est retournée à la mosquée » et que certains membres du M5-RFP ont rejoint les rangs du Conseil National de Transition. Néanmoins « fidèle à ses idéaux et engagements » le M5-RFP, assure « ne peut ni s’associer, ni rester observateur passif, ni assumer la gouvernance en cours ». Il s’attelle à crier, haut et fort, la confiscation des résultats de « sa lutte patriotique déclenchée le 5 juin 2020. »

Aly Asmane Ascofaré

Source : Canard Déchaine

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