Pour le général français à la retraite, l’Europe aura « l’obligation de retourner » en Afrique pour « aider » à la restauration de l’État et le retour des administrations et du développement.
Le général François Lecointre, ancien chef d’état-major de l’armée française, digère mal le retrait des troupes de son pays du Sahel. Cette région, composée de pays tels que le Mali, le Niger ou le Burkina Faso, est en proie aux violences jihadistes et à une instabilité politique des Etats depuis plus d’une décennie. La situation, conjuguée à la montée en puissance de nouveaux acteurs à l’image de la Russie et la Chine, fait dire à l’officier français que l’Europe doit réengager ses forces sur le continent africain pour défendre ses « intérêts ».
« Ce qui est notre destin commun à nous, Européens, c’est la Méditerranée et l’Afrique où notre destin se joue. Et donc nous avons en permanence essayé, nous Français, d’entraîner les Européens dans cette prise de conscience de la nécessité d’agir collectivement en Afrique et en Méditerranée. Et je suis absolument désolé de voir l’échec de nos engagements au Sahel », a souligné le général François Lecointre, 62 ans, dans un entretien publié dimanche par la chaîne YouTube du journal français Le Figaro.
A l’heure des turbulences notées au Moyen-Orient et en Afrique, il estime que l’Europe doit vite trouver des réponses sur l’éventualité de nouveaux « choix politiques » que pourraient prendre les États-Unis d’Amérique dans le but de préserver leurs intérêts géopolitiques particuliers. Face à cette hypothèse, M. Lecointre, engagé au Mali à la tête de la première mission européenne de formation de l’armée malienne de janvier à juillet 2013, indique que le vieux continent doit être « capable de prendre en charge son destin sur le plan militaire, de sa défense, de la promotion de ses intérêts et de ses valeurs ».
Un « intérêt commun » en Afrique
Pour cet officier qui a commandé des troupes au Gabon puis au Rwanda en 1994, l’Europe doit agir en Afrique en raison de « la destruction des appareils de gouvernement et des États », de la « guerre civile dans beaucoup de pays » et des difficultés « liées aux évolutions climatiques ». L’autre argument qu’il avance est que l’Afrique « va connaître une explosion démographique comme aucun continent n’en a jamais connu » et cela aura des « conséquences sur l’Europe » dans les dix et vingt prochaines années.
« Je pense que cet intérêt commun là devrait un jour faire que l’Europe se décidera à agir comme une entité politique qui ira défendre elle-même ses intérêts, y compris par le moyen de l’engagement de ses armées », a soutenu le militaire, estimant que le retrait des forces française Barkhane et européenne Takuba de la région du Sahel était un « échec ».
« Le retrait du Sahel fut difficile à accepter pour tous ceux qui y ont été engagés. Je suis le premier à avoir beaucoup de mal à avaler ça. C’est un échec français, européen et africain qui procède principalement de ce que nous n’avons pas compris, que l’action devait être une action globale », a déclaré François Lecointre, persuadé qu’ils auront « l’obligation de retourner aider ces pays africains » pour la restauration de l’État, le retour des administrations et du développement.
« Ce n’est pas la Chine, la Russie et (son groupe paramilitaire privé) Wagner qui vont apporter des solutions durables aux très grandes difficultés que connaissent ces pays africains et leur population », a fait savoir le général qui a fait son adieu aux armes le 21 juillet 2021.
ODL/ac/APA