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Le devoir de rebondir

Dans notre pays, le Mali, l’année 2021 fut marquée par une détérioration de la situation d’ensemble. L’insécurité a progressé dans nos villes et campagnes avec un épicentre au centre du pays où les populations civiles souffrent le martyre, prises entre le feu croisé des affrontements entre groupes armés et les opérations antiterroristes. La mauvaise gouvernance et les défaillances des hommes politiques ont entrainé l’irruption de l’armée dans la gestion des affaires publiques. Par ailleurs, l’épidémie de la COVID-19 a accentué nos vulnérabilités tout en exposant au grand jour la faiblesse de nos structures sanitaires et sociales. C’est dans un contexte aussi difficile que nous avons des tensions avec nos partenaires dont l’appui est nécessaire. En effet, la baisse substantielle de leur contribution financière risque d’avoir un impact sur les populations les plus vulnérables. Cette situation de grande difficulté nous interpelle tous.

Sur le plan sécuritaire, les pertes en vies humaines demeurent préoccupantes. Selon les estimations de ACLED, (The Armed Conflict Location & Event Data) plus de 10 000 personnes ont perdu la vie dans notre pays depuis le début de la crise en 2012. Par ailleurs, l’ONU estime à 401 736 le nombre de déplacés internes en raison du conflit (septembre 2021).

Nous traversons donc une époque critique qui nécessite de s’unir derrière les FAMas. Nous devons leur apporter un soutien indéfectible tout en étant honnêtes sur les failles de l’appareil sécuritaire. Nous devons aussi reconnaitre les difficultés auxquelles sont confrontés nos militaires en vue d’y apporter les solutions endogènes pour la constitution d’une armée de nos besoins basée sur nos valeurs. Je profite de l’occasion pour respectueusement m’incliner devant le sacrifice de nos braves soldats toujours prêts au sacrifice ultime. Je pense qu’avec une meilleure formation et des équipements, nous pourrons bâtir une armée professionnelle au service des populations. Ceci permettrait en outre de rapprocher l’armée des citoyens et d’éloigner par la même occasion les allégations de violations des droits humains. Nous devons garder en conscience que les violations des droits humains alimentent le cycle des violences, comme ce fut le cas depuis l’indépendance de notre pays. En outre, une professionnalisation de l’armée nous permettra de faire face à l’insécurité et de réduire les coûts de fonctionnement (18,73% du budget national). Une rationalisation de ces coûts permettrait d’augmenter le budget affecté aux secteurs sociaux.

Nous savons aussi que l’armée dont nous rêvons ne peut se réaliser que si nous bénéficions d’un appui de qualité de nos partenaires stratégiques. A cet effet, l’accompagnement sincère de nos partenaires doit nous mettre dans une posture offensive pour anticiper les attaques ennemies et enrayer toute perspective de répit et de replis pour les forces du mal. La guerre qui nous est imposée est asymétrique. Elle se gagne avec des forces spéciales aux capacités de mobilité et de riposte appropriées.

Par ailleurs, au vu des incidents impliquant les forces étrangères (Taranganbougou 17 Mai 2020, Bounti Janvier 2021), nous demandons le respect du droit international humanitaire par ces forces, notamment les principes de distinction, de proportionnalité et de précaution dans la conduite des opérations militaires.

Cependant, il faut l’admettre, la crise sécuritaire n’est qu’un symptôme. Le mal se nomme absence d’un Etat juste, protecteur, serviable, équitable, responsable et redevable.

Sur le plan politique, il est plus que nécessaire que les Maliens amènent la sérénité au centre du débat. Nous pensons qu’il est plus que temps de dépasser les divergences entre acteurs du « mouvement démocratique » et « refondateurs ».

