Il a fallut l’arrestation des magistrats et auxiliaires de justice pour que des Syndicats de la justice menacent la République d’une grève illimitée. Une réaction épidermique qui en dit sans doute long sur la crainte des juges et auxiliaires d’être démasqués, plutôt démystifiés aux yeux des justiciables.
Ordonner une grève illimitée pour le corps de la famille judiciaire, engager une poursuite judiciaire contre l’Etat pour immixtion du pouvoir exécutif dans la levée des mandats d’arrêt contre les rebelles ! Telles sont, entre autres, les menaces brandies par des Syndicats de la justice pour échapper au Kokajè (transparence) amorcé par les nouvelles autorités maliennes. Menace ? Plutôt chantage comme à leurs habitudes !
Mais, de quoi les juges et auxiliaires ont-ils peur, s’ils se savent réellement au-dessus de tout soupçon ? Doutent-ils déjà de l’innocence de leurs confrères, alors que l’enquête n’est qu’au stade préliminaire ? Autant de questions que de citoyens lambda se posent depuis ces menaces proférées le 18 décembre 2013 à la Cour d’appel de Bamako à l’issue d’une Assemblée générale qui ne fait pas honneur ni à la justice malienne, ni à la démocratie et à l’Etat de droit pour lesquels tant de vies humaines ont été sacrifiées.
C’est curieux que les membres du Syndicat autonome de la magistrature (Sam) et du Syndicat libre de la magistrature (Sylima) se plaignent des conditions de détention de leurs membres, alors que celles-ci sont presque les mêmes pour tous les Maliens. Ou du moins, elles devaient l’être. Combien de citoyens se sont retrouvés dans ces «mauvaises conditions de détention» par le seul vouloir des juges ? Incalculable est sans doute le nombre !
Au Mali, on était arrivé à un stade où le pouvoir des magistrats n’avait d’égal que celui de Dieu, sans blasphème aucun. Oui, ils étaient nombreux à penser qu’ils avaient droit de vie et de mort sur le Malien lambada, c’est-à-dire ce citoyen qui ne peut compter ni sur une fortune ou sur un parent haut placé pour le protéger du couperet oppressif de l’appareil judiciaire. C’est d’ailleurs cela qui a coupé le peuple malien de sa justice.
Censés ignorés la loi ?
Nul n’est censé ignoré la loi, entend-on fréquemment dans les tribunaux et les cours lors des jugements et procès de citoyens en rupture avec la société. Cela suppose aussi que «nul n’est au-dessus de la loi», le nouveau slogan de Ladji Bourama dans sa croisade contre la corruption et la délinquance financière. Sauf, bien sûr, les magistrats et les auxiliaires de justice qui veulent nous faire comprendre qu’ils sont les seuls à pouvoir ignorer la loi, sans conséquence aucune. C’est ce qu’il faut comprendre dans la sortie va-t-en-guerre du 18 décembre dernier.
Les Syndicats veulent signifier au pouvoir que leurs membres ne peuvent pas êtres soumis aux mêmes règles de justice qu’ils appliquent quotidiennement aux autres citoyens. Nous assurons que, si vous en doutez encore, le ridicule a cessé de tuer au Mali depuis belle lurette. À notre avis, ces Syndicats avaient tout à gagner en aidant la justice à faire la lumière sur les affaires dans lesquelles leurs membres sont accusés afin de les blanchir, s’ils n’ont rien à se reprocher. Cela aurait eu au moins le mérite de soigner l’image d’un corps dans un pays où la grande majorité des citoyens n’a plus confiance en la justice.
Nous le disons haut et fort, tout en étant farouchement attaché à la liberté syndicale comme à toutes les autres libertés, que cette attitude menaçante est une insulte aux Maliens. Il faut que ces Syndicats sachent que leurs membres sont avant tout des citoyens au service d’une institution dont l’équilibre est très importante dans la vie d’une Nation, dans la paix et la cohésion sociale, dans l’enracinement de la démocratie et des libertés fondamentales ; donc dans le développement socio-économique du pays. À ce titre, ils se doivent d’être des références morales, des exemples de probité et d’intégrité. Une chose est claire, le peuple malien en a assez de tous ceux qui se prennent pour des dieux pour semer la terreur ici, menacer ou faire chanter là. Les Maliens ont en marre de la tyrannie d’un corps. C’est dire qu’ils soutiennent le pouvoir dans ce combat pour la transparence, sans laquelle ce pays n’avancera jamais.
Au lieu d’engager un bras de fer, il faut faire amende honorable et laisser la «justice» faire son travail, sans pression aucune. La seule pression admissible, c’est pour que la lumière puisse jaillir, que justice soit rendue à qui de droit. Mais, en montant déjà sur leurs grands chevaux, dans une opération censée n’épargner aucune couche socio-professionnelle, les Syndicats de magistrats apportent de l’eau au moulin de cet illustre Bâtonnier de l’Ordre des avocats qui disait, à l’occasion d’une rentrée judiciaire : «Au Mali, la justice est indépendante de tout, sauf de l’argent sale» ! À Méditer profondément pour ne plus céder au diktat de magistrats, pour ne plus tolérer l’existence de cette «République des juges» qui a fait tant de mal à ce pays en hypothéquant le combat pour la justice, la liberté… la dignité de justiciable !
Dan FODIO