Ils sont le « corps habillés » le moins connu au Mali. Mais la Protection Civile du Mali, sous la férule du ministre de la Sécurité Intérieure et de la Protection Civile, général Salif Traoré et du Directeur Général de la Protection Civile, Colonel Seydou Doumbia, poursuit sa mue.
Dans cette interview qu’il nous a accordée, le Colonel Doumbia nous entretient des réformes entreprises par sa structure pour répondre aux besoins des Maliens. Au nombre de ces réformes figurent la Loi de Programmation pour la Sécurité Intérieure (LPSI), le recrutement massif de nouveaux agents et la création au sein à la Direction Nationale de la Protection Civile d’un laboratoire chargé de vérifier la conformité et la qualité des matériaux et normes de construction. Le Colonel Doumbia annonce également que les services de protection civile sont désormais présents sur toute l’étendue du territoire. Les Directions régionales de Kidal, Ménaka et Taoudénit sont créées et leurs staffs, constitués.
Comment se porte la Protection Civile du Mali ?
La Protection civile malienne d’aujourd’hui est un service rayonnant, en plein essor, tant au plan national qu’international. Au plan national, elle est visible à travers ses nombreuses interventions, de jour comme de nuit, au profit de nos populations des villes comme des campagnes, sur toute l’étendue du territoire national.
Au plan international, elle a pris part à toutes les rencontres importantes dans son domaine d’activités, notamment, au Cadre d’Action de Sendai 2015-2030 au Japon ; à la Stratégie Africaine commune de gestion des risques de catastrophes, à l’Assemblée Générale de l’Organisation Internationale de la Protection civile et, bientôt à la rencontre de Cancun au Mexique pour harmoniser les stratégies régionales et sous-régionales pour la mise en œuvre du Cadre d’Action de Sendai. La Protection civile du Mali a eu l’honneur de recevoir en 2015, le Secrétaire Général de l’Organisation Internationale de la Protection civile.
Votre service est plus connu pour ses interventions en cas d’accidents de la circulation et d’incendies. Quels ont été les domaines qui ont nécessité votre intervention ces dernières années ?
Les interventions de la Protection civile ont été accrues ces dernières années. Elles ont essentiellement porté sur des accidents de la circulation, les incendies, les noyades, les secours à personnes, les faits d’animaux, les interventions diverses…
En 2014, les unités opérationnelles de la Protection civile ont effectué 12 080 interventions, contre 13 308 en 2015 et 14 972 en 2016.
L’urbanisation et les grands travaux exigent des entreprises de BTP qu’elles soient plus regardantes des normes sécuritaires internationales. Travaillez-vous avec des acteurs de ce secteur ?
Naturellement, nous siègeront ensemble dans le comité national qui délivre les permis de construction où nous avons un grand rôle à jouer. Ensuite, nous devrons inspecter avant, pendant et après les travaux de construction et pendant l’exploitation surtout des établissements recevant du public, même si ce rôle est mal compris au Mali.
Des visites sont effectuées en fonction de la catégorie et du type d’établissement, à la suite desquelles des prescriptions sont faites à l’endroit de l’entreprise en charge de la construction et de l’exploitant sur la sécurité incendie. Ces prescriptions sont prises en charge par ces derniers afin d’avoir un avis de la protection civile.
Il se disait, il y a une dizaine d’années, que peu de bâtiments (buildings) au Mali répondaient aux normes de sécurité (incendie, eau, environnement), les choses ont-elles évolué depuis ?
On peut dire que les choses changent de mieux en mieux avec la collaboration entre services techniques. Chacun joue son rôle et une amélioration est sentie au niveau des résultats, même si beaucoup reste à faire.
La protection civile participe chaque année à l’étude des centaines de dossiers avec la Direction Nationale de l’Urbanisme (DNU) et la Direction Nationale du Contrôle de la Pollution et des Nuisances (DNACPN). A l’occasion, des prescriptions sont également faites sur les normes de sécurité contre la panique, l’incendie et l’impact environnemental pour les établissements recevant du public, des immeubles de grande hauteur et des installations classées.
La création d’un laboratoire d’analyse et de recherche au sein de la protection civile vient renforcer la capacité du service pour les besoins de sécurité incendie par rapport aux normes des matériels et matériaux utilisés dans la construction dans tout le Mali, en plus des nouveaux textes législatifs et autres normes qui vont beaucoup nous aider à atteindre l’objectif escompté.
Depuis quelques mois, votre structure s’est engagée dans un processus de modernisation. Comme l’on peut s’en douter, toute réforme implique des sacrifices. Quelles sont les grandes mutations prévues ?
Le processus de modernisation dans lequel la Protection civile est engagée s’inscrit dans le cadre de la Loi de Programmation pour la Sécurité Intérieure (LPSI), en cours d’adoption, sous l’égide du Ministère de la Sécurité et de la Protection civile. Elle va concerner tous les domaines du service, notamment : le personnel, les équipements, les infrastructures… Tous ces domaines seront renforcés de 2017-2021 pour donner un nouveau visage à notre Protection civile. En clair, nous allons bénéficier de plus de recrutements, de formations, de moyens d’intervention, d’unités opérationnelles et de meilleures conditions de vie et de travail.
La campagne de recrutement qui vient d’être lancée va-t-elle aussi contribuer au changement enclenché ?
Le processus de recrutement en cours procède effectivement de cet élan. Il fait déjà suite à celui opéré en 2016 dont les éléments sont opérationnels dans les unités d’intervention, à l’issue de leur formation professionnelle. Il en sera de même en 2018, 2019, 2020 et 2021, pour atteindre un effectif global de près de 4000 agents, contre un peu moins de 2000 présentement. Cela nous permettra d’apporter des secours de proximité à nos populations des villes comme des campagnes.
Justement, contrairement aux autres corps (paramilitaires), vos services sont peu déployés à l’intérieur. Qu’est-ce qui est prévu pour y remédier ? Qu’en disent les autorités ?
Effectivement, il y a quelques années, la Protection civile avait un faible taux de déploiement à travers le pays, comparativement aux autres « Corps habillés ». Mais depuis ces deux dernières années, nous avons rattrapé, voire, dépassé plusieurs services en termes de maillage du territoire. Aujourd’hui, il existe une entité de protection civile dans toutes les Régions administratives du Mali ; les Directions Régionales de Protection civile de Kidal, Ménaka et Taoudénit, ont été créées en 2016 et 2017, et les Directeurs régionaux ont été nommés avec leurs staffs, certains d’entre eux sont déjà en place. Il s’agit maintenant de renforcer ce déploiement par la création de plusieurs unités opérationnelles comme les Centres de secours, les postes de secours tant routiers que fluviaux. C’est la mise en œuvre de la LPSI qui va nous permettre d’atteindre rapidement ces objectifs.
Entretien réalisé par Boniface Dembélé