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Le Burundi va entrer « dans une logique de guerre civile »

C’est reparti pour un troisième mandant contesté. Pierre Nkurunziza a prêté serment devant le parlement, jeudi 20 août, après sa réélection à la tête du Burundi. Avant la tenue de ce scrutin jugé peu crédible par la communauté internationale, le pays avait plongé pendant plusieurs semaines dans des violences meurtrières contre ce troisième mandat. L’activiste burundais Teddy Mazina, né à Bujumbura en 1972, a été l’un des meneurs de la contestation contre une nouvelle candidature de Pierre Nkurunziza à la dernière présidentielle. Pour lui, le mouvement doit se poursuivre, « sinon on va rentrer dans cinq ans de dictature ».

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Le président Pierre Nkurunziza a prêté serment aujourd’hui pour un troisième mandat très contesté. Comment voyez-vous l’avenir ?

La situation va être délicate. On va rentrer dans une logique de guerre civile. Je pense qu’il y aura une guérilla urbaine, peut-être un coup d’Etat. Tout sera une question de rapport de force, sinon on va rentrer dans cinq ans de dictature. Le camp présidentiel n’accepte plus la contradiction. Tous les gens raisonnables de son camp ont quitté Nkurunziza depuis plusieurs mois. Le président du Parlement est parti, les généraux sont en cavale, d’autres en prison. Les médias libres ont été éliminés, trois radios ont brûlé lorsqu’il y a eu le coup d’Etat raté en mai. La télévision privée pour laquelle je travaillais a brûlé. 80 % des journalistes burundais sont en exil.

Pourquoi avez-vous choisi de rester ?

Certains résistent à l’extérieur, d’autres à l’intérieur. Je suis depuis trois mois dans la clandestinité. On vit la nuit, on bouge la nuit, si on bouge. Cela fait un bon moment que je ne peux plus prendre de photos, mais s’il y a une guerre civile, je vais la couvrir d’une façon ou d’une autre. Je fais des alertes, je relaye tout ce qui se passe. Les réseaux sociaux ont remplacé nos médias. J’ai une grosse audience sur Twitter et YouTube, aussi bien en interne qu’au niveau de la diaspora. Cela a pu aider à sauver pas mal de gens.

Le mouvement d’opposition est-il organisé ?

Il y a en tout cas une présence inhabituelle d’armes, on entend des coups de feu. La police se fait tout le temps attaquer. Les quelques généraux en exil ne vont rien lâcher.

Que vous inspire l’assassinat le 15 août du colonel Bikomagu ?

C’est une réponse et une revanche après l’assassinat du général Adolphe Nshimirimana, qui était le bras armé de Nkurunziza, celui qui faisait ses sales besognes et son bouclier. Bikomagu était un homme vieux, sans armes ni sécurité. Il symbolisait le camp d’en face.

Washington envisagerait de sortir le Burundi du programme de l’AGOA, la loi sur la croissance et les opportunités en Afrique. Croyez-vous à d’autres pressions venant de l’Occident ou des pays voisins ?

Les bailleurs de fond sont en colère. Je pense que l’asphyxie sera totale. Toute l’Afrique de l’Est était en train de décoller sur le plan économique. Si le Burundi retombe dans une crise intérieure, cela va freiner les projets d’échange et de circulation de la communauté économique de l’Afrique de l’Est. C’est toute une dynamique régionale qui est remise en cause, alors que le taux de croissance moyen était de 8 %. Nos voisins ne peuvent pas être contents.

Le président angolais José Eduardo Dos Santos fut lui parmi les premiers à féliciter Pierre Nkurunziza pour sa réélection…

Oui, mais l’Angola est loin de chez nous. Je ne sais pas pour quelle raison l’Angola apporte son soutien, je ne vois pas l’intérêt politique ou économique derrière ça. Mais si la région accepte Nkurunziza, ça veut dire qu’il va se passer la même chose au Congo avec Joseph Kabila qui veut se maintenir en poste. On va assister à cette « éternisation » du pouvoir, alors que l’alternance permet de créer des moyens de développement en Afrique, comme on l’a vu en Tanzanie ou au Kenya.

Source: Le Monde

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