En tant qu’enfants de ce pays, il est temps que nous nous donnions la main pour construire une nation inclusive en vue de définir ensemble les modalités de notre vivre-ensemble. Les Assises Nationales de la Refondation qui se clôturent aujourd’hui auraient pu être ce cadre idéal de retrouvailles. Mais l’exercice n’est point dénué d’intérêt en ce que des recommandations fécondes en résulteront.  Le débat politique et les relations avec la Communauté internationale achoppent sur la question de la durée de la transition. A ce sujet, il est utile de rappeler que la vocation d’une transition réussie est de jeter les bases d’une refondation. La transition ne peut mener une refondation qui est un processus long et sied à des autorités issues d’élections libres, crédibles et inclusives ; finalité de la transition. Assurément, l’échéance de février n’est pas tenable. A moins d’opter pour un remède potentiellement pire que le mal, il faut trouver un compromis dynamique en fixant un chronogramme permettant la tenue d’élections libres, crédibles et inclusives dans un délai raisonnable.

Nous sommes conscients qu’il y a des plaies ouvertes qu’il convient de panser à travers, notamment, l’instauration d’une justice transitionnelle ayant pour objectifs de reconnaître les droits des victimes, d’établir la vérité, de réprimer les crimes commis, de prévenir la commission de nouveaux crimes et enfin de contribuer à la réconciliation et la cohésion nationale. Pour guérir ces maux, nous devons faire appels à nos valeurs culturelles et user des modes de médiations ancestrales (Toguna, l’arbre à palabre, les blons, les tentes et vestibules).

Chers compatriotes, nous savons tous que le contexte économique est difficile et il risque d’empirer avec les effets de la COVID-19, la hausse du taux d’endettement (51,4% attendu en 2022) et le chômage.

Le dialogue entre Maliens nous permettra de rouvrir l’école pour offrir à nos enfants ainsi qu’à notre jeunesse un avenir meilleur. Dans les zones où les établissements scolaires sont fermés, il faut trouver des solutions alternatives urgentes pour les milliers d’enfants privés de leur droit le plus fondamental : le droit à l’éducation. L’école devrait être le creuset d’apprentissage et d’intégration et non produire du chômage et de l’exclusion. Dans ce contexte, il est important d’adapter l’école au marché de l’emploi d’une part et aussi l’intégrer à nos valeurs, y compris à travers l’apprentissage de nos langues nationales. L’Ecole publique a perdu sa vocation de creuset de l’égalité des chances. Il faut la ramener à cette vocation.

Cette crise a renforcé dans nos esprits l’importance de notre pays sur la scène géopolitique. Nous pensons que nous en sortirons grandis avec une compréhension renforcée de notre potentiel. Dans ce contexte, nous devons nous unir et défendre notre souveraineté nationale et éviter à tout prix d’être instrumentalisés dans des guerres d’influence externes.

Aujourd’hui donc, nous sommes confrontés à l’impérieuse nécessité de nous relever pour la survie du Mali et pour l’avenir de nos enfants. Il est extrêmement urgent de trouver en nous les ressorts pour cela. Il est également crucial que nous nous retrouvions autour de l’essentiel, à savoir le Mali, car ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous divise. Nous devons définitivement prendre cette crise comme une opportunité pour remettre le pays sur de nouveaux pieds. Cela nécessite naturellement une refondation en profondeur de notre gouvernance et de notre Etat pour relever les défis contemporains.

Aussi, un renouvellement concomitant du contrat social est nécessaire pour améliorer l’accès aux services sociaux de base et restaurer la confiance des citoyens à l’Etat. Pour y arriver, il est primordial de prendre à bras le corps la lutte contre la corruption, ce fléau qui freine le développement et entrave la légitimité étatique. L’espoir est permis en vue de réunir les Maliens de Kidira à Kidal. Nous sommes en droit de rêver d’un Mali-Kura tant clamé. Ceci en tant que Nation n’est pas un vœu impossible mais pleinement réalisable.

Face au diagnostic établi, nous devons rester confiants que notre nation va se relever et se tenir debout. Nous le devons à la génération future. Le diagnostic est donc accablant et alarmant. Cependant, le pronostic vital n’est pas engagé si nous trouvons en nous les ressorts propres aux grandes nations pour relever les défis qui nous assaillent.

Je vous souhaite une excellente année 2022 et prie pour que cette nouvelle année soit une année de paix, de cohésion et d’apaisement pour notre chère patrie, le Mali.

Un Peuple, Un But, Une Foi. Vive le Mali.
Maître Malick COULIBALY, Ancien ministre de la Justice
Officier de l’Ordre National

Source: LE PAYS

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